5e Conférence des villes durables - « Répandre les engagements dans la rue »

Séville, 21-24 mars 2007

Allocution de clôture de Myriam Constantin,

Membre de la Commission du Développement Durable

du Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux du Conseil de l’Europe.

Monsieur le Maire, Monsieur le Secrétaire Général,

Chers collègues,

Mesdames, Messieurs,

Nous venons de tenir à Séville la 5e Conférence des villes durables européennes dont le succès nous prouve, si besoin était, combien il est fondamental pour les élus locaux et régionaux de répondre aux enjeux du développement durable.

Aujourd’hui le développement durable est essentiel pour nos concitoyens. Les habitants de nos cités ne veulent plus subir les conséquences d’un développement économique mondial incontrôlé qui menace l’environnement. Ils ne veulent plus subir le changement climatique, la destruction de nos ressources naturelles ou les effets de la pollution sur la santé humaine. Ils veulent au contraire un développement maîtrisé qui jette les bases d’une croissance durable, qui leur assure une bonne qualité de vie, un emploi, et leur permette d’envisager sereinement l’avenir de leurs enfants. C’est à ce défi que nous, élus locaux, devons répondre.

C’est un grand honneur pour moi de représenter aujourd’hui le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, organisation paneuropéenne représentant les 200 000 collectivités territoriales de 46 états membres du continent européen, de Reykjavik à Ankara, de Lisbonne à Vladivostok.

Alors que nos collègues du Comité des Régions sont réunis aujourd’hui à Rome, pour commémorer le 50e anniversaire de la signature des traités fondateurs de l'Union européenne, il m’appartient de rappeler que cette année 2007 représente aussi pour nous, au Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, le 50ème anniversaire de la démocratie locale sur le continent européen.

C’est en 1957, en effet, que le Conseil de l’Europe a créé la Conférence des Pouvoirs locaux, aujourd’hui le Congrès. Il s’agissait de la toute première institution européenne attachée au développement de la démocratie locale permettant aux élus locaux de participer, dans un esprit de dialogue, à l’élaboration des politiques et des instruments juridiques européens. En 1957, les Etats s’engageaient dès lors, pour la première fois dans l’histoire, sur la voie d’une véritable autonomie locale.

De 1957 à 2007, nos élus ont non seulement contribué à la formation de l’espace européen où les valeurs de la démocratie pluraliste, des droits de l’Homme et de l’Etat de droit sont reconnues et partagées par tous, mais également à faire entendre leurs voix en tant qu’élus locaux et régionaux.

Les questions liées aux politiques locales et régionales, longtemps chasse gardée des Etats, ont débordé du cadre strictement étatique. Le principe de subsidiarité, ainsi accepté par les gouvernements, a donné une impulsion au processus de décentralisation sur l’ensemble de notre continent et permis l’avènement en 1985 de la Charte européenne de l’autonomie locale.

Cette Charte consacre le principe selon lequel une autonomie locale effective est essentielle à la démocratie et énonce d’autres principes qui devraient régir les relations entre les pouvoirs locaux et les autorités centrales. A ce jour, elle a été ratifiée par 42 des 46 Etats membres du Conseil de l’Europe.

C’est un symbole fort que mon pays la France, l’un des membres fondateurs et pays hôte du Conseil de l’Europe, ait ratifié la Charte en janvier de cette année, l’année où nous marquons le 50ème anniversaire de l’avènement de la démocratie locale sur le continent. C’est un symbole fort et aussi, avouons-le le signe d’un certain retard français aujourd’hui rattrapé et c’est tant mieux !

Nous noterons que tous les 27 Etats membres de l’Union sont à présent parties à cette Convention, devenue le Traité international de référence en matière de démocratie locale. Le projet de Traité constitutionnel de l’Union Européenne y fait d’ailleurs explicitement référence à en son article 5.

50 ans, c’est un temps long et à la fois court. Nous sommes fiers que les Chefs d’états et de Gouvernements du Conseil de l’Europe aient, lors du Sommet tenu à Varsovie en mai 2005, réaffirmé solennellement l’importance de la dimension territoriale pour l’avenir de notre continent. Le Plan d’action, adopté par le Sommet, attache une attention particulière à la démocratie locale et régionale et reconnaît le rôle essentiel du Congrès dans la construction européenne. Nous nous réjouissons de cette progression dans les esprits, mais pas seulement dans les esprits, dans la pratique.

Enfin, je ne pourrais continuer ce rappel historique sans rendre un hommage appuyé aux associations de pouvoirs locaux, en particulier au Conseil des Communes et Régions d’Europe qui a été la première organisation non gouvernementale européenne à impulser, dès 1951, le processus de la décentralisation. En effet, la création du Conseil de l’Europe avait enclenché un mouvement populaire promouvant l’idée qu’une démocratie vivante ne peut exister que si elle touche les citoyens au plus près. Ce mouvement de maires soutenait également la nécessité d’échanges et de partenariats entre les collectivités locales des différents pays du continent.

Que de chemin parcouru depuis cinquante ans. Nous sommes réunis ici à Séville à l’initiative des différentes associations et réseaux de collectivités territoriales qui participent à la Campagne des villes durables. Ensemble ils militent, dans l’esprit même du développement durable, pour que l’approche ne soit pas uniquement dictée par les organisations européennes ou internationales mais fasse l'objet d'une appropriation et d’un retour d’expérience par les acteurs locaux et leurs partenaires sur le terrain.

Ces quelques mots pour vous dire combien le Congrès considère la coopération avec les associations de pouvoirs locaux comme un élément déterminant de son propre développement et du devenir des collectivités territoriales.

Au Congrès, depuis 50 ans, nous croyons aux vertus de l’échange d’expérience et à la mobilisation collective pour répondre aux défis et enjeux chaque fois plus complexes auxquels les collectivités territoriales doivent faire face.

Des efforts considérables ont été menés pour avancer dans ce sens et nous avons vu au fil des années un intérêt croissant porté par les autres organisations internationales aux questions territoriales. Je ne ferai pas ici la longue liste des initiatives, des chartes et des conventions qui ont vu le jour grâce à l’initiative ou à l’appui du Congrès.

Si notre organisation est reconnue pour sa mission essentielle qui est celle du suivi de la démocratie locale et régionale et de la mise en œuvre par nos pays membres de la Charte de l’autonomie locale, ou encore l’observation d’élections [auxquelles j’ai eu la chance de participer], il est un domaine fondamental où le Congrès œuvre c’est celui du développement durable des collectivités territoriales. Nous l’entendons au sens large, qui traite non seulement de la protection de l’environnement et des ressources naturelles mais aussi de l’intégration des dimensions sociales, culturelles et économiques. Nous entendons également le développement durable comme une partie intégrante de la démocratie locale et des droits de nos concitoyens.

Mesdames, Messieurs,

Le développement durable fait l’objet, en tant que principe, d’un large consensus. Cependant, le travail transversal et l’interdisciplinarité qu’il impose aux acteurs du terrain se heurtent encore à des pratiques, à des représentations et à des cultures trop bien établies, rigides, dans le champ de l’action publique.

Si la question de l’environnement a toujours mis en avant la carence de cet aspect transversal de l’action publique, le développement durable vient compliquer l’action en exigeant l’intégration de dimensions contradictoires et l’articulation complexe entre des territoires et des échelles de temps.

Par ailleurs, les tendances non durables que nous connaissons et leur inscription dans l’urgence : changement climatique, consommation d'énergie, menaces pour la santé publique, pauvreté et l'exclusion sociale, pression et vieillissement démographiques, perte de diversité biologique, appauvrissement des ressources naturelles… nous obligent à agir en urgence et à court terme, tout en nous inscrivant dans des objectifs une perspective d’action à long terme.

Ce constat nous le partageons tous et, au Congrès, nous sommes convaincus que le principal défi est de modifier progressivement nos modes actuels non durables de consommation et de production, ainsi que la manière trop souvent cloisonnée d'élaborer et de mettre en oeuvre les politiques.

Nous prônons une approche intégrée, multi partenariale, multidisciplinaire et participative. Dans l'élaboration de stratégies de gestion globale, la formation des acteurs et le renforcement des capacités locales sont les conditions de la réussite de nos efforts.

C’est dans cet esprit que nous élaborons nos recommandations. Nous le savons, le développement durable de nos cités ne peut être un combat partisan et alors que nous vivons des heures historiques, avec une Union Européenne à 27, le rôle du Congrès est fondamental. 

Nous nous considérons comme le laboratoire où se prépare et s’expérimente la construction européenne. Notre démarche est globale face aux défis de la mondialisation et de l’intégration européenne. Il s’agit d’avancer rassemblés et d’associer chacun à l’effort collectif.  Une démocratie locale et régionale vivante, loin de s’opposer à cette évolution, en est, au contraire, complémentaire. 

Voici en quelques mots, notre philosophie. En tant qu’organisation politique représentant les élus locaux et régionaux, nous partageons une qualité nécessaire à l’action politique : la persévérance. C’est ainsi que nous arriverons à mettre en œuvre les politiques volontaires et intégrées que nécessite la complexité de nos sociétés.

Cinquante après, nous poursuivons la construction européenne, en continuant d’ancrer partout sur notre continent la démocratie locale.

Je vous remercie.