Discours de Giovanni Di Stasi, Président du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe

A l’occasion de la Conférence de lancement de l’Eurorégion adriatique, (Venise, 6 février 2006)

Monsieur le Président,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Divide et impera – diviser pour régner –, telle était la devise de l’ancienne Rome qui, par ses conquêtes, a étendu la puissance de son empire au-delà de la Méditerranée et de l’Europe. Cet empire, avec la Grèce antique, a été le berceau de ce que nous appelons aujourd’hui la civilisation moderne, celui de la démocratie et du droit. Mais c’était alors le temps des empires, une époque où la volonté était imposée par la force, une époque belliqueuse et non pacifique.

Aujourd’hui, alors que nous lançons l’Eurorégion adriatique sur ces mêmes rivages d’où les navires romains partaient pour leurs guerres de conquête, c’est une autre philosophie qui nous guide : il ne s’agit plus de « diviser pour régner », mais de « s’unir pour prospérer ». Aujourd’hui, nous créons une eurorégion d’un type nouveau qui rassemble des pays membres et non-membres de l’Union européenne, mais faisant tous partie du Conseil de l’Europe dont le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux est à l’origine de cette initiative. Aujourd’hui, nous ouvrons la voie aux six pays adriatiques pour qu’ils joignent leurs forces aux niveaux national, régional et local au profit de l’unité, de la prospérité et de la cohésion économique et sociale.

Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux en est profondément convaincu, la démocratie exige désormais un véritable transfert de pouvoir du niveau national vers les échelons régional et local – un transfert de pouvoir auquel nous assistons déjà quotidiennement. La concurrence économique se déplace au plan interterritorial à mesure que l’économie locale gagne en importance. C’est aux niveaux régional et local qu’on peut traiter avec le plus d’efficacité les questions sociales – scolarisation, formation professionnelle, logement, emploi, santé –, et aussi que l’on peut le mieux encourager le dialogue interculturel et interreligieux entre communautés ethniques – une priorité fixée en mai dernier, à Varsovie, par le Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement du Conseil de l’Europe.

Nous espérons que cette initiative, qui se concrétise aujourd’hui grâce à un large soutien international, sera un important facteur de stabilité dans cette région où, il n’y a pas si longtemps, la guerre faisait encore des ravages dans de nombreux pays. Nous espérons aussi qu’elle les aidera à s’intégrer dans l’espace commun européen sur la base des valeurs que nous partageons : la démocratie pluraliste, la primauté du droit et le respect des droits de l’homme, y compris les droits sociaux.

Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, que je représente et qui rassemble plus de 200 000 collectivités territoriales d’Europe – tant au niveau régional qu’au niveau local au sein de ses Chambres des régions et des pouvoirs locaux – offre un cadre de coopération approprié pour les pays de l’Eurorégion adriatique comme d’autres régions européennes. Au fil des années, nous avons œuvré intensivement en faveur de la coopération régionale transfrontalière, surtout à travers la Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur la coopération transfrontalière dont nous avons célébré l’an dernier le 25e anniversaire. Nous portons également une attention particulière aux pays de l’Europe du Sud-Est, et notamment des Balkans occidentaux, qui participent à l’Eurorégion adriatique – la Slovénie, la Croatie, la Serbie-Monténégro, la Bosnie-Herzégovine et l’Albanie. L’an dernier, le Congrès a créé le Réseau d’associations nationales de pouvoirs locaux d’Europe du Sud-Est (NALAS) qui réunit des collectivités locales représentant quelque 60 millions de personnes. Notre Association des onze Agences de la démocratie locale (AADL) a été l’une des premières initiatives du Congrès visant à promouvoir l’autonomie locale et les mesures de confiance en Europe du Sud-Est.

Il n’est donc pas surprenant que nous soutenions activement la création de l’Eurorégion adriatique, et je voudrais remercier en particulier la région croate d’Istrie et la région italienne du Molise pour leur contribution à cette initiative. Mais le Congrès n’a pas l’intention d’en rester là. L’Eurorégion adriatique est la première d’une série de projets visant les mers semi-fermées. Elle sera en effet suivie par l’Eurorégion de la mer Noire et l’Eurorégion de la mer Baltique. Nous poursuivrons notre action en nous inspirant de la devise « s’unir pour prospérer » afin de laisser derrière nous les années de division et d’abattre les murs qui séparaient les pays de notre continent.

Mesdames et Messieurs,

Permettez-moi, pour conclure, d’évoquer de nouveau l’ancienne Rome et sa conquête de nouveaux territoires, car nous nous engageons aujourd’hui dans une nouvelle conquête, la conquête de la paix, de la stabilité et de la prospérité. Aujourd’hui, ce sont des navires de paix et non des navires de guerre que nous envoyons vers les rivages de nos voisins adriatiques.

Souhaitons-leur bon vent et belle mer !

Je vous remercie.