13e session du Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux (du 30 mai au 1er juin 2006)

Intervention de Michel Delebarre, Président du Comité des régions de l'UE

Strasbourg, 1 juin 2006

Mesdames et Messieurs, chers collègues,

je suis très honoré d'intervenir devant vous pour cette 13e session plénière du Congrès qui est aussi celle inaugurant un nouveau mandat.

Je tiens bien évidemment à féliciter le nouveau président du Congrès, M. Halvdan SKARD: pour avoir été élu à l'unanimité comme je le fus il y a trois mois à la présidence du Comité des régions pour ce qui me concerne. Ainsi, nos mandats se dérouleront quasiment en parallèle pendant ces deux années.

Au-delà de la similitude de durée de nos mandats, je suis certain que nous pourrions réussir également à synchroniser un certain nombre de projets politiques. Et pour ce faire, M. SKARD, nous partons d'une base très positive compte tenu du travail effectué par votre prédécesseur, notre ami Giovanni DI STASI.

Tous mes vœux vous accompagnent, M. le Président, et je suis convaincu que pendant votre mandat la coopération entre nos deux institutions pourra progresser conformément aux perspectives souhaitées par le Président DI STASI.

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Permettez-moi d'emblée de vous dire que je considère notre coopération bilatérale comme très satisfaisante et ce à trois titres différents: celui des relations personnelles, celui de nos relations statutaires et celui des projets pour lesquels nos complémentarités s'avèrent très fructueuses.

Notre coopération repose tout d'abord sur les relations personnelles dans la mesure où plusieurs de nos collègues appartiennent à la fois au Comité des régions et au Congrès, et ils sont nombreux dans cette situation. Mais que nous soyons membres du CdR, du CPLRE ou des deux à la fois, le fait est que nous nous collaborons fréquemment dans les vastes réseaux d'associations d'élus, que ce soit au niveau européen, national, régional, local ou au sein de réseaux sectoriels ou géographiques.

En fait, nous, élus du Comité des régions et du Congrès, parlons le même langage: celui de l'élu exerçant des responsabilités de proximité, appartenant à une assemblée politique au sein d'une organisation européenne dont nous ne voulons et ne pensons pas pouvoir laisser le monopole au niveau uniquement inter-gouvernemental.

Notre coopération repose ensuite, statutairement, sur l'accord de coopération que nos deux institutions ont signé le 13 avril 2005. La mise en œuvre de cet accord fait régulièrement l'objet des réunions de notre groupe de contact, dont la prochaine est déjà prévue le 3 juillet prochain. La continuité à ce niveau-là est donc garantie.

Enfin, notre coopération repose sur des projets très concrets et j'y reviendrai dans un instant.

En effet, je pense utile au préalable d'aborder ma perception politique de notre coopération.

Le 11 avril dernier le Premier ministre luxembourgeois, M. Jean-Claude Juncker, a présenté devant l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe  son rapport intitulé : « Conseil de l’Europe- Union européenne : une même ambition pour le contine nt européen ».

Je retiens deux enseignements de ce rapport:

D'une part M. Juncker met l’accent sur le renforcement du partenariat entre les deux organisations européennes « différentes, mais complémentaires ».

D'autre part, il estime que la coopération entre le Congrès et le Comité des Régions est un des vecteurs majeurs de la coopération générale entre le Conseil de l’Europe et l’Union Européenne et que dès lors elle "devra se poursuivre et s’intensifier".

Concrètement, cela signifie pour moi développer les synergies tout en commençant par éviter les duplications dont je donnerai deux illustrations:

Il est clair que le Comité des régions ne dispose pas de l'expertise du Congrès sur l'analyse des fondamentaux de la démocratie locale qui font, par vous, l'objet d'un suivi permanent, conforme aux compétences du Conseil de l'Europe et fruit des missions que vous effectuez sur le terrain. C'est pourquoi le Comité des régions ne pourrait égaler et ne cherchera pas à égaler cette expertise, mais s'appuiera sur la votre dès lors qu'il serait amené à intervenir sur ce sujet dans le cadre d'avis qu'il formule conformément au processus décisionnel communautaire.

Ainsi, de la même manière que le Comité des Régions s'est fait avec succès le défenseur de l'intégration d'une référence à la Charte de l'autonomie locale dans les principes de l'Union lors des travaux de la Convention chargée de l'élaboration du traité constitutionnel, le CdR continuera également à venir en appui au projet de Charte européenne de l'autonomie régionale. Il l'a d'ailleurs fait, récemment encore, dans son avis du 7 juillet 2005 sur "L'état du processus de décentralisation dans l'Union européenne et la place de l'autonomie locale et régionale dans le projet de traité constitutionnel".

Je souligne en passant que l'intérêt de vos travaux en matière de démocratie locale et régionale est d'autant plus pertinent qu'il n'y a aucun ostracisme entre les pays de l'Union Européenne et ceux hors Union Européenne dans vos travaux. Lors de cette session plénière, vous avez ainsi appliqué les mêmes grilles d'analyse à la situation de l'autonomie locale à Chypre, en Lettonie, au Liechtenstein, en Palestine, dans le Caucase du Sud, en Moldavie et en Turquie.

La primauté du rôle du Congrès ne saurait non plus être mise en cause pour les missions d'observations d'élections. Les demandes de telles missions s'adressent en règle générale à l'OSCE et/ou au Conseil de l'Europe. Il n'y a pas lieu pour le CdR de chercher à s'y immiscer sauf si, comme ce fut par exemple le cas à l'occasion du récent référendum sur l'indépendance du Monténégro, le Congrès est disposé à associer le CdR. L'expérience faite au Monténégro où quatre représentants du Comité des régions étaient associés aux représentants du Congrès a été un franc succès. Je vous invite à la réitérer. Sachez que la disponibilité de nos membres est assure pour de telles missions.

Inversement, je pense que le Congrès n'aurait pas d'intérêt direct à se positionner dans le suivi du processus décisionnel communautaire. Il peut arriver que son expertise soit une valeur ajoutée sur telle ou telle thématique communautaire, mais ce sera toujours un apport, une expertise extérieure, complémentaire et ponctuelle qui ne saurait se substituer à la légitimité institutionnelle du Comité des régions au sein de l'Union Européenne.

Vu du CdR, notre coopération avec le Congrès paraît la plus prometteuse dans les domaines liés à la "Grande Europe", à savoir en particulier les projets de coopération territoriale interrégionale et transfrontalière entre des collectivités de l'Union Européenne et celle situées au-delà des frontières de l'UE mais aussi s'agissant des thématiques politiques "qui se jouent des frontières".

C'est ainsi que nous sommes convaincus de la contribution à la cohésion territoriale qu'apporte à notre continent le développement de ces nouvelles "Eurorégions" articulées autour de ces "mers intérieures européennes" de l'Adriatique, de la Baltique, de la Mer Noire.

J'ai également déjà eu l'occasion de confirmer au Président Di Stasi notre appui pour la création du Centre pour la coopération interrégionale et transfrontalière à Saint-Pétersbourg. J'ai déjà eu l'occasion de faire valoir cet intérêt devant l'ambassadeur de Russie auprès de l'Union Européenne, j'en ferai de même auprès de la Commission européenne, du Parlement Européen et du Conseil des ministres car il me semble que les objectifs de ce Centre sont une parfaite illustration des démarches que devrait promouvoir le projet d’instrument de voisinage et de partenariat susceptibles de prendre la relève du programme TACIS à partir de 2007 et dont les modalités sont en cours de discussion au Conseil et au Parlement européen.

Pour ce qui est des thématiques politiques, nul n'est besoin de revenir en détail sur notre engagement commun en faveur de la proposition de règlement relatif à l'institution d'un groupement européen de coopération transfrontière. En concertation avec le Président Di Stasi, le Comité des régions a d'ailleurs rappelé au Conseil le caractère fondamental de cet outil à travers une résolution adoptée en assemblée plénière en février dernier.

Par contre, au-delà de ces sujets traditionnels de l'autonomie locale et régionale et de la coopération entre régions, je pense qu'une perspective d'avenir de notre coopération, insuffisamment exploitée jusqu'à présent, est la réflexion sur les réponses communes que nous pouvons apporter -- en tant que représentants des collectivités territoriales -- sur le niveau européen comme niveau de régulation pertinent de la globalisation.

Ainsi, Jean-Claude Juncker avait dans son rapport évoqué la mise en œuvre conjointe d’un « espace juridique et judiciaire paneuropéen au service d’une Europe sans clivages ». Cependant, nous pouvons, nous devons aller au-delà d'une approche seulement juridique: le dialogue entre cultures, les migrations et les enjeux des politiques d'intégration, mais aussi les conséquences sociales des restructurations, des mutations industrielles et délocalisations dans l'espace économique pan-européen sont autant de sujets qui concernent toutes nos collectivités territoriales et pour lesquels nous pouvons apporter des éléments de réponse communs.

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Mesdames et Messieurs, chers collègues,

L'Union Européenne et le Conseil de l'Europe sont actuellement dans une phase de réflexion identitaire et je pense que le Comité des régions et le Congrès sont porteurs, au sein de leurs organisations respectives, à la fois d'une ambition de proximité démocratique et de réalisations concrètes et contribuent donc à rendre plus tangibles l'aspiration européenne de nos institutions auprès de nos con citoyens européens. De cette manière, le CdR et le Congrès montrent sans doute une voie de la sortie de crise.

Enfin, je suis convaincu qu'au sein du Conseil de l'Europe, le Congrès contribue à lever un malentendu: le Conseil de l'Europe n'a pas pour vocation à être une anti-chambre de l'UE. Le Conseil de l'Europe est l'acteur indispensable qui permet de penser et de façonner la cohésion de l'espace pan-européen, souvent à travers des projets initiés par le Congrès.

Et d'ailleurs, je rappelle pour conclure que ce n'est pas l'adhésion du Conseil de l'Europe à l'Union Européenne qui a été mise à l'ordre du jour par Jean-Claude Juncker mais bien celle de l’Union Européenne au statut du Conseil de l’Europe d’ici 2010.