Discours de M. Giovanni Di Stasi à la réunion de lancement du forum du Conseil de l'Europe sur l'avenir de la démocratie
(Varsovie, 3 novembre)

Monsieur le président,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,

C'est un grand honneur pour moi de prendre la parole à la réunion de lancement du forum du Conseil de l'Europe sur l'avenir de la démocratie, et pas uniquement en qualité de président du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe. En effet, c'est également un honneur parce que j'ai participé personnellement au projet qui a finalement abouti au présent forum : le projet intégré du Conseil de l'Europe sur les institutions démocratiques en action.

C'était là une initiative ambitieuse et audacieuse qui a conduit à l'élaboration de plusieurs documents importants, que les organisateurs du forum nous ont distribués sous la forme de brochures. L'introduction de l'un d'entre eux, sur l'avenir de la démocratie, commence par une citation quelque peu provocatrice de Karl Popper : « Le mot démocratie désigne quelque chose qui n'existe pas ». Cette citation a évidemment été choisie à dessin pour mettre en lumière le défi que nous avons à relever, ce qu'ont d'ailleurs fait, avec force, les résultats des référenda sur le traité constitutionnel de l'Union européenne. C'est pourquoi l'on ne peut contester l'opportunité et la sagesse de la décision des chefs d'Etat et de gouvernement du Conseil de l'Europe d'organiser un forum sur l'avenir de la démocratie, décision prise au sommet tenu ici même au Château royal, en mai dernier.

Nous nous demandons aujourd'hui si notre démocratie est en crise, crise de confiance de nos citoyens dans les institutions démocratiques, crise engendrée par leur désintérêt pour la politique et leur indifférence envers les processus démocratiques. Un sondage mené récemment en France a montré, par exemple, qu'à peine 20 pour cent de la population avaient une opinion favorable de la classe politique. Quatre vingts pour cent des personnes interrogées ont déclaré que les hommes politiques ne savaient rien de leurs problèmes.
*
Cela nous rappelle cruellement qu'il faut adapter, en permanence, notre modèle démocratique aux demandes et aux attentes changeantes de nos populations. Et quoi de plus naturel car la démocratie n'est pas statique : elle est un véritable processus qu'Alexis de Tocqueville – l'auteur du 19e siècle de l'ouvrage de référence « De la démocratie en Amérique » a appelé « la tendance la plus uniforme, la plus ancienne et la plus pérenne que l'on puisse trouver dans l'histoire ». Cette année marque le 200e anniversaire de la naissance d'Alexis de Tocqueville, excellente occasion de faire le point de la démocratie en Europe et de réfléchir à son avenir.

Mesdames et Messieurs,

Il est clair que ce dont nous avons besoin aujourd'hui est un véritable rééquilibrage entre le national et le local, un transfert de compétences du gouvernement central vers les régions et les municipalités qui jouent un rôle croissant dans la prestation des services publics et la bonne gouvernance, au niveau le plus proche du citoyen. Au sein du Congrès, nous croyons que si l'on veut que la démocratie représentative fonctionne correctement à l'échelon national et bénéficie d'un large soutien de la population, il faut une démocratie locale, forte et vivante, fondée sur ce que le vice Premier ministre britannique, John Prescott, a appelé lors du Sommet de Varsovie les « collectivités durables ».

La démocratie locale et le développement durable sont indissociables ; la démocratie locale est également la première expérience démocratique de nos concitoyens. Rien d'étonnant à ce que les élus locaux et régionaux figurent parmi les responsables politiques qui ont la meilleure cote de popularité. Les collectivités territoriales prennent aussi une importance croissante dans le développement économique et social car nos frontières nationales disparaissent et la concurrence économique passe de l'échelon national à l'échelon inter-territorial, rendant possible, par exemple, la création d'eurorégions, à laquelle notre Congrès a participé activement. C'est également aux niveaux local et régional que se fait le mieux sentir la montée en puissance de la société civile et son impact sur la participation des citoyens aux processus démocratiques.

C'est pourquoi nous, au Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, organe représentatif de plus de 200 000 collectivités territoriales, nous attendons avec grand intérêt de contribuer au présent forum et de progresser dans nos travaux sur la démocratie. En fait, le thème de la réunion de lancement d'aujourd'hui, à savoir la participation civique, est mise en évidence dans notre texte fondamental, la charte européenne de l'autonomie locale, qui souligne la nécessité d'associer les citoyens à la vie publique et politique au niveau local. Le Congrès a mené de nombreuses études sur la démocratie participative, allant de la participation des résidents étrangers et des migrants à celle des femmes et des jeunes. Les conclusions de ces études sont, pour certaines, à la disposition des participants à la présente réunion comme la charte européenne révisée sur la participation des jeunes à la vie locale et régionale. La semaine prochaine, à sa session d'automne, le Congrès examinera une toute nouvelle recommandation sur la participation de la population aux affaires et élections locales, nous préparons aussi actuellement un rapport sur les moyens de renforcer la participation des citoyens par le recours aux techniques modernes de communication.

Toutefois, nous ne parviendrons pas à vaincre l'indifférence et à réactiver le militantisme démocratique de la population sans rétablir la confiance dans les fonctionnaires et les élus, en commençant par l'échelon le plus proche du citoyen. Notre Congrès accorde une attention toute particulière à l'image publique des pouvoirs locaux et régionaux et a adopté le code européen de conduite pour les élus locaux et régionaux, qui est à votre disposition dans cette enceinte.

Mesdames et Messieurs,

Je conclurai en soulignant que si nous voulons remplir notre mission avec succès, nous devons veiller à ce que l'acquis du développement démocratique national, et même supranational, se conjugue avec une démocratie locale forte et dynamique exercée par des collectivités durables dans lesquelles chaque citoyen a le sentiment d'être inclus et de pouvoir faire entendre sa voix. Construisons une Europe où l'inclusion est réelle ; assurons nous que la démocratie n'est pas un vain mot mais recouvre bien une réalité.

Je vous remercie.