Discours de Giovanni Di Stasi à la session du Comité des Ministres

(Strasbourg, 17 novembre 2005)

M. le Président,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,

C'est pour moi un plaisir et un privilège que de prendre la parole devant vous aujourd'hui en ma qualité de président du Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe, et de partager avec vous mes idées sur le rôle du Congrès dans la mise en œuvre du plan d'action adopté lors du Sommet de Varsovie.

Il y a deux semaines, j'ai eu l'honneur de m'adresser, au cours de sa réunion de lancement, au Forum européen sur l'avenir de la démocratie , forum établi à la suite de la décision du Sommet. J'ai rappelé alors l'opportunité et la sagesse de cette décision, prise à un moment crucial pour notre démocratie, un moment où se fait sentir la nécessité d'une réflexion sur l'évolution de nos sociétés. Nous avons besoin aujourd'hui d'une stratégie claire pour faire progresser notre modèle démocratique, surmonter le désenchantement du public à l'égard de la politique et renforcer la démocratie participative.

Le Congrès, en tant qu'organe unique représentant plus de 200 000 collectivités territoriales d'Europe, a des propositions spécifiques à formuler pour l'élaboration d'une telle stratégie, et une fonction essentielle à exercer dans sa mise en pratique. Au fil des années, notre Congrès, qui était à l'origine un simple organe consultatif, est devenu le porte-parole authentique des collectivités locales et régionales, un forum de coopération paneuropéenne sur le terrain et un instrument qui permet d'affermir la démocratie locale et régionale et la coopération territoriale. Cette évolution est allée de pair avec la délégation de pouvoirs du centre aux régions et municipalités, et l'accélération des processus de décentralisation.

A notre avis, la prise en compte de ce transfert de pouvoirs qui a modifié l'équilibre national/local doit faire partie intégrante de la stratégie pour l'avenir de la démocratie. Nous observons aujourd'hui une délégation de pouvoirs non seulement politiques, mais aussi économiques, à mesure que le développement économique et la concurrence se réorientent vers le niveau interterritorial. Des types nouveaux d'eurorégions sont créés et rassemblent des zones frontalières de pays membres et non membres de l'UE. La première d'entre elles , l'eurorégion adriatique , sera lancée dans quelques mois et suivie de l'eurorégion de la mer Noire en 2006 et de l'eurorégion de la Baltique en 2007.

Les pouvoirs locaux et régionaux sont particulièrement bien placés pour fournir des services publics et assurer une bonne gouvernance au niveau le plus proche du citoyen, pour répondre aux besoins et aux attentes de la population et la faire participer aux processus démocratiques de base. Les régions et municipalités sont également en première ligne pour la défense des droits de l'homme , de même qu'elles sont en mesure de gérer au mieux les problèmes sociaux et d'ordre public. Les violences urbaines qui se déroulent en France ont mis en lumière la nécessité d'attribuer davantage de compétences aux collectivités locales pour introduire des politiques de voisinage et renforcer la police locale. C'est dans les villes et régions que les gens vivent et c'est à cet échelon que les politiques d'intégration et de cohésion sociale peuvent être appliquées avec le plus d'efficacité. C'est pourquoi le congrès a soutenu activement l'initiative de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe tendant à créer un Observatoire de la sécurité urbaine, dont j'espère qu'elle va maintenant se concrétiser.

Mesdames et Messieurs,

Renforcer l'administration locale, en clarifier les objectifs et les compétences et lui donner les moyens d'assumer ses responsabilités sont autant d'objectifs qui répondent à ceux que définit le plan d'action du Sommet , à savoir développer la démocratie participative, consolider la protection des droits de l'homme et édifier une Europe plus humaine et inclusive. Au Congrès, nous attendons avec un grand intérêt de participer aux travaux du Forum européen sur l'avenir de la démocratie, futur centre d'expertise pour la réforme des collectivités locales, ainsi qu'au groupe d'action à haut niveau sur la cohésion sociale. Nous avons d'ores et déjà une proposition concrète à formuler : elle porte sur la création d'un centre de coopération interrégionale et transfrontalière, afin de stimuler les progrès de l'autonomie locale et régionale et d'offrir des possibilités de promouvoir la coopération entre régions d'Europe dans les sphères de compétence du Conseil de l'Europe et dans le domaine économique. Nous avons examiné l'idée d'établir un tel centre ,qui pourrait prendre la forme d'un accord partiel , avec les autorités de la Fédération de Russie, en vue de mettre en place cet organe pendant la présidence russe du Comité des Ministres. J'espère vivement que la proposition sera activement soutenue par vos gouvernements.

Pour conclure, je voudrais exprimer ma ferme conviction que l'avenir des démocraties modernes tient à la création d'un système de partage des pouvoirs et d'interactions , un réseau de pouvoirs, en quelque sorte, impliquant tous les acteurs de la société : les gouvernements nationaux et les parlements, les collectivités locales et régionales, la société civile, le secteur privé et même les citoyens à titre individuel. Pour la réalisation de ce projet ambitieux, inspirons-nous de la déclaration suivante de Woodrow Wilson : « la liberté n'est jamais venue du gouvernement. La liberté a toujours émané des sujets, l'histoire de la liberté est une histoire de restriction, et non d'accroissement, des pouvoirs gouvernementaux. »

Je vous remercie.