Discours de Giovanni di Stasi, Président du Congrès à l’occasion de la Cérémonie de la remise de la médaille d’or « Pour les œuvres utiles à la société » à la Représentation Permanente de la Russie, Strasbourg, le 27 octobre 2005

Monsieur l’Ambassadeur,
Monsieur le Directeur de l’Institut de l'intégration européenne,
Mesdames, Messieurs,
Mes chers amis,

C’est un grand honneur que vous me faites et un grand plaisir de recevoir ici, dans cette Ambassade, dans en quelque sorte la maison de la Russie à Strasbourg, une décoration russe prestigieuse.

Je ressens cet honneur à titre personnel et je m’en réjouis tout particulièrement. Recevoir la médaille d’or « pour les œuvres utiles à la société » sous les auspices de votre grand pays et sous ceux particulièrement prestigieux de l’impératrice Catherine la Grande, est une fierté personnelle.

Cependant, je ne voudrais pas attacher cette fierté à ma personne mais plutôt l’élargir à l’instance que je préside le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe.

Je suis persuadé que « l’institut de l’intégration européenne » a voulu témoigner à travers ce choix l’importance accrue de notre Congrès dans la construction européenne et c’est à ce titre plus précisément que je voudrais le féliciter et le remercier chaleureusement de cette distinction.

En reprenant l’intitulé précis de cette décoration, je cite « pour les œuvres utiles à la société », je voudrais souligner que le Congrès apporte une contribution originale et déterminante à la construction européenne et je voudrais m’y arrêter un instant.

Aux origines de la construction européenne il y a une utopie fondatrice dont nous voulons faire une réalité durable pour nos peuples… C’est la disparition, c’est l’éradication de la guerre entre les peuples de l’Europe comme les pères fondateurs du projet européen. Nous ressentons toutes ces guerres qui jalonnent notre histoire comme des guerres fratricides qui ont durablement et cruellement déchiré la grande famille européenne. La mémoire de cette histoire est insupportable et nous voulons tout faire pour rompre l’enchaînement fatal de nos peurs et de nos haines.

C’est là le cœur historique du projet de construction européenne. Depuis cinquante ans, ce projet s’est inscrit dans des institutions comme le Conseil de l’Europe ou encore les communautés européennes. Mais il a fait coopérer d’abord des nations, des états, des gouvernements et il n’a pas toujours été facile de donner à cette coopération intergouvernementale une dimension locale et régionale, ce fut notre mission et notre engagement de tous les jours au Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, et ce fut un travail de longue haleine, patient et permettez-moi de le dire, parfois trop lent…

Aujourd’hui, la plupart des gouvernements et des observateurs politiques reconnaissent l’importance des communes et des régions dans le processus de rapprochement des peuples de l’Europe et mieux encore, chacun voit bien que l’absence d’une dimension locale de la construction européenne priverait l’Europe d’une dimension humaine, d’une dimension concrète, proche du citoyen. C’est aussi l’une des leçons du débat sur les référendums d’adoption de la constitution européenne. Si nos peuples n’ont pas toujours adhéré avec l’enthousiasme qu’on aurait pu souhaiter à la nouvelle constitution de l’Union Européenne, c’est que la dimension démocratique et humaine de notre construction n’a pas été suffisamment perçue.

Dans cette logique, j’ai la conviction, nous avons au Congrès la conviction, qu’il n’y a pas de démocratie sans démocratie locale, et qu’il n’y a pas de meilleure pédagogie de la démocratie que la démocratie locale, qui est comme l’école primaire de la démocratie citoyenne, la plus visible, la plus concrète, la plus immédiate pour chacun d’entre nous.

Et nous sommes déterminés au Congrès à mettre cette démocratie locale au service de la construction européenne pour lui donner une dimension citoyenne accrue, pour bien montrer que l’Europe ne se fait pas que dans les capitales de nos pays mais également au plus loin, et au plus profond de nos territoires.

Je sais bien que la Russie à un point de vue particulier sur cette construction eu égard à sa taille, à son implication dans l’histoire européenne, à sa présence au Conseil de l’Europe et donc aussi au sein de notre Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, eu égard également à sa position extérieure à l’Union Européenne.

Mais le point de vue russe par rapport à la construction européenne n’est pas, je le sais, de nier l’importance de cette construction pour tous les pays européens ; c’est à mon sens, bien au contraire, d’en mettre en lumière la complexité, la diversité et pour tout dire, la richesse. La construction européenne n’appartient à personne en particulier. Elle n’est pas le monopole d’une organisation, elle ne siège pas dans une capitale, elle ne s’inscrit pas dans une histoire rectiligne et simplifiée, et dans ce processus complexe, le Conseil de l’Europe a toute sa place aux côtés de l’Union Européenne, la Russie a toute sa place aux côtés des autres nations européennes, les collectivités territoriales ont toutes leur place aux côtés des états, nationaux et des gouvernements… Reconnaître cette diversité, c’est convaincre nos peuples d’adhérer à ce projet qui ne peut se développer sans eux.

Permettez-moi d’inscrire cette médaille d’or que vous me remettez, dans la perspective d’une intégration européenne réussie, assez forte pour offrir à tous nos citoyens une ambition historique à la taille du continent et assez souple pour y rassembler toutes nos diversités et toutes nos histoires.

Monsieur l’Ambassadeur, je sais que vous êtes un défenseur convaincu du rôle du Congrès en Europe et je sais que le pays que vous représentez n’a jamais ménagé son soutien. Cette médaille d’or est le signe, je le souhaite, du chemin que nous allons parcourir ensemble vers ce but qui nous réunit.