Intervention de Mme Fabienne Keller
Maire de Strasbourg
30 janvier 2006

Madame la Secrétaire générale adjointe,
Monsieur le Ministre,
Mesdames, Messieurs,

C’est pour moi un grand plaisir et un grand honneur de vous accueillir toutes et tous à Strasbourg et d’ouvrir vos travaux.
Je voudrais, tout particulièrement, saluer Maud de BOER-BUQUICCHIO, secrétaire générale adjointe du Conseil de l’Europe, Peter FRICKE, ministre fédéral allemand de la Famille, des Personnes âgées et des Jeunes, qui nous fait l’honneur de sa présence, ainsi que l’ensemble des participants à cette conférence du Conseil de l’Europe, qui réunit aujourd’hui à Strasbourg les représentants de 33 pays et de 123 villes.

L’enjeu de la jeunesse et de son avenir dans les quartiers défavorisés se pose, avec une acuité chaque jour renforcée, dans chacun de nos pays et dans chacune de nos villes.

C’est peut-être même l’un des caractères qui traversent l’ensemble de notre société européenne et, plus largement, le monde occidental : nous avons de plus en plus de difficultés à insérer les jeunes dans la société, dans le monde du travail comme dans celui de l’éducation et de la formation professionnelle.

Les méthodes et les outils qui permettaient, il y a vingt ans encore, le fonctionnement de ce que nous appelions en France « l’ascenseur social » ne semblent plus être en mesure d’apporter des réponses adaptées.

Plusieurs symptômes, analysés très largement au moment de la Conférence de Berlin en novembre 2004, ne cessent d’inquiéter les responsables publics :
- le problème commun à de nombreux pays européens d’accès à l’éducation et à la formation professionnelle ; la récente étude PISA menée en Allemagne montre très clairement que le statut social des parents déterminent l’accès à l’éducation et à la formation.
- On pourrait évoquer le problème de la délinquance comme celui de la violence en milieu scolaire, qui fragilise des populations déjà fragilisées, ajoutant à une injustice une autre injustice ;
- Nous avons à trouvé également des réponses à la discrimination sociale et à toutes les autres formes de discrimination ;
- Se pose enfin la question de l’identité et de la citoyenneté, c’est-à-dire de la participation des jeunes à la vie « politique » (il faut prendre ce terme dans le sens le plus large possible), à la vie « politique » de leur quartier, de leur ville, de leur région, de leur pays.
Face à cette série de problèmes, qui sont graves, nous avons, je crois, à inventer de nouvelles solutions. Nous avons à faire « table rase » de nos a priori et de nos préjugés, c’est-à-dire des schémas sur lesquels notre société fonctionnait jusqu’alors et insérait les jeunes à la vie sociale, économique, culturelle ou politique.

Cette rupture dans nos mentalités, dans nos habitudes et dans nos manières de faire, ne va pas de soi. En France, nous en avons un exemple tout particulier. Il aura suffi qu’un ministre de l’Intérieur ose parler de « discrimination positive » pour être voué aux gémonies…
Je ne vois pourtant pas comment l’on peut traiter la question de la jeunesse et des quartiers difficiles sans pratiquer de « discrimination positive », c’est-à-dire sans accorder davantage de moyens à ceux qui en ont le plus besoin. Il ne s’agit pas de favoriser les populations des quartiers défavorisés ; il s’agit d’adapter les politiques publiques à la réalité vécue, au quotidien, par les habitants et à compenser par l’intervention de la collectivité les inégalités sociales.

C’est le principe même de l’égalité des chances, une valeur partagée par l’ensemble des pays du Conseil de l’Europe, mais une valeur que, nous, élus locaux et responsables publics, nous avons la mission de rendre véritablement réelle et opératoire.

Je crois que, plus que jamais, nous avons à faire œuvre d’imagination et d’audace. Nous avons à rompre avec la logique de la crise pour renouer avec celle de l’espoir.

C’est pour cette raison que je pense que la Conférence du Conseil de l’Europe peut être un formidable levier pour répondre au défi que nous adresse aujourd’hui la jeunesse.

La jeunesse de nos quartiers nous interroge. Elle nous interroge sur ce qui fonde notre société, nos valeurs, nos principes politiques. Nous avons à apporter des réponses à chacune de ces questions. C’est là notre rôle et notre mission.

Ces réponses ne sont pas toutes faites. Elles sont à inventer, dans l’échange d’idées et d’expériences, dans le débat et dans cette conférence qui débute aujourd’hui à Strasbourg grâce à la détermination et à l’engagement du Conseil de l’Europe et du Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux.
Excellents travaux à toutes et à tous.