Session de printemps du Congrès – 27-28 mars 2007-03-27

Débat sur « La violence domestique faite aux femmes »

Allocution de Fabienne Keller, Maire de Strasbourg

Mardi 27 Mars 2007

11 heures 15

Je me réjouis d’être présente au Palais de l’Europe pour cette session de printemps du Congrès des Pouvoirs locaux. Les représentants des collectivités de toute l’Europe ont, grâce à cette rencontre, une opportunité de traiter de certains sujets qui concernent tous les citoyens, d’échanger entre élus locaux, d’évoquer des expériences de terrain et d’en tirer des enseignements.

Je remercie tout particulièrement Monsieur le Secrétaire Général, Terry DAVIS et Monsieur le Président du Congrès, Halvdan SKARD, pour leur invitation. Je salue également Pascal MANGIN, qui s’est investi en tant que rapporteur sur ce dossier.

Si la condition des femmes connaît des améliorations certaines, il reste des domaines où la situation continue d’être préoccupante. Le thème qui

nous rassemble aujourd’hui en fait partie. Les violences domestiques, les violences conjugales, les violences faites aux femmes touchent encore nos sociétés dites modernes. En France, mais aussi en Allemagne, tous les trois jours, une femme meurt des suites de violences conjugales. Pendant trop longtemps, le silence a prévalu. Le foyer a constitué pour beaucoup un univers d'angoisse clos. Le respect de la vie privée a justifié pendant longtemps une non ingérence coupable, à laquelle il faut mettre fin.

1) – Les violences

1 - Une violence multiforme

Cette violence à l’encontre de son partenaire s’exprime sous diverses formes : physique, psychologique, verbale, émotionnelle, sexuelle, économique.

Les atteintes à l’intégrité physique (gifles, coups de poing, coups de pied, sévices, relations sexuelles contraintes) sont souvent les actes les plus visibles.

Mais il ne faut en aucun cas négliger les pressions psychologiques particulièrement fréquentes, les actions de contrôle de son conjoint (imposer des habits, refuser que son conjoint parle à d’autres personnes), le dénigrement, les humiliations, ou encore les privations que certains font endurer à leur partenaire. La répétition de ces faits apparemment anodins quand ils sont pris isolément finit par engendrer une situation d’emprise sur la personne. La dépression gagne la victime, la fin du calvaire se termine parfois par le suicide.

2- l’Influence des violences conjugales sur l’enfant

Les violences faites aux femmes rejaillissent sur les enfants. En 2006, 10 enfants ont trouvé la mort en même temps qu’un de leur parent. Les enfants, victimes, mais aussi témoins des violence au sein du couple, reproduisent souvent des comportements similaires, agissant par mimétisme. Un enfant perturbé et violent est parfois le signe extérieur de la présence de violences domestiques au sein de la famille. Nos personnels des  structures d’accueil des enfants ( écoles,  Petite enfance) en sont conscients et restent vigilants

3- Les violences faites aux femmes : un problème d’hommes.

Les violences faites aux femmes ne doivent pas être traitées comme un problème de femme, mais au contraire être perçue comme un problème d’homme. En effet ces actes sont généralement réalisés par des hommes immatures, égocentriques ou présentant encore de graves troubles de la personnalité. Cette violence n’est que l’expression d’un mal-être. L’homme doit être suivi et faire l’objet de soins, surtout pour éviter que le phénomène  se reproduise après dissolution du couple et pire qu’il s’aggrave.

4- La banalisation de la violence

Ces actes sont trop souvent considérés comme une manifestation des difficultés que traverse un couple, ils sont alors banalisés. Pourtant nous sommes en face de comportements intolérables, qui peuvent être sanctionnés par nos lois. Encore faut-il connaître ces lois et ces droits ? L’accès à l’information et le respect des procédures s’avèrent souvent difficiles pour une femme en situation de détresse.

5- La diversité des victimes de violence

Loin de se cantonner aux classes défavorisées, le phénomène des violences domestiques touche toutes les catégories sociales, économiques et culturelles de la société, et tous les âges. Il ne se limite pas aux femmes au foyer mais concerne majoritairement des femmes qui exercent une activité professionnelle. D’un côté, les femmes chômeuses sont particulièrement exposées mais on retrouve aussi à l’autre extrémité du marché de l’emploi, les femmes cadres. Nous ne devons pas avoir d’idées reçues. Trop souvent, les actes de violence domestique sont cachés par l’image d’un couple modèle.

6- Libérer la parole des femmes victimes

La Ville de Strasbourg a décidé de s’engager dans la campagne menée par le Conseil de l’Europe pour « stopper les violences domestiques faites aux femmes » et pour sensibiliser toutes les Strasbourgeoises et tous les Strasbourgeois à ce sujet. La Ville souhaite s’engager aux côtés de ses partenaires pour contribuer à briser la loi du silence qui entoure trop souvent ces comportements : inciter les femmes à se confier, les témoins à parler, les proches à agir et à dénoncer les situations.

Trouver la force de libérer sa parole, de se sentir victime, et d’accepter de reconnaître les violences qu’on subit est essentiel. On discerne plusieurs étapes chez les femmes ,victimes de ce type de maltraitance.

 

D’abord, la négation. Elle s’explique par plusieurs facteurs, l’espoir d’une amélioration de la situation, la volonté de préserver l’unité de sa famille, la crainte de perdre ses enfants et de les voir confier à l’assistance publique, la pression de l’entourage et des proches, la peur de l’isolement social et de la solitude, la dépendance économique et matériel à l’égard du conjoint. Trop souvent les actes de violence sont minimisés, voire cachés sciemment par la victime. Ils sont assimilés à des accidents malgré leur fréquence et leur intensité.

Ensuite, la femme éprouve de la culpabilité, estimant que la violence est justifiée. Elle ne serait pas à même de satisfaire les attentes de son conjoint.

Puis vient la prise de conscience, la situation est enfin perçue comme anormale par la victime. C’est souvent à ce stade qu’une aide des services sociaux peut être efficace. 

Dernière étape, la femme décide de mettre fin à ces sévices et d’échapper à sa condition. Sa situation personnelle, la présence d’enfants, le lien de dépendance économique avec son conjoint, la possibilité d’être accueillie par des amis ou de la famille créent des situations très variées et des besoins plus ou moins faciles à satisfaire .

2 – Les actions de la Ville

L’action de la Ville  de Strasbourg passe par la détection des cas de violence, l’accompagnement des victimes, l’orientation des femmes vers les structures les plus adaptées.

1- La détection des victimes :

La Ville et la Communauté urbaine disposent de nombreux services qui ont vocation à recevoir du public. Les 6 200 agents sont souvent au contact direct des Strasbourgeoises et des Strasbourgeois. Ils doivent pouvoir orienter les femmes en détresse et notamment les victimes de violence vers les structures de l’action sociale de la Ville qui seront à même de les aider et de les renseigner. 

Nos services sociaux sont sensibilisés au « dépistage » et à la prise en charge précoce des victimes de violences. Certaines périodes de la vie sont génératrices de tensions qui peuvent favoriser les passages à l’acte violent.

La période de grossesse joue souvent comme un facteur déclenchant : Les femmes enceintes sont particulièrement exposées à la violence de leurs partenaires. Les agents qui travaillent dans le service de la protection Maternelle et Infantile y sont particulièrement sensibles.

Les difficultés économiques aiguës comme la perte d’un emploi entrainent aussi l’apparition de comportements violents.

Les crises familiales notamment générées par les enfants sont en dernier lieu un autre événement susceptible d’engendrer un surcroit d’agressivité.

Dans ces centres municipaux, les femme sont mises en confiance et rassurées par des professionnels. Elles peuvent s’exprimer librement. Leur situation personnelle est analysée afin d’apporter des solutions adaptées. Il peut s’agir d’éviter que la situation entre conjoints se détériore. La Ville propose ainsi une médiation. L’année dernière près de 700 ménages ont été suivis pour des problèmes relationnels.

2- Orientation vers les structures selon les situations personnelles :

Selon les situations personnelles et la gravité des faits, la victime sera orientée vers l’interlocuteur le plus approprié, des associations spécialisées pour un accompagnement humain et une assistance juridique, ou vers une structure de la police nationale spécialisée, la Cellule de Traitement des Violences Intra-Familiales qui accompagne la victime à partir du dépôt de sa plainte jusqu’à son hébergement.

3- L’Hébergement d’urgence

Une des aides essentielles que la Ville doit apporter aux victimes de violence domestique consiste à faciliter l’accès à un logement. Selon les risques auxquels s’exposent la victime  et les moyens de relogement qu’elles disposent auprès de sa famille et de ses proches, la Ville doit proposer à la femme victime et à ses enfants un hébergement d’urgence. En effet, la prudence impose souvent de quitter le domicile et la mission principale des élus locaux est d’assurer la mise à disposition d’un logement adapté sans délai. Pour remplir cette mission, la Ville dispose d’une réserve d’une vingtaine de logements dont certains sont gérées par des associations partenaires.

 

La Ville dispose également d’une capacité importante de logements de stabilisation, permettant de loger des femmes seules ou avec leurs enfants, sans urgence particulière, et proposant également un accompagnement social poussé : accès aux droits sociaux, Service de la Prévention Maternelle et Infantile, suivi scolaire des enfants, l’insertion professionnelle, recherche d’un logement durable auprès des bailleurs sociaux. La Ville s’appuie aussi sur des associations qui disposent de capacités d’hébergement propres. L’association Regain proposent deux modalités d’hébergement, un structure collective d’une capacité de 23 lits et 7 appartements relais. D’autres structures comme l’association Femmes de parole s’adressent à un public particulier de femmes en grande précarité et désocialisées qui demandent une prise en charge spécifique.

Enfin l’Etat et les autres collectivités, le département principalement, complètent les actions de la Ville en proposant des solutions de logement sur le moyen et le long terme avec plusieurs centaines de places réservées. 

Conclusion : La Ville doit agir de concert avec ses partenaires associatifs et institutionnels

Le traitement des victimes de violences domestiques  nécessite  une assistance longue et la participation de nombreux acteurs. A Strasbourg, nous travaillons en partenariat étroit avec les associations locales et les autres institutions, chacun ayant son domaine de compétence et sa spécialité. Nous générons ainsi des synergies pour aider dans les meilleures conditions possibles les victimes et lutter contre ce type de violence.

Je vous remercie.