Colloque « promouvoir le dialogue interculturel :

enjeux et perspectives du Conseil de l’Europe »

Lisbonne, 22 – 24 juin 2007

Discours de M. Pierre Corneloup,  rapporteur du Congres des Pouvoirs Locaux

et Regionaux sur le dialogue  interculturel et interreligieux

Monsieur le Président,

Mme la Secrétaire Générale adjointe,

Mesdames, Messieurs,

Mes Chers Amis,

C’est un grand honneur pour moi de me retrouver ici, à Lisbonne, au milieu d’éminentes personnalités, qui ont toutes efficacement contribué par leurs travaux à la réflexion sur la promotion du dialogue interculturel, et permettez-moi de dire interreligieux, car c’est dans cette direction que notre Congrès a souhaité travailler.

En tout premier lieu, Madame la Secrétaire Générale et Madame La Directrice générale, permettez-moi de vous féliciter pour avoir orienter les travaux du Conseil de l’Europe

dans la direction prometteuse du dialogue interculturel et d’avoir ainsi pris l’initiative d’organiser ce colloque dans la perspective d’un Livre Blanc qui devrait, j’en suis persuadé, marquer une étape décisive de notre réflexion dans ce domaine.

Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux s’est très tôt penché sur ce problème. Dès 2004, dans un rapport confié à l’un des nos experts, nous avions tenté de cerner les difficultés rencontrées par les collectivités locales dans la gestion de la diversité culturelle et religieuse. 

Il est d’ailleurs intéressant de constater qu’alors même que nous recherchions les méthodes pratiques de mise en œuvre  de la diversité culturelle au niveau local, nous avons d’abord buté sur les difficultés rencontrées par nos collectivités dans la gestion  de ce que l’on pourrait appeler les mitoyennetés religieuses et culturelles. Dans ces « mitoyennetés » résident des niveaux de complexités voire des conflictualités qui nous obligent nous, collectivités locales, à maîtriser ces phénomènes et d’abord à les découvrir et à les connaître. C’était le début de notre démarche en la matière et un encouragement à aller plus loin – ce que nous avons fait quelques mois plus tard, lors de notre session de mai-juin 2005, en adoptant le rapport  Hunt-Fäldt qui était assorti d’une résolution et d’une recommandation qui restent toujours d’actualité.

Comme vous le savez, Mme la Directrice générale, dans le droit fil des travaux déjà entrepris, le Congrès a souhaité contribuer efficacement au Livre Blanc du Conseil de l’Europe. 

Dans cette perspective, j’ai moi-même accueilli dans ma ville de Montchanin, en novembre 2006, un colloque international qui nous a permis notamment de dégager les 12 grands principes du dialogue interculturel et interreligieux pour les collectivités locales qui viendront appuyer la démarche du Livre Blanc.

Par ailleurs, vos services sont en train d’exploiter un questionnaire qui a été adressé aux collectivités locales européennes et qui devrait fournir une solide base de travail sur le rôle que peuvent jouer nos collectivités à cet égard.

Permettez-moi, à l’ouverture de cette conférence, de dire en quelques mots l’état de notre réflexion pour fixer d’emblée les idées.

Au Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux, nous avons la conviction - c’est du moins ce qui ressort des travaux de notre commission de la culture et de l’éducation - que les autorités locales doivent prendre conscience du rôle croissant joué par les religions dans les processus de construction identitaire et cela aussi bien au niveau individuel que collectif.

C’est d’ailleurs cette dimension culturelle  et sociale des religions qui réclame et légitime l’intervention de nos collectivités.

En effet, le paradoxe du dialogue interreligieux pour les collectivités locales, c’est que dans nos démocraties où la dimension religieuse relève de la liberté de conscience, il n’appartient pas aux pouvoirs publics de conduire ce dialogue. Et la puissance publique ne peut être ni organisatrice ni prescriptrice en la matière, au nom même des principes soit de laïcité, soit de subsidiarité, soit d’autonomie du religieux.

Et cependant – et c’est le cœur du paradoxe – la collectivité doit naviguer au plus près  entre non-indifférence et non-ingérence.

C’est toute la difficulté de l’exercice… et c’est notre premier principe dans l’organisation publique du dialogue.

En jouant cette carte de la connaissance, de la reconnaissance et de la confiance, nous voulons instaurer la sphère religieuse non plus en problème mais en ressources de façon à associer le religieux à la gestion démocratique du pluralisme.

Nous avons la conviction, là comme ailleurs, que la connaissance mutuelle, la reconnaissance de l’altérité, l’encouragement au dialogue entre acteurs religieux sont source d’apaisement des tensions dans nos villes et dans nos banlieues.

C’est la voie opposée à la ghettoïsation, c’est une démarche d’ouverture, celle-là même qui fonde les sociétés démocratiques.

Je ne veux pas entrer plus en détail dans cette gestion fine des collectivités qui relève souvent plus de la couture ou de la broderie que des travaux de gros œuvre. J’aurais l’occasion dans le cadre d’un atelier de développer ces idées.

Mais je voudrais, pour conclure, résumer la démarche de notre Congrès en esquissant la perspective centrale de nos travaux : l’interculturel doit progressivement l’emporter sur le multiculturel, et de la même façon, avec la plus grande conviction, nous croyons que l’inter-confessionnalité doit elle aussi l’emporter sur la multi-confessionnalité.

Pour les autorités locales, dans un esprit de neutralité délibérée, le dialogue interreligieux doit faire appel à la raison et non à la foi, à la connaissance et non à la croyance. Et permettez-moi de me référer à cet égard à l’expérience historique de mon propre pays : je veux parler de ce que nous appelons en France la laïcité, concept, je le sais, difficile à traduire sinon à comprendre pour des non-français. Cette laïcité nous indique pourtant les voies d’une vraie neutralité de l’Etat qui n’obstrue en aucune façon la possibilité d’une organisation raisonnable des cultes et pourquoi pas, demain, du dialogue interreligieux.

Vous comprendrez que je dise cela, évidemment, sans « esprit de clocher », mais plutôt dans la perspective d’expérimenter partout où c’est possible les modèles qui ont fait leurs preuves.

Interculturel, multiculturel, inter-confessionnalité, multi-confessionnalité, la proximité de ces concepts, la difficulté parfois de les démêler, nous oblige à la plus grande clarté politique et à une distribution rigoureuse des rôles de chacun. Il y va de l’avenir de nos collectivités, il y va de notre désir de vivre ensemble dans le respect de tous.

C’est le message que je souhaitais vous apporter aujourd’hui à Lisbonne au nom du Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux du Conseil de l’Europe, je sais que je trouverai ici des oreilles attentives  et des esprits enclins, par nature et par engagement, au dialogue. Je me réjouis par avance de la richesse de nos échanges.

Je vous remercie.