Conférence internationale sur le dialogue interculturel et interreligieux (Volga Forum) - Nizhniy Novgorod, 7-9 septembre 2006

Discours de M. Yavuz Mildon, Président de la Chambre des Régions du Congrès, sur l’importance de promouvoir le dialogue interculturel et interreligieux au niveau des collectivités locales et régionales

7 septembre 2006

« Les élus locaux et régionaux au service du pluralisme culturel et religieux »

La multiplication et la diversification des expressions religieuses pose la question de la gestion du pluralisme culturel. En effet, il existe des tensions au niveau mondial, mais elles ne constituent pas nécessairement un clivage entre les religions judéo-chrétiennes et l’islam, portant à un conflit, entre les civilisations comme le décrit M. Samuel Huntington. Il existe également des clivages et des oppositions importantes au sein de l’islam, (Sunnisme, Chiisme par exemple), ou du monde chrétien (catholicisme / orthodoxie).

Cependant, la situation actuelle tend à enfermer un certain nombre d’individus dans un climat d’affrontement fondé sur une idéologie religieuse excluant les autres.

La poursuite des confrontations, voire l’aggravation de tels clivages, pourrait rendre le monde invivable.

Nous devons par conséquent apprendre à vivre dans un monde plus complexe et en tenant compte de l’identité de chacun et en respectant ses choix.

Le Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux du Conseil de l’Europe privilégie une approche interactive, prônant le dialogue entre tous les habitants, ayant pour conviction qu’une culture démocratique se base sur l’acceptation des pluralismes culturels et religieux tels qu’ils ont été définis dans la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales du Conseil de l’Europe, à Rome, le 4 septembre 1950.

L’article 9, de la Convention européenne des Droits de l’Homme, indique clairement le cadre de toute action politique dans ce domaine :

« Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites. » (…)

Le Congrès pour sa part travaille sur l’importante question des identités culturelles, en particulier, l’identité culturelle régionale. L’affirmation de l’identité ne signifie pas le rejet de l’identité des l’autres. Dans un monde globalisé, devenu plus complexe, les identités se chevauchent. L’identité individuelle peut ainsi être construite sur l’appartenance à plusieurs identités collectives différentes. C’est le philosophe français Michel Serres qui a fait l’éloge du métissage qui nous invite au dépassement des cloisonnement entre les identités. La gestion ouverte d’une société multiculturelle devrait nous permettre d’aborder la culture de l’autre dans un esprit d’enrichissement mutuel, aussi bien sur le plan culturel et social que religieux et en privilégiant les convergences plus que les divisions. Elle devrait nous permettre de rejeter la notion des « identités meurtrières » évoqués dans un livre de l’écrivain franco-libanais Amin Maalouf.

Nous plaidons au Conseil de l’Europe pour le respect de l’égalité des droits des différentes cultures.

Au Congrès nous sommes convaincus que les collectivités locales et régionales constituent l’un des piliers de tout Etat démocratique et que leur autonomie doit être non seulement protégée mais également développée et que l’une des garanties essentielles des droits de l’homme et des libertés fondamentales réside dans le respect des droits et des libertés des collectivités locales et régionales.

Conformément au principe de subsidiarité, c‘est aux niveaux local et régional que le droit des citoyens de participer à la gestion des affaires publiques peut s’exercer le plus directement.

Le Congrès s’engage donc délibérément dans une démarche « interventionniste » afin d’offrir à tous les citoyens les mêmes droits et devoirs. Il s’agit de proposer des formes et des structures facilitant le dialogue interculturel entre tous les habitants et de les associer étroitement à la mise en place de telles structures d’échange démocratique.

La vie de la cité est une affaire qui nous concerne tous.

Notre démarche politique consiste à aller jusqu’à solliciter les différents courants et groupes culturels et religieux pour qu’ils apportent leur contribution au vivre ensemble en participant activement à la vie de la commune.

Le respect mutuel et la réciprocité sont des clefs pour construire et alimenter ensemble le dialogue entre tous les groupes concernés.

Le dialogue et la création de plateformes de dialogue sont des outils au service de la diversité culturelle grandissante de nos sociétés multiculturelles.

Ces principes vont tout à fait dans le sens des principes de la campagne européenne « Tous différents, tous égaux », à laquelle le Congrès apporte son plein soutien.

Les élus locaux et régionaux ont un rôle capital à jouer pour trouver les moyens de mettre en oeuvre ces grands principes.

Nous sommes sont donc invités à repenser l’inclusion et non l’exclusion de l’autre.

La politique fixe les règles, établit le cadre juridique, permettant aux citoyens de vivre pacifiquement ensemble.

Dans ce but il nous semble utile de proposer de créer des instances d’information et de médiation indépendantes, aussi bien religieusement et philosophiquement que politiquement, c’est-à-dire des instances comprenant des représentants des pouvoirs publics, des représentants de diverses religions, des mouvements laïques, des représentants d’associations antisectes, des juristes et des universitaires spécialisés dans l’étude des phénomènes religieux. Les exemples tels que : « Inform » au Royaume-Uni, ou « l’Observatoire du religieux » en Suisse, semblent nous indiquer une voie à suivre.

De telles instances peuvent constituer un recours précieux pour des élus confrontés à la présence de groupes qu’ils ont du mal à identifier et à évaluer, et qui suscitent parfois des réactions virulentes de la part de leurs concitoyens.

Le Conseil de l’Europe pourrait réunir un certain nombre de pratiques plus ou moins efficaces, afin d’établir, à partir de là, une analyse comparative, se basant précisément sur les bonnes pratiques. Ce recueil de bonnes pratiques pourrait servir de point d’ancrage pour l’élaboration d’un manuel de bonne conduite, qui pourrait servir de fil conducteur politique pour des élus peu expérimentés dans la gestion de la diversité culturelle et religieuse.

Vivre ensemble en respectant l’autre c’est un effort continu, le Conseil de l’Europe s’est engagé dans cette voie dès sa création, sur les décombres des idéologies et des haines de la deuxième guerre mondiale.

Nous sommes réunis ici à Nizhniy Novgorod pour donner une nouvelle impulsion politique à cet élan, que la démocratie pluraliste, l’état de droit et la sauvegarde des Droits de l’Homme, sont aussi les meilleurs garants du pluralisme culturel et religieux.