Discours d’ouverture de M. Frantisek Dohnal, Vice-Président du Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe

La gestion de l’eau : une responsabilité partagée
Strasbourg, 20-21 octobre 2005, Palais de l’Europe (Salle 1)

Conférence co-organisée par l’Assemblée parlementaire et
le Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, en coopération avec la Direction générale de l’Education, de la Culture et du Patrimoine, de la Jeunesse et du Sport

Messieurs les Présidents,
Madame la Secrétaire Générale adjointe,
Madame la Vice-Présidente de l’Assemblée parlementaire,
Mesdames et Messieurs,

Le philosophe chinois Lao Tzu disait : « Rien n’est plus doux et flexible que l’eau, et pourtant, rien ne peut lui résister ». L’eau est source de vie et d’inspiration, elle est source de contemplation et de réflexion. Ainsi, ce n’est pas par hasard si nous pouvons observer l’eau indéfiniment sans nous lasser ; ce n’est pas non plus par hasard si nous pouvons nous priver plus longtemps de nourriture que d’eau.

Mais l’eau peut aussi être source de maux et de mort, de destruction et de maladie. Dans les fables orientales, les héros transportaient toujours avec eux deux sortes d’eau : l’une avait le pouvoir de donner la vie, l’autre la mort.

De tout temps, les hommes ont trouvé dans l’eau magie, hygiène et secours. Aujourd’hui, c’est l’eau qui a besoin de nous. Les ressources en eau et le système de gestion de l’eau sont au cœur d’une crise mondiale nourrie par la dégradation des écosystèmes aquatiques, la pollution des rivières, le manque d’infrastructures coupable ici d’inondations catastrophiques, là de barrages dévastées. Le prix à payer ? Aujourd’hui, plus d’un milliard de personnes n’ont aucune garantie d’accéder à une eau potable, situation qui constitue une atteinte flagrante à la dignité humaine, à une vie décente, et même au plus fondamental des droits de l’homme : le droit à la vie.

Et l’Europe n’est pas épargnée par les problèmes de la gestion de l’eau, comme en témoigne la situation toujours préoccupante observée dans quelques-uns des 46 Etats membres du Conseil de l’Europe. Pourtant, la disparition des divisions politiques sur notre continent, ces quinze dernières années, laissait présager une ère de nouvelles opportunités, qui rendrait possible une coopération plus étroite et efficace dans le domaine de la gestion des ressources en eau. Car bien évidemment, les bassins des rivières se moquent des frontières et de la hiérarchie gouvernementale : les rivières traversent nos villes et nos régions, au mépris des frontières ; d’où l’importance capitale du processus d’intégration – au niveau national mais aussi au niveau des pouvoirs locaux et régionaux, par leur coopération transfrontières et la création des Eurorégions – dans la perspective d’une meilleure gestion de l’eau.

La même idée maîtresse guide la Directive-cadre sur l’eau de l’Union européenne, qui préconise une approche intégrée du problème et souligne la participation cruciale non seulement des autorités locales et régionales, mais aussi de la société civile, à la gestion de l’utilisation des ressources en eau et à la fourniture aux citoyens des services liés à l’utilisation de l’eau.

Quant au Conseil de l’Europe, il ne joue pas son premier rôle dans ce domaine, puisqu’il est à l’origine de la Charte européenne des ressources en eau, adoptée in 1968 et révisée en 2001. Depuis, le Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux épaule les représentants élus dans la mise en œuvre de la charte. Il a aussi préparé quantité de rapports, de résolutions et de recommandations sur des thèmes comme la gestion des ressources en eau transfrontalières, le rôle des autorités territoriales dans la gestion des bassins des rivières, le rôle des régions dans l’éducation des jeunes en faveur d’un développement durable – pour n’en citer que quelques-uns.

Mais, ce qui est nouveau aujourd’hui, c’est la nécessité impérative de combiner nos politiques et nos pratiques si nous voulons garantir le développement durable des ressources en eau. Le mot clé du jour, c’est la durabilité, car c’est la seule façon d’avancer ; et, pour y parvenir, nous avons besoin de l’action concertée de tous les acteurs à tous les niveaux – du sommet jusqu’à la base ; aux niveaux international, national, régional et local, à tous les niveaux, sans exception ; dans les secteurs public et privé ; dans la société civile ; individuellement, au niveau de chaque citoyen.

Alors il faut promouvoir une nouvelle culture de l’eau, une culture qui soit fondée sur le partage des responsabilités inhérentes à l’eau. D’où la pertinence absolue du thème de cette conférence, puisqu’il nous rappelle que l’eau est notre responsabilité partagée, que nous devons travailler ensemble pour renverser les tendances adverses. Il faut une répartition claire des compétences, y compris entre les secteurs public et privé ; il faut des politiques cohérentes et efficaces, étayées par des représentants élus compétents, de même que par des éducateurs compétents dans la société civile. Dans cette démarche, l’éducation au développement durable est absolument indispensable si nous voulons que les jeunes développent les bonnes attitudes et un comportement responsable à l’égard de l’eau.

Cette nouvelle culture de l’eau que je viens d’évoquer doit prendre en compte le besoin de mettre en balance des préoccupations d’une part économiques et, d’autre part, environnementales. Elle doit par ailleurs être guidée par l’éthique ; nous devons en permanence nous demander ce qui est le mieux pour les citoyens : lancer une nouvelle entreprise qui crée des emplois et dynamise l’économie locale, ou préserver l’environnement et éviter de polluer ? Les autorités locales et régionales sont souvent confrontées à ce genre de questionnements et à l’exigence de choix difficiles. Il dépend de nos efforts conjoints que les décisions soient les bonnes ; le Congrès, en tant que lieu de rencontre unique de représentants élus locaux et régionaux de tous les continents, a une mission cruciale : celle de sensibiliser aux possibles conséquences des mesures que nous prenons. Le développement durable est indissociable du développement de la démocratie locale ; en cela, c’est une tâche qui incombe directement au Congrès et aux autorités territoriales.

Faisons de notre mieux pour revenir à la magie de l’eau. Battons-nous pour que l’eau reste à jamais source de vie et de bonheur. Et transmettons aux futures générations une eau qui donne la vie, pas la mort.

Merci