Débat de l’Assemblée parlementaire sur la situation des droits de l’homme et de la démocratie en Europe

(Strasbourg, 18 avril 2007)

Allocution de Halvdan Skard, Président du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux

Monsieur le Président,

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

C’est pour moi un grand honneur de participer à ce débat sur la situation des droits de l’homme en Europe, initiative de l’Assemblée parlementaire que je soutiens sans réserve. Il est temps que nous examinions notre rôle dans la défense des droits de l’homme et de la démocratie, que nous sachions comment se répartissent les responsabilités entre les gouvernements, les parlements, les pouvoirs locaux et régionaux, la société civile et les ONG.

Il va sans dire que si nous regardons l’Europe d'aujourd’hui et que nous la comparons au continent dévasté qu’elle était il y a soixante ans, nous avons accompli d'immenses progrès. Nous avons créé le système à nul autre pareil de protection des droits de l’homme fondé sur la Convention européenne des Droits de l'Homme au centre duquel se trouve la Cour européenne des Droits de l'Homme. Nous avons inscrit l’éducation aux droits de l’homme aux programmes scolaires. Nous avons éduqué des générations dans le respect des droits et des libertés d’autrui.

Il n’en demeure pas moins que la notion de droits de l’homme n’a jamais été figée. Elle a constamment évolué et pris de l'extension. Nous parlons aujourd’hui d’accès aux droits sociaux, de droits au logement, à l’éducation, à la santé, à un environnement de qualité, de droits des minorités, des migrants, des enfants. Plus que jamais, nous avons une idée de plus en plus précise des besoins et des attentes de nos citoyens et comprenons de mieux en mieux les problèmes auxquels nous faisons face, qu'il s'agisse de la traite des êtres humains, de la violence domestique, du racisme, de l'abus des drogues, de la sécurité urbaine, des enfants des rues ou de l'inégalité entre les sexes pour n’en citer que quelques-uns.

Les pouvoirs locaux et régionaux sont en première ligne pour traiter de ces problèmes dans la mesure où ils sont les premiers à en subir les conséquences, les premiers à être en contact avec les victimes dont les droits fondamentaux ont été bafoués et à prendre des mesures préventives, et ce d’autant plus que la décentralisation et la délégation de pouvoirs aux collectivités territoriales ainsi que le transfert de compétences des administrations centrales font de plus en plus des pouvoirs locaux et régionaux la première ligne de défense des droits de l’homme.

Le Congrès du Conseil de l'Europe a une mission claire : associer la dimension locale et régionale de la protection des droits de l’homme au développement de la démocratie, prendre des initiatives au niveau local, base même de l’édifice démocratique de nos sociétés. Le niveau local et régional est la base de la démocratie, le point de départ de toutes les activités que nous envisageons et nous devrions y être très attentifs ; ne l'oublions pas quand nous parlons de démocratie et de droits de l’homme. J’ai lu le rapport dont nous débattons aujourd’hui avec beaucoup d’intérêt et je compte sur celui de l’année prochaine qui, j’en suis certain, s'attachera davantage à l’aspect local et régional de la situation des droits de l’homme et de la démocratie en Europe.

Le Congrès, qui représente aujourd’hui plus de 200 000 collectivités territoriales, est le seul organe chargé de suivre l’évolution de la démocratie locale et régionale dans nos quarante-six Etats membres, en veillant notamment à la mise en œuvre de la Charte européenne de l’autonomie locale, traité fondamental que nous considérons comme notre contribution au système de protection des droits de l’homme.

Les pouvoirs locaux et régionaux sont les mieux placés pour prendre des mesures au niveau local, c'est‑à‑dire au niveau le plus proche du citoyen, que ce soit en faisant appel aux personnalités locales pour apaiser les tensions interethniques, en créant des foyers pour les femmes battues, en organisant la police locale pour qu’elle prenne des mesures contre la traite des êtres humains ou prévienne les émeutes urbaines, en associant les jeunes à la vie publique ou en améliorant la situation dans les quartiers défavorisés.

Les municipalités et les régions d’Europe participent déjà activement aux campagnes du Conseil de l’Europe visant à améliorer la situation des droits de l’homme – contre la traite des êtres humains ou contre la violence domestique – par des initiatives au niveau local et régional.

Cela étant, il convient si l’on veut véritablement améliorer les choses, de traiter des causes fondamentales des problèmes. A titre d’exemple, je mentionnerai la violence domestique et la traite des êtres humains qui sont liées dans une large mesure aux difficultés économiques que connaissent les familles ou les pays. Le peu d’enthousiasme du public pour les processus démocratiques est sans doute dû au désenchantement lié à nos institutions démocratiques et à la défiance vis-à-vis des hommes politiques. Les tensions interethniques et les émeutes urbaines sont largement dues à ce qui est perçu comme de la discrimination, ou du moins une absence d’attention vis-à-vis de certains groupes ethniques ou minoritaires.

L’une des réponses réside dans une meilleure intégration et participation de tous les groupes de la société, ce qui commence à la base. L’économie locale devient de plus en plus importante pour créer des emplois et améliorer la situation économique. La police locale est de plus en plus considérée favorablement par les communautés. L’autonomisation des femmes est supérieure au niveau local. Toutes ces questions ainsi que celles des droits de l’homme et de la participation des citoyens seront examinées en juin lors du Forum pour l’avenir de la démocratie qui se tiendra en Suède et auquel participeront activement les collectivités locales.

Le Congrès s’est efforcé de créer des bureaux de médiateurs locaux et régionaux pour les droits de l’homme et entend désormais les mettre en réseau, activité qu’il mène en collaboration avec le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l'Europe dans le cadre de ses priorités et de son programme de travail pour 2007-2008.

Mesdames et Messieurs,

En conclusion, donnons aux communautés des moyens d’agir, favorisons la participation des citoyens, donnons aux populations un véritable sentiment d’appartenance et autorisons-les à participer à la prise de décisions. Ainsi l’Europe restera un continent où il fait bon vivre.

Je vous remercie.