DISCOURS DU DIRECTEUR GENERAL DE LA COOPERATION LOCALE, AU NOM DU SECRETAIRE D’ETAT A LA COOPERATION TERRITORIALE DU ROYAUME D’ESPAGNE, A LA SESSION PLENIERE DU CONGRES DES POUVOIRS LOCAUX ET REGIONAUX DU CONSEIL DE L’EUROPE LE 8 NOVEMBRE 2005

J’aimerais avant tout vous dire à quel point je suis heureux de participer à cette session plénière du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, une institution qui représente les autorités les plus proches des citoyens sur notre continent. J’ai l’honneur d’être invité aujourd’hui à présenter dans ses grandes lignes la politique du gouvernement espagnol en matière de décentralisation. Je suis d’autant plus heureux d’être ici en tant que représentant d’un Etat véritablement décentralisé, convaincu des vertus de l’autonomie locale et régionale et de l’attribution de compétences aux collectivités, pour le renforcement de la démocratie et la prise en compte du pluralisme territorial.

J’ajouterais que la position et les préoccupations du gouvernement espagnol sont très proches de celles du Congrès. J’en veux pour preuve les initiatives ambitieuses prises en seulement un an et demi par ce gouvernement. Je reviendrai en détail sur ces mesures, qui reprennent de nombreux commentaires et recommandations formulés dans le rapport de suivi du Congrès sur la situation de la démocratie locale et régionale en Espagne, ainsi que la Recommandation 121 (2002) sur la démocratie locale et régionale en Espagne, adoptée par le Congrès.

J’aimerais également souligner le profond respect que voue le ministère espagnol de l’Administration publique (Ministerio de Administraciones Públicas) au Conseil de l’Europe, en particulier dans le domaine de la démocratie locale et régionale, dans lequel nous intervenons activement et de manière constructive.

Vous n’êtes pas sans savoir que l’Espagne est un exemple historique du passage d’un Etat fortement unifié et centralisé à une véritable décentralisation sur le plan politique. De plus, cette transformation a été très rapide et a bénéficié d’un large soutien populaire. En raison de ces particularités historiques, les périodes démocratiques en Espagne sont toujours allées de pair avec des évolutions majeures en matière de décentralisation et d’autonomie, non seulement au niveau local mais également sur le plan des nationalités et des régions qui composent le pays.

Cet immense succès politique comprend aussi un volet pratique. En effet, la gestion de la plupart des services publics a été progressivement attribuée aux échelons de gouvernement les plus proches des citoyens, ce qui a permis d’améliorer nettement la qualité de ces services tout en répondant mieux aux besoins des citoyens et des collectivités territoriales. En fin de compte, nous avons obtenu plus de diversité et de flexibilité, et une plus grande capacité d’expérimentation et d’innovation.

Mais ce n’est pas tout : le processus de décentralisation a également contribué directement à l’essor économique spectaculaire de notre pays, en permettant de mieux valoriser et exploiter les ressources de chaque région, de créer des synergies plus fortes entre les parties prenantes du secteur public et du secteur privé, et de concevoir et de mettre en œuvre des politiques de développement régional et local fondées sur une utilisation optimale des ressources de chacun.

Les autorités locales et régionales espagnoles ont montré la capacité considérable de modernisation du pays, ainsi que sa grande aptitude à intégrer des initiatives sociales et à encourager la participation des citoyens et des institutions dans les affaires d’intérêt général.

Autre effet essentiel de la décentralisation espagnole, que je voudrais mettre ici en exergue : l’Espagne, en sachant reconnaître sa propre diversité, et en lui accordant des possibilités d’expression et d’institutionnalisation variées, s’est acceptée telle qu’elle est. Notre pays a reconnu sa véritable nature, et s’est ainsi enrichi sur le plan social, politique et culturel. Les lieux et les personnes ont trouvé leur place dans cette Espagne plurielle, qui a fait de la diversité son signe distinctif. L’Espagne culturelle et sociale a plusieurs dimensions, et de multiples facettes ; et c’est dans un contexte large et ouvert que sa richesse et sa diversité trouvent leur plus belle expression.

A présent que la décentralisation est bien implantée en Espagne, elle est en voie d’être encore renforcée. Notre gouvernement prévoit en effet un ensemble de mesures visant à exploiter toutes les possibilités offertes par la Constitution pour le plein développement des collectivités territoriales ; mesures qui, nous l’avons vu, vont dans le sens de la Recommandation adoptée par le Congrès, qui a eu la générosité de reconnaître les mérites de l’Espagne à cet égard. J’aimerais donc citer précisément quelques exemples qui témoignent de l’ampleur des ambitions de notre gouvernement dans ce domaine.

Au niveau régional, je reviendrai sur quatre aspects essentiels : la révision prévue de la Constitution, la réforme du statut des communautés autonomes (Comunidades Autónomas), la création de la Conférence des Présidents, et la participation des communautés autonomes aux affaires de la Communauté européenne.

En premier lieu, s'agissant de la réforme constitutionnelle, n'oublions pas que la Constitution a été rédigée à l'origine pour faciliter la transition d'un Etat fortement centralisé à un Etat politiquement décentralisé. Elle doit maintenant être adaptée à la nouvelle situation : celle d'un Etat décentralisé bien implanté. Le Gouvernements de l'Espagne doit donc procéder à une réforme constitutionnelle pour intégrer la catégorie des Communautés autonomes qui ont été volontairement créées dans le cadre de la Constitution. Ainsi, le découpage territorial introduit par la Constitution de 1978 sera à son tour consacré dans son libellé comme l'expression d'un changement fondamental de la structure territoriale de l'Etat.

Mais la réforme constitutionnelle a un autre objectif essentiel : transformer enfin le Sénat en une véritable chambre territoriale pour prendre en compte cette situation nouvelle. Actuellement, la plupart des sénateurs espagnols sont encore élus sur une base provinciale plutôt que régionale.

En deuxième lieu, la réforme des statuts d'autonomie, déjà entamée dans plusieurs Communautés autonomes, vise à exploiter tout le potentiel offert par la Constitution en matière de responsabilités décentralisées. Le but est de trouver le bon équilibre entre la satisfaction, dans la mesure du possible, des aspirations territoriales et la garantie de la loyauté constitutionnelle.

En troisième lieu, le Gouvernement espagnol a favorisé la création de la Conférence des Présidents qui réunit le Président du gouvernement de la nation et les Présidents de Communautés autonomes. Cette instance nécessaire pour aborder les grandes questions d'intérêt commun, soit parce qu'elles sont intrinsèquement importantes, soit parce qu'elles ne peuvent être traitées toute seules par le système, incontestablement essentiel, des conférences sectorielles existant en Espagne. Ce besoin, profondément ressenti, a déjà été satisfait car deux Conférences de Présidents ont eu lieu depuis la formation du nouveau gouvernement, après les élections législatives du 13 mars 2004.

En quatrième lieu, le Gouvernement espagnol a réformé les modalités de la participation des Communautés autonomes aux affaires de la Communauté européenne, selon une répartition constitutionnelle et statutaire des responsabilités influant sur les politiques de l'Union. Désormais, lorsque le Conseil des ministres étudie une question relative aux responsabilités des Communautés autonomes, un ministre régional (Consejero) d'une Communauté autonome a le droit de participer à la délégation espagnole.

Comme vous pouvez le constater, ces réformes sont ambitieuses et pleinement conformes aux propositions formulées par le Congrès.

Les réformes entreprises au niveau local ne sont pas moins importantes. Notons tout particulièrement le projet de loi sur le gouvernement et l'administration locale (Ley del Gobierno y la Administración Local) - qui a suivi la publication d'un Livre blanc sur le sujet -, la proposition d'introduire dans les statuts des Communautés autonomes des dispositions visant à garantir l'autonomie locale, la création de la Conférence sectorielle des affaires locales (Conferencia Sectorial de Asuntos Locales) et, enfin, le statut des représentants locaux.

En juillet 2004, le ministre de l'Administration publique a commandé un Livre blanc pour la réforme des pouvoirs locaux. Ce Livre blanc a été élaboré avec une large participation de tous les partenaires et la collaboration active du Conseil de l'Europe. Sa version finale, parachevée en juin 2005, intégrait les commentaires faits par tous ceux qui souhaitaient participer à la phase de débat public.

Ce document a été essentiel pour rédiger le nouveau projet de loi sur le gouvernement et d'administration locale. Des progrès considérables ont été accomplis dans cette procédure législative et le gouvernement a l'intention de présenter le projet au Congreso de los Diputados (chambre basse) d'ici la fin du mois de janvier 2006. Cette loi vise à utiliser toutes les possibilités offertes par la Constitution pour développer l'autonomie locale comme une véritable autonomie politique, en s'inspirant essentiellement de la Charte européenne de l'autonomie locale, comme l'énoncera clairement son mémoire explicatif.

En outre, le gouvernement se fait le promoteur de l'inclusion d'une série de dispositions en matière d'autonomie locale dans les réformes en cours des statuts d'autonomie. Ces dispositions renforceront considérablement la position centrale des gouvernements locaux. Elles portent sur les points suivants : la reconnaissance du droit à l'autonomie locale telle qu'énoncée dans la Charte européenne de l'autonomie locale, l'établissement d'une série de responsabilités garanties, le droit des collectivités locales à percevoir une partie des impôts des Communautés autonomes et, enfin, la création d'un Conseil du pouvoir local au niveau régional, chargé de remettre un rapport obligatoire sur toutes les initiatives législatives concernant les responsabilités locales.

Le ministère de l'Administration publique a aussi encouragé la création d'une Conférence sectorielle des affaires locales comme principal organe chargé de la liaison tripartite entre l'Etat, les Communautés autonomes et les collectivités locales. Ce conseil s'est réuni pour la première fois le 17 janvier 2005. La création de cette instance était primordiale pour développer le gouvernement local avec le consensus des trois niveaux de pouvoirs territoriaux existant en Espagne.

Enfin, ce gouvernement défend et encourage le renforcement du Statut des représentants élus. Cette mesure passera principalement par le biais de la future loi sur le gouvernement et l'administration locale, mais elle a déjà été prévue dans une proposition de loi non gouvernementale présentée cette année et signée par tous les groupes parlementaires. Cette proposition reconnaît le droit à des indemnités de chômage à tous les représentants élus locaux à plein temps.

Ces mesures ne sont que quelques-unes de celles que nous prenons dans ce domaine. Comme il ressort de ces exemples, le programme du Gouvernement espagnol en matière de démocratie locale et régionale est vaste, extrêmement important sur le plan politique et juridique et conforme aux critères préconisés et défendus par le Congrès.

C'est pourquoi l'Espagne peut à mon sens, revendiquer sans crainte d'être un des pays à l'avant-garde de la décentralisation locale et régionale. Ces processus ont en outre fortement contribué à son développement politique, économique et social. Les citoyens et les territoires ont appris à avoir confiance dans le système. Ainsi, l'unité du pays dans sa diversité donne des résultats de plus en plus solides et féconds.

Je reste à votre disposition pour répondre à toutes questions que vous souhaiteriez me poser.

Je vous remercie.