Chambre des pouvoirs locaux

14e SESSION PLENIERE
CPL(14)6REP
4 mai 2007

Le cadre institutionnel de la coopération intercommunale

Michel Guégan, France, (L, NI)

Exposé des motifs
Commission institutionnelle

 

Résumé :

Le présent rapport donne un aperçu du statut, des formes et de la situation actuelle de la coopération intercommunale dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, laquelle occupe une place prépondérante dans l’article 10.1 de la Charte européenne de l’autonomie locale. Le cadre institutionnel et économique de cette coopération s’est considérablement étendu dans de nombreuses collectivités locales, en raison de la vitalité des sociétés modernes, de leur besoin d’efficacité et du fait de la mondialisation elle-même. Le rapport recense en outre les facteurs à l’origine du développement significatif de la coopération intercommunale, comme les difficultés associées à la taille réduite des communes, les services de plus en plus complexes et coûteux qu’elles sont amenées à devoir fournir, l’inadaptation de leurs moyens financiers et leur manque de personnel suffisamment qualifié. Il tient par ailleurs compte des traditions et des principaux domaines de la coopération intercommunale dans différents pays, ainsi que des formes que prend le plus souvent ce type de coopération et des fondements juridiques sur lesquels elle repose. Enfin, le rapport s’achève par une série de recommandations qui préconisent divers moyens de favoriser et d’améliorer la coopération intercommunale, avantageuse en termes d’économie de gestion et d’efficacité, et incontournable pour relever les nouveaux défis du XXIe siècle.

R : Chambre des régions / L : Chambre des pouvoirs locaux
GILD : Groupe Indépendant et Libéral Démocratique du Congrès
PPE/DC : Groupe Parti Populaire Européen - Démocrates Chrétiens du Congrès
SOC : Groupe Socialiste du Congrès
NI : Membre n’appartenant à aucun groupe politique du Congrès


1.         INTRODUCTION

1.         Dans le contexte de son activité, la Commission Institutionnelle, assistée de son Groupe d´experts indépendants (GEI) sur la Charte Européenne de l´Autonomie locale, a entamé depuis quelques années des rapports dits « de deuxième génération » qui permettent d’analyser des aspects particuliers relatifs au cadre institutionnel de l´autonomie locale.

2.         Parmi ces aspects le phénomène de la coopération intercommunale revêt une importance croissante pour l’analyse de l´efficacité des collectivités territoriales. Au préalable, la coopération intercommunale peut être décrite comme le droit des communes et des municipalités, dans l’exercice de leurs compétences, de coopérer dans le cadre de structures spécifiques et celui de s’associer avec d’autres communes pour la réalisation de taches d’intérêt commun. Le texte de la Charte européenne de l´autonomie locale lui accorde une place significative. L´article 10.1 porte explicitement sur la coopération entre les collectivités locales et leur droit de s´associer, en vue « de renforcer leur efficacité par des projets de collaboration ou de mener à bien des missions qui dépassent la capacité d´une collectivité seule » (rapport explicatif, page 18). L´alinéa 3 du même article porte sur la coopération transfrontalière, une matière qui a de plus fait l´objet d´une convention spécifique du Conseil de l´Europe, la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales (STE n° 106), dite Convention de Madrid de 1980. Or, l´article 10.1 n´a jusqu´à présent pas fait l´objet d´une enquête spécifique de la part de la Commission Institutionnelle et du GEI.[1]

3.         Lors de sa réunion du 3 novembre 2004, la Commission Institutionnelle de la Chambre des pouvoirs locaux a retenu le « Cadre institutionnel pour la coopération intercommunale » comme thème du prochain rapport général sur la mise en œuvre de la Charte (7ème rapport général sur l’application de la Charte) et a invité le Groupe à traiter ce sujet en priorité. Le Bureau du Congrès, lors de sa réunion du 10 décembre 2004, a approuvé cette proposition de rapport. Lors de sa réunion du 14 avril 2005, la Commission a nommé Michel Guégan (France, L, NI) en tant que rapporteur [2]. Le GEI, lors de sa réunion du 14 mars 2005 à Strasbourg, a chargé le Professeur Dr. Angel-Manuel Moreno d’élaborer un projet de questionnaire sur le « cadre institutionnel de la coopération intercommunale». Celui-ci a été finalisé par le 10 novembre 2005 suite aux commentaires fournis par le Groupe lors de la réunion du 12 octobre 2005 (à Saint-Gall, Suisse) (Annexe II).

4.         Ensuite, il a été demandé aux experts d´élaborer leurs réponses au questionnaire et de les envoyer avant le 31 janvier 2006, délai repoussé ensuite jusqu´au 15 février 2006.  Au total, 34 réponses (ou rapports) ont été reçues de la part des Experts du GEI au titre des Etats suivants : Autriche, Allemagne, Arménie, Azerbaïdjan, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, « l’ex-République yougoslave de Macédoine », Finlande, France, Géorgie, Grèce, Islande, Italie, Lettonie, Liechtenstein, Luxembourg, Malte, Norvège, Pays-Bas, Portugal, République Slovaque, République Tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Russie, Slovénie, Suède, Suisse, Turquie et Ukraine.

5.         Le Rapporteur tient à remercier le Groupe d’Experts indépendants sur la Charte auprès de la Commission Institutionnelle du Congrès pour son aide précieuse au cours de la préparation de ce Rapport et tout particulièrement le Professeur Dr. Angel-Manuel Moreno pour sa précieuse contribution.

6.         En vue de l´important volume d´informations contenues dans les réponses au questionnaire, le présent rapport de synthèse ne saurait constituer une compilation exhaustive de tous les rapports présentés par les experts au titre de chaque Etat, ni une description complète de la coopération intercommunale (ou intercommunalité). Il vise principalement à présenter les grandes lignes de la situation de la coopération intercommunale en Europe.

7.         Le présent rapport de synthèse porte sur la coopération entre communes stricto sensu. Par conséquent, il ne traite pas (a) les associations représentatives des communes, comme par exemple les associations nationales ou régionales et celles qui ont pour but principal la protection et la promotion de leurs intérêts, ces associations étant visées spécifiquement par l´article 10.2 de la Charte ; (b) la coopération entre les communes et d´autres administrations publiques territoriales, comme l´administration centrale ou régionale ; (c) la coopération entre les collectivités locales de « deuxième niveau », comme les provinces, districts, départements, Kreis, etc. (d) la fusion des communes, étant donné que ce phénomène dépasse largement le but de la coopération.

8.         Ce rapport n’aborde que brièvement la coopération communale transfrontalière, en tant que forme spécifique ou singulière de coopération intercommunale, compte tenu du fait qu´il s´agit d´un domaine traité spécifiquement par une autre Convention du Conseil de l’Europe.

2.         SITUATION GÉNÉRALE DE LA COOPÉRATION INTERCOMMUNALE  EN EUROPE

2.1.       L´importance de l´intercommunalité et les raisons de son développement

9.         Au 21e siècle, les collectivités locales sont confrontées à de nouveaux défis qui ont trait principalement au dynamisme et à l’exigence d’efficacité des sociétés modernes et à la mondialisation. En particulier, les communes sont de plus en plus amenées à travailler en coopération, pour relever le défi des demandes sociales croissantes et de plus en plus complexes, ainsi que pour répondre aux besoins d´une population mobile ou trop fragmentée (grandes agglomérations urbaines, population rurale trop dispersée, etc.).

10.        L´intercommunalité est devenue un sujet d´une importance croissante dans le panorama actuel des collectivités locales de l´Europe toute entière. Son importance institutionnelle et sa dimension économique ont connu un développement décisif dans de nombreux pays (surtout en Europe de l’Ouest) au cours des trente dernières années. En France, par exemple, l´intercommunalité est si développée qu´elle est devenue pratiquement un deuxième niveau supra-communal de la démocratie locale.

11.        Au vu des rapports des experts au titre de chaque Etat, il est possible de dégager plusieurs éléments expliquant ce développement significatif de l´intercommunalité :

    le développement de la coopération intercommunale semble être surtout lié au problème de l´émiettement communal, de la petite taille des communes et de l´éparpillement de la population. Dans plusieurs pays, l´intercommunalité a un rôle essentiel dans l´organisation nationale des collectivités locales en raison du grand nombre de communes de petite taille. Même dans les pays où l´intercommunalité n´a pas de tradition, elle est favorisée par la très petite taille des communes. C´est le cas, par exemple, de la République Slovaque, où 67% des communes comptent moins de 1 000 habitants ;

        on notera également la contrainte – surtout pour les petites communes - de devoir fournir des services publics techniquement de plus en plus complexes (par exemple en matière de gestion des déchets) et financièrement de plus en plus lourds. Les communes doivent ainsi fournir des services publics de plus en plus nombreux et onéreux, avec des ressources trop souvent insuffisantes. Ainsi, elles se voient dans la nécessité de coopérer afin de mettre en commun leurs moyens pour bénéficier de synergies et d’économies d´échelle. Il s´agit aussi de satisfaire des besoins ou de résoudre des problèmes présentant une portée géographique qui dépasse le territoire de la commune ou qui touche plusieurs communes voisines et limitrophes ;

    les finances locales et le personnel qualifié sont insuffisants ;

 

    les collectivités locales de deuxième niveau (par exemple les départements) ne sont pas adaptées pour une coopération avec les communes en raison de leur trop grande taille (France). D’ailleurs dans certains pays, il n’y a tout simplement pas de structures locales de deuxième niveau (Autriche, Géorgie) ;

    étant donné que l´essor de la coopération intercommunale est souvent lié au problème de l´émiettement communal, dans certains pays, l´intercommunalité est considérée comme une sorte d´alternative plus pratique à la fusion obligatoire des communes minuscules, qui rencontre toujours une forte opposition de la part des citoyens affectés (exemple : Ukraine).

    certains projets de fusion et/ou de regroupement de communes échouent (par exemple la loi du 16 juillet 1971 en France). Etant donné que les projets de fusion des communes ont souvent échoué dans la plupart des pays, la coopération intercommunale est considérée comme le remède le moins traumatisant à une situation qui semble à la fois irrationnelle et impossible à faire évoluer. Dans les pays qui n´ont pas encore entamé sérieusement des processus de fusion de communes, la coopération intercommunale peut être considérée comme la première étape dans le sens d´une fusion de communes (Lettonie) ;

    la prestation de services publics obéit à de nouvelles contraintes d´efficacité. En effet, les courants actuels du « management public » soulignent l´importance de l´efficacité dans l´action administrative et mettent en avant la nécessité d´établir des formes nouvelles et « imaginatives » de prestation de services publics, où la coopération intercommunale permet d´optimiser les ressources publiques ;

    certains pays ont des caractéristiques naturelles spécifiques qui favorisent cette démarche, par exemple un paysage fortement accidenté (Norvège) ;

12.        Cependant, et au-delà de ces constatations préalables, l´analyse comparée des rapports des experts au titre des Etats révèle qu´il y a de fortes différences entre les pays analysés. Il est ainsi possible d´établir l´existence de deux groupes de pays, en fonction de l´importance de l´intercommunalité et de l’existence ou non d’une tradition dans ce domaine.

        D´un côté, il y aurait la plupart des pays où l´intercommunalité revêt traditionnellement une grande importance. Parmi les pays ayant une tradition forte on trouve l´Allemagne, l´Espagne, les Pays-Bas et les pays nordiques en général (Finlande, Danemark, Norvège). Dans ce groupe, qui n´est pas absolument homogène, on notera des différences entre, par exemple, la France, l´Italie et le Royaume-Uni : la France présente une intercommunalité très étoffée, l’Italie une intercommunalité fort limitée jusqu´à la deuxième moitié des années 90 et le Royaume-Uni une intercommunalité peu vigoureuse, apparemment parce que l´existence de communes de grande taille réduit la nécessité de coopérer. En Grèce, la coopération intercommunale date du début du vingtième siècle (1912), mais n´est pas devenue une tradition à cause de la fragmentation des intérêts politiques communaux, qui empêchent le développement du sentiment de la coopération. En Suède, si la première loi importante sur les fédérations de communes a été approuvée dès 1918, l´importance de l´intercommunalité est moindre, en raison du processus de fusion de communes qui s´est déroulé avec succès sur plusieurs décennies : au nombre de 2 500 dans les années quarante, les municipalités ne sont plus que 290 à l´heure actuelle. A la lumière de ces expériences comparées, il serait possible de conclure que, dans les pays qui ont généralement des communes de grande taille, l´intercommunalité n´est pas très développée (ex : Suède et Royaume Uni).

La plupart des pays d´Europe occidentale partagent des traits communs, une sorte de matrice dans l´évolution historique de l´intercommunalité :

(a)        la coopération intercommunale est prévue ou réglée au début du 20e siècle (exemple : loi de 14 février 1900 au Luxembourg, loi du 22 mars 1890 en France, loi de 1912 en Grèce, loi de 1919 en Suède) ;

(b)        elle évolue lentement dans les décennies suivantes ;

(c)        elle connaît un essor à partir des années 1960 et 1970 ;

(d)        les lois modernes en matière de régime local lui accordent une place à part (par exemple la réforme constitutionnelle et le Texte Unique des collectivités Locales en Italie de 2000, réforme constitutionnelle et Lois de 1980/1986/1994/2001 en Grèce).

(2) De l´autre côté, il y aurait – à l’exception notable de la Slovénie - les pays où la coopération intercommunale n’est ni particulièrement vigoureuse ni traditionnellement bien enracinée, pour diverses raisons (notamment la Fédération de Russie, la République Tchèque, l’Ukraine, «l’ex-République yougoslave de Macédoine », la Roumanie, l’Arménie). Dans certains pays, l´intercommunalité  n’est guère pratiquée (Géorgie, Bosnie-Herzégovine).

13.        D´après les experts du GEI au titre des Etats susmentionnés, cet état de fait s’explique notamment pour les raisons suivantes:

                la méfiance de la part de la classe politique au niveau local, qui ne croie pas en l’efficacité de l’intercommunalité (Lettonie) ;

                la tradition de forte centralisation (notamment en Ukraine et Géorgie), l´absence d’aucune tradition de coopération intercommunale (Arménie) ou la mentalité « hiérarchique », héritée du passé (Fédération de Russie) ; l´existence d´un régime en transition suite à l´abandon d´un système centraliste (Bosnie-Herzégovine)

                une conception trop « individualiste » de la démocratie locale, liée à un cadre normatif qui n´encourage pas trop l´intercommunalité, ainsi que des obstacles politiques divers (Roumanie) ;

                les conséquences négatives de la « culture administrative » traditionnelle, trop axée sur le particularisme et l´individualité (« ex-République yougoslave de Macédoine ») ;

                l’esprit excessivement partisan de la vie communale, qui fait que la décision de coopération dépend du consensus politique entre les maires des communes voisines ;

                les entraves budgétaires et les limitations des budgets des communes (République tchèque). ;

14.        Plusieurs de ces pays n´ont pas encore mené réellement à terme le processus de décentralisation communale. La coopération intercommunale est, donc, une évolution de « deuxième génération », qui ne semble pas encore être tout à fait d’actualité (Bosnie-Herzégovine)

2.2        Les matières et les domaines où la coopération intercommunale « permanente » est la plus utilisée/courante

15.        Dans la plupart des pays analysés, la coopération intercommunale est utilisée dans un grand nombre de secteurs relevant de la compétence des communes: 

                l’adduction et l’approvisionnement en eau potable

                le traitement des eaux résiduelles

                l’épuration des eaux usées

                les transports publics

                la lutte contre les incendies, les sapeurs pompiers

                le ramassage et la gestion des déchets, ce qui comprend la construction et l´exploitation des infrastructures pour la gestion des déchets

                la santé

                l’assistance sociale

                le développement économique et territorial

                l’équipement public

                approvisionnement en machines et matériaux

                l’équipement scolaire

                la conservation de la voirie

                l’aménagement du territoire

                la gestion de l´urbanisme

                la gestion et la protection de l´environnement

                la gestion des abattoirs et marchés municipaux

                les loisirs et le tourisme

16.        En plus de ces secteurs habituels, dans certains pays, l´intercommunalité s´est développée aussi dans des domaines particuliers tels que :

                l’éducation primaire (Luxembourg)

                les bibliothèques (Malte)

                les services d´assistance psychologiques et de soins dentaires (Danemark)

                la planification stratégique (RU)

                l’utilisation de ponts « partagés » (RU)

                le registre électoral (RU)

                le registre d’état civil

                les projets d´irrigation agricole (Turquie)

                la gestion des fonds structurels de l´Union européenne qui sont adressés aux communes

(Estonie, Slovaquie)

                la promotion du tourisme (Espagne)

                les services de sauvetage (Suède).

                la réalisation d´études relatives au développement de leur circonscription (Grèce)

17.        Un aspect fort intéressant dans ce domaine consiste à savoir si les communes sont tout à fait libres de décider des secteurs ou services publics dans lesquels elles veulent coopérer, ou bien si, au contraire, la loi nationale (ou celle du Land/Région) peut limiter cette aptitude, en déterminant des domaines « obligatoires » pour la coopération ou bien en limitant le cadre des secteurs ouverts à la coopération. La règle générale est que les communes sont libres de décider des domaines de coopération, à l´exception notable de la France où les communautés de communes, qui sont une forme de structure spécifique de coopération, doivent exercer des compétences dans au minimum trois domaines, dont deux sont imposés par la loi (aménagement du territoire, développement économique), le troisième devant être choisi par les communes parmi un ensemble de cinq autres domaines,  prévus par la loi .

2.3        L´intercommunalité, un mouvement volontaire qui peut être parfois imposé

18.        Dans la plupart des pays, la coopération intercommunale est un mouvement spontané, bien que parfois elle constitue une sorte de réaction à un projet gouvernemental de fusion de communes qui échoue. D´après les réponses des experts du GEI, la coopération intercommunale semble être un phénomène qui est entièrement basé sur le volontariat et la décision autonome des communes.

19.        En tout cas, la coopération intercommunale n´est pas un phénomène qui reste indifférant pour l´Etat. Normalement, l´Etat, à des degrés divers, soutient, encourage et favorise cette coopération. Dans certains pays, il se borne à encourager la coopération intercommunale sur un plan purement politique (Portugal) ; dans d´autres, le renforcement de la coopération intercommunale est associé au souci principal du législateur d´imposer des fusions des collectivités (Grèce) ; ailleurs, il en vient même à utiliser des aides financières spécifiques (comme en France). Dans les pays à structure fédérale ou à haute décentralisation régionale, la position des Länder ou des Régions est d´habitude également favorable à l´intercommunalité. Mais on connaît aussi des cas de pays ou l´intercommunalité n´est pas du tout encouragée par l´Etat, par suite d´une politique hyper centralisatrice (ce serait le cas de la Géorgie).

20.        Le caractère volontaire et spontané de l´intercommunalité ne veut pas dire que l´établissement des structures de coopération soit possible sans aucun type d´intervention de la part des administrations supérieures, qu´elle découle d´une compétence générale de tutelle ou pour d´autres raisons (coordination, exercice de compétences propres, etc.). En fait, dans certains pays il y a intervention de l´Etat soit pour le déclenchement de la procédure d´établissement d´une structure spécifique de coopération, soit pour « l’agrément » ou la constitution effective de cette structure (voir point 4.4)

21.        En plus de cette intervention de nature « procédurale » des administrations supérieures, il est aussi intéressant d´explorer si, au-delà du caractère généralement volontaire de l´intercommunalité, il est possible pour l´Etat/Région/Land d´imposer cette structure de coopération (soit en fusionnant l´administration de plusieurs communes, soit en obligeant certaines communes à former une association) sans tenir compte de la volonté de collaboration des communes concernées. Sur ce plan, plusieurs rapports d’experts du GEI fournissent des informations intéressantes :

                en Lettonie, par exemple, la coopération intercommunale peut être imposée par voie législative, tout comme en Italie pour des missions ou mesures spécifiques ;

                en Suisse, la législation de certains cantons prévoit la possibilité du passage obligatoire à l´intercommunalité (exemple, la Constitution de St. Gall) ;

                au Danemark, le Ministère de l´environnement peut imposer la coopération intercommunale pour régler certaines tâches de protection environnementale ;

                en Allemagne aussi,  il est prévu que le Land puisse organiser des formes plus ou moins obligatoires de coopération, en fusionnant l´administration de plusieurs communes ;

                en Autriche, les associations de Droit Public (Gemeindeverbände) peuvent être imposées de façon obligatoire par le Land (notamment au Tyrol) ;

                en Turquie, le Conseil des Ministres peut décider d´imposer l´association de certaines communes ;

                au Portugal, la coopération obligatoire, concrétisée dans les « groupements de communes », remonte à 1979. Curieusement, ces groupements obligatoires (aujourd´hui en voie de disparition) ont été les premiers germes de l’évolution actuelle vers des associations volontaires ;

                en Espagne, à côté des structures  « pures » de coopération intercommunale, comme les « mancomunidades » (syndicats de communes),  on note récemment dans certaines régions (par exemple la Catalogne) une tendance à créer des structures « obligatoires » de coordination intercommunale, avec une présence de l´administration régionale qui prend  de facto les décisions stratégiques. Dans ce cas la coopération ou « coordination » est en fait obligatoire ;

                en Slovaquie, la coopération intercommunale peut être imposée dans le cas des compétences déléguées ;

                en Suède, la coopération peut être obligatoire dans le cas d´un plan régional qui prévoit l´utilisation coordonné de l´eau et du sol de la part des communes concernées.

                en Grèce, la loi prévoit que la participation forcée d´une collectivité dans un syndicat peut être décidé par le Secrétaire Général de la Région (représentant de l´Etat) dans des cas spécifiques : (a) lorsque la satisfaction de besoins des habitants ne peut pas être assurée autrement ; (b) lorsque le conseil d´administration du syndicat le décide, (c) lorsque la collectivité en question appartient à l´unité géographique du syndicat.

3.         LE CADRE INSTITUTIONNEL GÉNÉRAL DE L´INTERCOMMUNALITÉ

22.        Ce projet de rapport entend, dans la partie qui suit, explorer et décrire dans les grandes lignes les mécanismes les plus courants de la coopération intercommunale, sous un angle d´analyse purement juridique.

3.1.       Le droit de coopérer et/ou de s´associer

23.        Il convient, en premier lieu, de se demander si l´intercommunalité s´appuie sur un « droit » ou sur une « capacité/compétence » juridique d’exercice en commun des compétences et services découlant des dispositions légales régissant les collectivités locales. L´analyse des différents rapports confirme que ce droit/compétence est généralement reconnu d´une façon explicite par la loi, voire par la Constitution, bien qu’elle puisse trouver sa source dans la tradition historique ou être implicite dans la législation.

24.        En prenant en compte la source juridique de ce droit, on pourrait faire une tentative de classement simple des pays :

                pays où le droit de coopérer et/ou de s´associer est reconnu dans la Constitution nationale : Ukraine, Autriche, Portugal, Bulgarie ; en Allemagne, le droit de coopérer est contenu dans la garantie constitutionnelle de l´autonomie communale ;

                pays où le droit de coopérer est reconnu dans les Constitutions des Cantons/Länder, autres : Suisse (de manière implicite) ;

                pays où le droit de coopérer et/ou de s´associer est reconnu dans les textes de loi régissant les collectivités locales. C´est cette catégorie qui regroupe le plus grand nombre de pays, parmi lesquels on citera la Slovénie, la France, la Grèce, le Royaume-Uni, l’Azerbaïdjan, « l’ex-République yougoslave de Macédoine », la Roumanie, l’Arménie, la Fédération de Russie, la Norvège, l’Espagne. Il faut souligner que, dans les pays à structure fédérale ou fortement décentralisée, outre la législation nationale, la législation spécifique de chacune des Régions/Länder peut reconnaître aussi ce droit aux collectivités locales ;

                pays où le droit de coopérer et/ou de s´associer est reconnu aussi dans la législation sectorielle et/ou trouve sa source dans la tradition : Danemark ;

25.        Les communes ne sont pas les seuls « titulaires » du droit de coopérer et/ou de s’associer avec d’autres collectivités locales. Ce droit peut être exercé aussi par des collectivités à portée ou territoire inférieurs à la commune (comme la paroisse) ou de dimension supra-communale (comme le county, le Kreis ou la provincia). Bien que le présent rapport porte sur la coopération entre les communes stricto sensu, il est intéressant de savoir si, dans le système juridique interne, les autres collectivités locales disposent aussi du droit ou de la capacité de coopérer et de s´associer.

26. Les rapports indiquent que dans les pays où il n´y a pas de collectivités locales de deuxième niveau (comme en Slovénie, en Arménie, ou encore en Autriche), le droit n´est reconnu naturellement qu´aux communes. Dans les autres, le droit de coopérer est à la portée de presque toutes les administrations territoriales non étatiques, qu’elles soient de « premier » ou de « deuxième » niveau.

27.        Par exemple :

                au Danemark les « comtés » disposent aussi du droit de s´associer ;

                en Roumanie, la coopération interdépartementale est très forte ;

                en Turquie, les provinces et les villages, en plus des communes, peuvent s´associer. Cette situation permet de créer des associations « homogènes » (constituées exclusivement par des communes ou par des provinces), ou « mixtes » (constitués par des communes et des provinces, par exemple) ;

                au Portugal, les collectivités locales de dimension inférieure à la commune ont aussi le droit de s´associer ;

                en Fédération de Russie, les trois types existants de collectivités locales ont le droit de développer la coopération intercommunale ;

                en Norvège, les « communes départementales » (de deuxième niveau) disposent aussi de ces mêmes droits ;

                en Lettonie, les collectivités régionales on le droit de coopérer ;

                en Espagne, l´association de collectivités locales de « deuxième niveau » (provincias)  a été autorisée explicitement par la législation nationale à partir de 1913, mais la législation nationale actuelle ne prévoit pas cette forme d’association. Cela n´empêche pas la législation régionale de régler la coopération interprovinciale sur son territoire ;

                aux Pays-bas, le droit de collaborer est aussi accordé à toutes les collectivités locales ;

                en République Slovaque, les Régions ont aussi le droit de s´associer entre elles ;

                en Suède, c´est aussi le cas des comtés ou régions du sud du pays.

                en Allemagne, la coopération entre les Kreise (autonomies locales de deuxième niveau) comme aussi les Länder est possible et fréquente.

3.2.       Réglementation juridique de la coopération intercommunale

28.        Un aspect intéressant de l´intercommunalité consiste à savoir si elle est très réglementée par l´Etat ou par le Land/Région/Canton, ou au contraire, si son régime juridique est entièrement ou très largement déterminé de manière « ad hoc » par la décision des communes partenaires.

29.        Dans certains pays (comme la France, le Portugal et la Grèce) le régime juridique de l´intercommunalité est fortement réglementé et encadré juridiquement, et ne laisse par conséquent qu’une marge de manoeuvre limitée aux communes. En revanche, dans la plupart des pays, c’est l´inverse qui est la règle. Ainsi, aux Pays-Bas, une loi spécifique sert de cadre normatif général pour la coopération (1984/2006), mais les communes peuvent déterminer de nombreux aspects organisationnels et fonctionnels au moyen d’accords. En Allemagne, bien que les lois des différents Länder soient assez exhaustives, elles laissent aux communes le droit d´élaborer le statut régulateur de la structure de coopération. En Suisse, la densité de la réglementation peut varier d´un Canton à l´autre. En Espagne, le régime juridique de la coopération intercommunale n´est pas fortement réglementé. Au contraire, la législation nationale (et régionale, habituellement) se borne à établir des règles minimales, tant matérielles que procédurales. Par conséquent, le régime juridique de la coopération intercommunale est essentiellement déterminé de manière « ad hoc » par la décision des communes partenaires, volonté qui est concrétisée dans les « estatutos » (statuts) de l´organisme de coopération intercommunale. En Lettonie, la coopération communale n´est pas fortement réglementée, et les aspects concrets de la coopération sont déterminés « ad hoc » par les décisions des communes concernées.

30.        A l´autre extrême de l´éventail, la législation peut être très générale et ne prévoir aucune règle sur la typologie des formes et des mécanismes de coopération intercommunale (Roumanie, Arménie et Géorgie), ou encore il n´existe pas de réglementation « administrative » précise, parce que les associations de communes sont considérées comme relevant du droit privé, et les seules normes qui s´appliquent sont le Code de Commerce ou le Code Civil (Slovaquie).

31.        Naturellement, la structure de l´Etat a une conséquence évidente sur l´uniformité de la réglementation de l´intercommunalité. Dans les pays unitaires (Portugal, Turquie) la réglementation est uniforme. Dans les pays fédéraux ou fortement décentralisés, la réglementation peut varier d´une région à l´autre (Autriche, Espagne, Allemagne, Italie).

32.        L´existence d´une forte réglementation de l´intercommunalité est une question importante car il serait possible d’analyser le lien éventuel entre le niveau de réglementation de l´intercommunalité et le degré d´autonomie des collectivités locales. Ce lien pourrait être observé par le fait que, dans les pays où l´intercommunalité est fortement réglementée, la liberté des communes est restreinte, puisqu’elles ne peuvent déterminer aucun élément important des structures de coopération ; en revanche, dans les pays où l´intercommunalité est peu réglementée, les communes disposeraient d´un grand degré d´autonomie. Cette interprétation n´est cependant pas suffisamment étayée étant donné que dans le groupe des pays où l´intercommunalité n´est pas fortement réglementée, il est possible de trouver deux situations différentes : des pays comme l´Espagne, par exemple, où les communes disposent de fait d´une grande autonomie, et d’autres comme la Roumanie ou l´Arménie, où la réglementation de l´intercommunalité est minimale, voire inexistante. Dans ces derniers cas, une réglementation peu présente n´exprimerait pas forcément un transfert des niveaux territoriaux supérieurs envers les communes, mais, par exemple, un manque de souci politique justifié par le fait que l´intercommunalité est un phénomène rare.

3.3        Les principales formes de la coopération intercommunale

33.        En Europe, la coopération intercommunale se présente sous une grande variété de formes, types et réglementations juridiques, en fonction de la tradition constitutionnelle et municipale de chaque pays. Ces modalités de coopération intercommunale possibles peuvent être régies : (a) par la législation nationale, exclusivement ; (b) par la législation régionale, du Land ou du Canton, exclusivement; (c) par les deux.

34.        Les mécanismes de coopération sont très divers, mais il est possible de dégager certaines caractéristiques :

                dans certains cas, la législation interne prévoit, d´une façon assez minutieuse, un éventail systématique de différentes modalités de coopération entre communes. Ce serait le cas de la France, où l’on peut recenser pratiquement une dizaine de formes différentes de structures spécifiques de coopération ; de l´Italie, ou le texte unifié de 2000 prévoit cinq « formes associatives » différentes ; ou de la Grèce, ou le texte unifié sur les collectivités locales prévoit quatre modalités.

 

                dans d´autres cas, par contre, l´éventail, plus restreint, est limité à une ou deux formes principales de coopération. Dans le cas extrême de Liechtenstein, il n´y a pas de forme spécifique de coopération intercommunale, l´Etat lui-même est né de l´effort coopératif de onze communes ;

                dans certains pays, les communes peuvent créer des personnes morales de droit privé, mais pas des structures administratives qui soient des véritables établissements ou organismes publics (comme en Bulgarie), tandis que, dans d´autres, la législation du régime local permet une forme générique de coopération intercommunale mais n´établit pas elle-même un code ou une typologie spécifique. Ce serait le cas de la Roumanie, par exemple.

35.        Quoi qu’il en soit, la règle générale est ici que les communes sont tout à fait libres de choisir les modalités ou le type de coopération intercommunale qu´elle trouvent la plus indiquée. Cependant, une forme concrète peut, en revanche, être imposée par la loi ou par un niveau administratif situé à un échelon au dessus d’elles (Etat, Région, Canton, etc.), comme indiqué plus haut.

36.        Il ressort des rapports des experts du GEI, que la coopération intercommunale peut adopter des modalités variées, comme indiqué ci-après.

(A)        Coopération informelle

37.        Les communes peuvent coopérer de facto, ou s´entraider, de manière spontanée ou informelle, en dehors de tout cadre juridique permanent. Tel est le cas, par exemple, lorsqu’une commune aide la commune voisine lors d´un incendie, d´une catastrophe ou d´un accident. Tous les pays prévoient cette possibilité, qui sort ou va au-delà d´un cadre juridique matériel précis et détaillé.

(B)        Conventions

38.        Si deux ou plusieurs communes veulent établir un cadre plus stable, formalisé et permanent de coopération, elles peuvent librement signer des conventions, accords ou contrats entre elles (les Arbeitsgemeinschaften en Allemagne, les Samarbetsavtal en Suède, les « contrats de coopération intercommunale » et « contrats de planification » en Grèce, les « convenios interadministrativos de coopéración » en Espagne), aux termes desquels elles s´engagent à coopérer, à collaborer et à s´entraider dans des domaines concrets (par exemple, pour la réalisation en commun de travaux publics, ou pour la prestation en commun de services publics comme le transport, échange de fonctionnaires, etc).

39.        Ces conventions, qui n´aboutissent pas à la création de nouvelles personnes morales, sont la manifestation d’un pouvoir ou une compétence qui découle normalement de la personnalité juridique pleine et entière des collectivités locales. Dans certains pays, ces conventions ont le caractère d´un contrat entre personnes morales et relèvent du droit civil/privé, tandis que dans d´autres pays elles sont considérées comme des conventions inter administratives et relèvent du droit administratif à part entière (Espagne).

40.        L´utilisation de cette forme de coopération est souvent indiquée dans le cadre de besoins ponctuels ou trop spécifiques qui ne méritent pas d’être canalisés  vers une structure spécifique de coopération. Il est par contre possible que ce soit la seule modalité de coopération intercommunale dans un pays, si son droit interne interdit aux communes d´établir des structures administratives permanentes de coopération (comme en Bulgarie ou en Lettonie).

41.        D´une façon assez uniforme dans tous les pays analysés, les communes disposent d´une autonomie suffisante et d’une assez large latitude pour signer entre elles toutes sortes d´accords ou de conventions bilatérales ou multilatérales visant à la coopération intercommunale. En général, ces conventions n’ont pas à être autorisées par une administration située à un échelon au-dessus aux communes, mais dans certains pays les communes doivent au moins en informer l´Etat et/ou la Région/Land dont elles relèvent.


(C)        Création d´organisations, de droit public ou privé

42.        Les communes peuvent décider de créer de nouvelles organisations, qui deviennent des personnes morales dotées de personnalité juridique propre et distincte. Dans cette catégorie, il est aussi possible d´établir des sous - catégories selon les modalités choisies :

(C.1)     Constitution de sociétés commerciales :

Cette modalité de coopération intercommunale semble être très commune dans certains pays. Par exemple, en Suisse la Privatrechtliche Aktiengesellschaft ou société de droit privé par actions est établie dans le domaine des services publics comme les transports, l´énergie ou la gestion des déchets. Il en va de même en Allemagne.

(C.2)     Constitution de personnes morales de droit privé à but non lucratif:

Ce serait le cas, par exemple, des fondations de droit privé (Privatrechtliche Stiftung en Suisse).

Naturellement, ni la société commerciale ni la fondation ne sont à l’origine prévues pour la coopération intercommunale, cependant, elles peuvent être utilisées pour ce faire.

(C.3)     Création de structures spécifiques de droit public, ayant la nature d´organisme administratif :

Ces structures deviennent un organisme public à part entière et possèdent normalement une personnalité juridique, un budget et un patrimoine propres et distincts de ceux des communes créatrices. Ces différentes modalités font l’objet du point suivant.

4.         LES STRUCTURES ADMINISTRATIVES SPÉCIFIQUES DE L´INTERCOMMUNALITÉ

4.1        Approche générale

43.        Dans la plupart des pays, la loi reconnaît aux communes la capacité ou le droit de créer des structures  « ad hoc », de nature administrative pour la coopération et la gestion en commun, qui peuvent avoir leur propre personnalité juridique, différente et indépendante de celles des communes qui les ont crées, sauf, il faut le souligner, dans certains pays. Par exemple, la législation bulgare ne reconnaît pas aux communes le droit de créer des structures administratives pour la coopération qui soient de véritables établissements ou organismes publics. Il en va de même en Lettonie.

44.        Dans certains pays, ces structures administratives spécifiques sont des établissements publics qui ne peuvent êtres considérées comme des collectivités locales (France) ; dans d’autres, ces structures administratives peuvent être considérées comme des collectivités locales à part entière (Espagne).

45.        Parfois, la législation nationale prévoit plusieurs types de structures de coopération (Allemagne, France) en laissant le choix aux communes de choisir l’une d’entre elles, parfois un seul type de structure organique est prévu (au Luxembourg, les syndicats de communes). En Allemagne, cette diversité typologique est accrue parce que c´est la législation des Länder qui prévoit les structures de coopération, et chaque Land pour ces communes, circonstance qui aboutit à une pluralité énorme de formes.

46.        L´importance de cette modalité de coopération est très grande dans les pays qui ont une intercommunalité vigoureuse, même s´il semble difficile d´obtenir des données statistiques plus ou moins centralisées et actualisées sur le nombre d’organismes de coopération intercommunale, leur type et la classe d´établissement. En fait, plusieurs experts du GEI ont signalé que ces chiffres plus ou moins centralisés sur les organismes de coopération intercommunale n´étaient pas disponibles dans leurs pays (l’ex-République Yougoslave de Macédoine, Bosnie-Herzégovine) , difficiles à obtenir, trop éparpillés, ou bien limités aux jumelages (Grèce)

47.        Toutefois, certains chiffres fournis par des experts du GEI témoignent de l´importance de ces établissements. Par exemple, au Luxembourg les syndicats de communes réalisent des recettes qui représentent à peu près 15% des recettes des communes (10% pour les Pays-Bas). En Espagne, les communes participant à des structures spécifiques de coopération sont très nombreuses, surtout dans certaines Régions (« Comunidades Autónomas »). Par exemple, d´après les données mises à jour en juillet 2002, 97% des communes de la Région de Navarre sont membres d’au moins un syndicat (« mancomunidad ») intercommunal (92% dans la Région d’Extremadura, 84% pour Castilla-La Mancha, ou encore 78% au Pays Basque). En Finlande, on compte au total 431 communes et environ 250 kuntayhtymä (autorités locales communes).

4.2        Les principaux types de structures administratives

48.        Ces structures ont des dénominations et des profils juridiques différents dans les divers Etats analysés. Pour donner un panorama général de cette typologie, le tableau de l´annexe I au présent rapport reprend les formes les plus importantes dans chacun des pays.

49.        Certaines de ces structures sont considérées comme des établissements publics, par exemple les Syndicats de communes (France), d´autres comme des collectivités locales à part entière (les Mancomunidades en Espagne). Certaines structures sont constituées pour un but ou service public uniques, d´autres ont vocation à en servir plusieurs.

50.        Outre les montages traditionnels, certains pays se dotent d’organisations spécifiques qui permettent aux communes de transférer l´exécution d´une tâche à l’une des communes participantes. Ce serait le cas des Centrumgemeende au Pays-Bas, de la öffentlich-rechtliche Vereinbarung en Allemagne, ou de la Sitzgemeindemodell en Suisse.

51.        Une autre forme de structure administrative vise à satisfaire les nécessités spécifiques d´un espace intercommunal ou métropolitain, constitué par l´existence d’une grande ville entourée d´autres communes qui, peu à peu, sont absorbées par son expansion jusqu’à former de facto une conurbation unique.

52.        C´est le cas des « áreas metropolitanas » en Espagne,  des « communautés urbaines » ou « communautés d´agglomération » en France, et des Grandes áreas metropolitanas, et des  Comunidades urbanas au Portugal. Elles sont aussi fréquentes en Allemagne, sous le nom de Stadt-Umland-Verbände ou Regionalverbände.

53.        Les communes peuvent aussi faire partie de « consortiums », organismes composés par des collectivités locales et d´autres administrations, comme l´administration régionale. En raison de ce caractère « mixte », ces structures restent en dehors de l´objet de ce rapport.

54.        Au-delà de sa diversité typologique et juridique, toutes ces structures partagent un trait commun : ce sont des organisations de droit public. Elles ont leur propre personnalité juridique, différente de celles des communes créatrices et elles disposent de la pleine capacité juridique pour s’acquitter de leurs tâches et responsabilités spécifiques. Elles ont aussi leurs propres budgets, ressources financières, personnel, biens, etc.

4.3        Procédure pour la constitution de ces établissements.

4.3.1     Etablissement

55.        La procédure pour établir une structure administrative spécifique de coopération intercommunale est déterminée uniquement par la législation nationale dans les pays unitaires (France, Portugal) ou par celle du Land ou du Canton dans les pays fédéraux (Suisse, Allemagne). Dans les pays à forte décentralisation politique (comme l’Espagne ou l´Italie) la législation nationale se borne à établir les aspects généraux de la procédure, qui peuvent être complétés par la législation des Communautés Autonomes ou des Regioni.

56.        Conformément au principe de volontariat de l´intercommunalité, la création de structures administratives spécifiques de coopération intercommunale dépend de la volonté et de la décision des communes concernées. En règle générale, l´organe de la commune compétent pour adopter les décisions précises pour établir un tel organisme est l´organe délibérant (le  conseil). La législation interne peut établir que les conseils des communes créatrices doivent prendre leurs décisions à la majorité, le cas échéant, qualifiée (majorité absolue, par exemple) mais n´exigent jamais l´unanimité.

57.        Parfois, la législation interne établit certaines conditions requises pour que les communes puissent entamer la procédure (homogénéité territoriale, nombres de communes ou d´habitants concernés, etc.), mais, dans la plupart des cas, il n’y a pas de restrictions. Malheureusement, une caractéristique est presque générale : en temps normal, les habitants de la commune ne jouent aucun rôle dans la procédure de création de l´organisme.

58.        Dans certains pays (comme l´Espagne), les communes désirant entamer une procédure d´association doivent constituer une assemblée ou un organisme collégial, où toutes les communes doivent être représentées. Cette assemblée intercommunale doit rédiger le projet de statut de la « mancomunidad »

4.3.2     L´intervention des autorités administratives « supérieures »

 

59.        Comme indiqué plus haut, le caractère volontaire et spontané de l´intercommunalité ne veut pas dire que l´établissement des structures de coopération soit possible sans intervention de la part des administrations supérieures. En général, les organismes de la coopération intercommunale sont établis par la simple volonté des communes partenaires, mais parfois ils doivent être aussi reconnus, autorisés ou bien enregistrés par une Administration « supérieure » (Etat/Région).

60.        En fait, dans certains pays, il y a intervention de l´Etat, soit pour entamer la procédure de création d´une structure spécifique de coopération, soit pour « l’agrément » ou la constitution effective de la dite structure :

                en France, l´initiative de la création peut appartenir au représentant de l´Etat. En fait, la procédure de constitution d´un EPCI (établissement public pour la coopération intercommunale) est complexe, avec l´intervention des communes, de la commission départementale de coopération et du préfet, qui stricto sensu prend la décision de création de l´établissement. En outre, la législation nationale établit plusieurs critères matériels qui doivent être respectés dans toute initiative, comme par exemple la cohérence géographique ;

                au Royaume Uni, l´établissement d´un « joint board » doit être au préalable approuvé par le Ministère compétent;

                au Luxembourg, l´accord de constitution d´un syndicat de communes doit faire l´objet d´une approbation sous forme d´un arrêté grand-ducal ;

                en Turquie, la création des unions de communes nécessite l´autorisation du Conseil des Ministres.

61.        En dehors de ces cas, l´autorisation de la Région ou de l´Etat n´est ni prévue ni nécessaire. Les décisions de création de la nouvelle structure sont ainsi simplement communiquées par les communes créatrices à l´administration régionale et/ou à l´administration d´Etat. Il s´agit d´une simple communication. Un autre aspect important de ces structures de coopération est qu’en règle générale, les communes ont le pouvoir (ou l´obligation préalable) d´approuver une réglementation qui détermine la structure, le financement, les attributions, l´organisation, etc. de l´établissement de coopération  et qui, le cas échéant, doit être publié au journal officiel de l´Etat, de la Région ou de la Province (en Espagne, le statut ou estatutos,  en Italie, le « statuto » pour les Unione di Comuni.).

62.        Dans tous les cas, le nouvel établissement doit habituellement être enregistré par les autorités nationales et/ou cantonales, régionales, etc. En Espagne, par exemple, toute  « mancomunidad » doit être inscrite au Registre national des collectivités locales. La création d´un Zaednicki administracii (administration commune) en « ex-République yougoslave de Macédoine » doit être publiée au Journal officiel de la République.

63.        Finalement, pour la constitution de certains types de structures, les communes n´ont qu´un droit de déclencher la procédure, qui est close par la décision de la Région/Etat. C´est le cas des área metropolitana en Espagne (« communauté urbaine »). Dans ce cas, la compétence pour la création de telles collectivités relève exclusivement de la Région. Les communes se bornent à « demander » la constitution d´une telle structure.

4.4        Organisation des structures administratives de coopération

64.        L´organisation interne d´une structure administrative de coopération constitue un sujet qui est encore plus difficile à systématiser, car, comme indiqué plus haut, dans la plupart des cas, elle est déterminée par la décision créatrice des communes concernées.

65.        D´une façon presque unanime et logique, les rapports des experts du GEI font état d’une caractéristique commune : les instances dirigeantes sont élues directement par les conseils municipaux. On trouve aussi parfois des règles spécifiques : en Norvège, en cas de création d’une société, l´assemblée plénière est composée de représentants des communes partenaires, en fonction de la répartition des actions ; en Allemagne, l´administration commune est confiée à un directeur et contrôlée par une assemblée composée de représentants des communes participantes.

4.5        Le financement des structures de coopération

66.        La majorité des structures de coopération intercommunale disposent de leurs propres budgets et d´un patrimoine propre, distinct de celui des communes fondatrices. C´est l´organe d´administration intercommunal qui tranche concernant les documents budgétaires. Normalement, la législation interne détermine le financement de ces structures, même si dans certains pays, comme l´Arménie, la loi ne dit rien sur cet aspect de l´intercommunalité.

67.        En règle générale, le budget de ces structures est financé par des concours financiers des communes participantes.

68.        Cette participation peut être fixée dans l´accord de création ou dans le statut régissant la structure. Dans d´autres cas, elle peut être proportionnelle au nombre d´habitants des communes (comme en Ukraine).

69.        Ces structures peuvent aussi obtenir des ressources à partir de plusieurs sources :

                les transferts et les subventions octroyées par l´Etat pour des projets spécifiques (cas du Liechtenstein), ou même par l´Union Européenne (Fonds Européen de Développement Régional, etc.) ;

                les dons et les recettes de leurs activités économiques (Fédération de Russie) ;

                la Sécurité sociale (pour les hôpitaux, au Luxembourg) ;

                les installations, ressources matérielles et humaines qui sont transférées par les communes créatrices ;

                dans la plupart des pays, les structures de coopération peuvent normalement toucher des redevances ou facturer les services prêtés, qui doivent être payés par les habitants des communes associées (Espagne, Finlande, Suède, etc.).

70.        Quand à la possibilité d´avoir une fiscalité propre, voilà sans doute une espèce de summa divisio des organismes de l´intercommunalité. Dans les pays fédéraux comme l´Allemagne, l´Autriche et la Suisse, cette question dépend du Land ou du Canton. En général, les organismes de l´intercommunalité n´ont pas le droit d´exiger des impôts propres. C´est la règle dans « l’ex-République yougoslave de Macédoine ». En Suisse, les organismes intercommunaux ne peuvent pas lever d’impôts et, en temps normal, la loi cantonale l’exprime de manière explicite. Tel est également le cas en Ukraine. Dans d´autres pays, cette possibilité est encore plus improbable, étant donné qu´il n´existe pas de taxes locales (République tchèque).

71.        En France, en revanche, les deux types d´établissements de coopération existent : ceux avec fiscalité propre et ceux qui n’ont pas cette compétence. Les premiers peuvent recourir à deux formes d´impôts propres : la taxe professionnelle unique (taxe sur les entreprises) et un taux supplémentaire calculé sur une assiette constituée par les impôts locaux communaux. En outre, ils reçoivent à titre de recettes de fonctionnement non affectées une dotation globale de l´Etat. Les seconds sont financés par des contributions provenant des budgets des communes. Les deux types d´établissement reçoivent en plus des dotations d´équipement.

4.6        Le contrôle des structures administratives de coopération

72.        Dans les pays unitaires, les autorités de l´Etat, soit centrales (le Ministère de l´Intérieur en Turquie), soit déconcentrées (le préfet en France), peuvent exercer une certaine forme de supervision ou même de tutelle sur les activités des structures de coopération, tandis que dans les Etats fédéraux ou fortement décentralisés, ce contrôle est, le cas échéant, mis en œuvre par les autorités du Land ou de la Région (en Autriche, en Allemagne ou en Espagne).

73.        Pour ce qui concerne le contrôle exercé par les communes créatrices, en droit, on ne peut pas parler de l´existence d´une autonomie des établissements de coopération vis-à-vis des communes fondatrices, puisqu’ils sont un instrument de prestation des services communaux. En conséquence, les communes peuvent établir plusieurs types de contrôle sur l´activité des structures de l´intercommunalité, par exemple contrôle d´efficacité ou même d´opportunité dans les affaires dépassant certains seuils ou valeurs.

5.         LA COOPÉRATION INTERCOMMUNALE TRANSFRONTALIÈRE

74.        Presque tous les pays analysés ont signé et ratifié la Convention - cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales [STE n° 106] ainsi que ses protocoles. La plupart des experts du GEI indiquent que cette coopération est très développée dans leurs pays. Le développement de la coopération transfrontalière est souvent favorisé par des considérations ou des orientations politiques du niveau national. Cela expliquerait, par exemple, que la coopération transfrontalière soit très développée entre la Suède et la Norvège et très peu entre la Suède et d´autre pays voisins ; on citera également l´excellent exemple de coopération transfrontalière entre Valka (Lettonie) et Valga (Estonie).

75.        Dans les pays membres de l´Union Européenne, le programme INTERREG (développement des régions transfrontalières) a servi à développer largement cette coopération. C´est le cas, par exemple, de la coopération entre les communes faisant partie des régions transfrontalières Espagne - Portugal ou Espagne - France.

76.        En temps normal et dans le cadre de la Convention - cadre européenne STE n° 106 et de l’Union européenne, les accords transfrontaliers entre communes n’ont pas à être autorisés par une Administration située au dessus de la commune (l´Etat, la Région, etc.), mais, pour la plupart d´entre eux, il est obligatoire de communiquer à ces instances administratives l´existence de cette entente (soit au préalable, soit ex post facto).

77.        Ainsi, en Espagne, conformément au Décret Royal du 31 juillet 1997, les collectivités locales désirant entamer une procédure de coopération transfrontalière doivent communiquer préalablement à l´Administration d´Etat les projets de convention ou d´accord qu´elles veulent signer. Cette communication préalable est une condition exigée pour la validité de la convention intercommunale. En outre, les accords transfrontaliers doivent être publiés au Journal officiel de l´Etat.


6.         AUTRES QUESTIONS

6.1.       Intercommunalité et démocratie

78.           Au delà de la description juridique des structures de la coopération intercommunale, l’intercommunalité revêt des aspects de portée sociale et politique. Le plus important est vraisemblablement celui du rapport entre intercommunalité et démocratie. Normalement, les citoyens ne sont pas consultés pour établir une structure de coopération intercommunale. Qui plus est, les membres des conseils et instances dirigeantes de ces organismes intercommunaux ne sont pas élus par les citoyens. En définitive, les élus locaux peuvent être tentés d´échapper à la responsabilité politique primaire tout en déléguant la prestation de service public à des structures intercommunales qui n´appartiennent à aucune commune en exclusivité et qui parfois ressemblent à des instances opaques ou « lointaines ». Cette question a attiré l´attention de plusieurs experts du GEI. Ainsi, le fait que les dirigeants des organismes de l´intercommunalité ne soient pas élus par les habitants des communes a soulevé un certain débat en Suède, sur le caractère plutôt « lointain » de ces structures. En Allemagne aussi, ce point a suscité une discussion importante, ce qui a aboutit à des solutions normatives comme la « Samtgemeinde » (structure d´intercommunalité présente au Land de Basse Saxe) ou la « Verbandsgemeinde » (en Rhénanie Palatinat). Les "Samtgemeinden" et "Verbandsgemeinden" sont considérées comme des communes complètes, avec leur propre conseil et leur propre maire, qui sont élus directement dans la Samtgemeinde/ Verbandsgemeinde, mais elles sont composées de plusieurs communes (appelées "communes locales") dont chacune a son propre conseil et son propre maire, qui sont aussi élus directement dans la commune locale. Ainsi on aboutit à des communes sur deux degrés, mais nettement différentes des autonomies de 2ème niveau (Kreise), et a une démocratie locale très forte. Au Royaume Uni, le caractère « indirect » de la démocratie « intercommunale », ainsi que les risques de confusion en matière de responsabilité, ont été largement critiqués avant les réformes administratives de 1974/75. 

79. Comme dans beaucoup d´autres questions qui ont trait à l’exercice de la démocratie, la Suisse présente une situation fort intéressante dans ce domaine. Ainsi, la législation municipale du Canton de St. Gall établit, dans certain cas, que la décision d’adhérer à une structure d´intercommunalité peut être soumise à référendum. D´autres Cantons prévoient aussi des règles similaires, ce qui veut dire que la participation des citoyens est grande au stade de la constitution des associations intercommunales de droit public. La participation du public se poursuit à d´autres moments de la vie de l´association intercommunale, par exemple, lors de la dissolution de l´association, ou lorsque cette association a besoin de ressources financières exceptionnelles. Ces décisions peuvent être aussi soumises à référendum, comme cela a été le cas, notamment, pour la construction du théâtre de Fribourg (responsabilité d´une association intercommunale), où les citoyens de cette commune ont été appelés à se prononcer sur l´opportunité d´accepter l´endettement nécessaire. D´autres Cantons ont établi d´autres dispositions sur le contrôle démocratique des associations intercommunales de droit public (Lucerne, Graubünden, etc.), et la Constitution du Canton de Zürich prévoit même que les associations intercommunales de droit public doivent être organisées de manière démocratique, mais la situation semble encore insatisfaisante pour certains spécialistes. Par contre, dans d´autres pays comme l´Espagne, cette question n´a pas attiré une attention importante.

6.2.       l´Intercommunalité et le droit communautaire

80. Des  préoccupations ont été exprimées en ce qui concerne le possible impact (négatif) du droit communautaire sur l´intercommunalité en Europe.  Même si cette question n´a pas été traitée dans les réponses écrites des experts (ce qui indique peut-être qu´il ne s´agit pas d´un problème important dans leurs pays) il convient de s´ y intéresser brièvement, au moins dans les grandes lignes.

81.- Il faut souligner, à titre liminaire, que l´effet restrictif du Droit communautaire sur l´intercommunalité est évidemment limité aux pays membres du Conseil de l´Europe qui sont en même temps des Etats membres de l´Union Européenne, mais n´a absolument aucun effet dans les pays qui ne le sont pas. Il s´agit donc d´un problème spécifique d´un groupe de pays. Certes, depuis les années 90´, le Droit Communautaire des marchés publics et de la concurrence, ainsi que la régulation des « services d´intérêt général »[3], ont eu un impact restrictif sur une technique très étendue parmi les collectivités locales, qui consiste a créer des sociétés commerciales ou des entreprises publiques (en tenant la totalité ou la majorité du capital) pour la fourniture de services publics.

82.- La création de ces entreprises ne suffit pas pour échapper aux normes communautaires en matière de passation de marchés publics et de contrats administratifs (par exemple, la Directive 2004/18/CE du 31 mars 2004 (JO 30.4.2004), surtout dans le cas de services appelés « in house providing ». Dans son arrêt du 18 novembre 1999, Teckal (C‑107/98, Rec. p. I‑8121, point 51),  la Cour a statué que la Directive 93/36/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de fournitures, est applicable lorsqu'un pouvoir adjudicateur, telle une collectivité territoriale (dans ce cas, une commune italienne), envisage de conclure par écrit, avec une entité distincte de lui au plan formel et autonome par rapport à lui au plan décisionnel, un contrat à titre onéreux ayant pour objet la fourniture de produits, que cette entité soit elle-même un pouvoir adjudicateur ou non. L´important arrêt de la Cour de Justice des Communautés Européennes du 10 novembre 2005 (Commission c. Autriche) porte sur une entreprise municipale à capital retenu par la commune de Mödling (Land Basse-Autriche), crée pour la prestation du service municipal de gestion et élimination des déchets, où la Cour a condamné l´Autriche pour violation de la Directive 92/50. Par contre, dans son arrêt 11 janvier 2005, Stadt Halle et RPL Lochau, C‑26/03, la Cour a jugé que l’appel à la concurrence n’est pas obligatoire dans l’hypothèse où l’autorité publique, qui est un pouvoir adjudicateur, exerce sur l’entité distincte cocontractante  un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services et où cette entité réalise l’essentiel de son activité avec la ou les autorités publiques qui la détiennent.

83. -Par conséquent, il y une préoccupation en ce que la création de structures d´intercommunalité par les communes pour la fourniture de services publics communs pourrait aller aussi à l´encontre du droit communautaire (dans le domaine des contrats administratifs, des marchés publics et de la défense de la concurrence) surtout par le biais d´une interprétation et application maximaliste de ces normes.

84.- A notre avis, la possibilité que le Droit de l´Union Européenne puisse constituer un obstacle au développement de l´intercommunalité en Europe est mineure, puisqu´il faut distinguer nettement entre le problème posé par les entreprises publiques municipales d´une part et par les organismes spécifiques de coopération intercommunale de l´autre. Bien que les normes communautaires sur la concurrence puissent frapper les premières, l´impact apparaît mineur dans les deuxièmes. La raison est que le Droit Communautaire ne s´oppose pas (et ne peut pas s´opposer) à la technique de l´intercommunalité, en raison du principe d´autonomie institutionnelle des états membres, tel qu´il découle de la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes. Les structures organiques - administratives des états membres sont déterminées exclusivement par le Droit interne. Par conséquent, et en raison du principe d´autonomie institutionnelle, le Droit communautaire ne peut avoir un impact restrictif sur la décision d´auto-organisation de créer un organisme public spécifique pour la coopération intercommunale. Cette décision autonome et libre est, on pourrait le dire, une manifestation de la « souveraineté » de la compétence d´autodétermination organique.

85.- De plus, il faut souligner qu´entre les communes fondatrices et l´organisme de coopération (par exemple, un syndicat ou une association de communes) il n´y a pas de contrat ni de convention, ni une commande ou commission de service, ou même de rétribution, on ne peut pas parler vraiment d´attribution d´un marché public. L´organisme de coopération reçoit par l´acte fondateur, c´est à dire, par délégation intersubjective, la responsabilité de la fourniture du service envers les citoyens. En plus, souvent la technique de l´intercommunalité s´applique dans les domaines de services dits « régaliens » (éducation, sécurité, etc.) qui peuvent être exclus des dispositions sur la concurrence. Evidemment, une fois que cet organisme a été créé, il devient un « pouvoir adjudicateur » à part entière, dans le sens de l´alinéa 9 de l´article 1 de la Directive  2004/18/CE du 31 mars 2004 (JO 30.4.2004). Sur la base de cette analyse synthétique de l´état de la question, il est raisonnable de conclure que le Droit communautaire ne devrait pas constituer un obstacle majeur au développement de l´intercommunalité, tout en respectant, bien entendu, le droit communautaire de la compétence et de la passation des marchés publics.


7.         PERSPECTIVES FUTURES

86.- Les perspectives sont en général très positives quand à la future extension de l´intercommunalité en Europe. Dans les pays du Centre et de l´Est de l´Europe, les experts du GEI pronostiquent en général un bel avenir pour l´intercommunalité, étant donné qu´ils la voient comme une démarche non seulement bénéfique, en terme d’économie de gestion et d’efficacité, mais presque inévitable (Croatie). En Lettonie, plusieurs enquêtes ont montré ces dernières années un retournement d’opinion parmi les élus locaux quand aux avantages et inconvénients respectifs de la fusion des communes et de la coopération intercommunale. En 1998, seule une minorité pensait que la coopération intercommunale pouvait remplacer la fusion de communes, tandis qu´en 2005 c´était une majorité d´élus qui penchaient en faveur de la coopération.

87.-   Cependant, quelques experts du GEI ont exprimé leurs doutes ou leurs préoccupations, en signalant des facteurs qui pourraient aller à l´encontre de l’essor de l´intercommunalité. Dans certains pays, des réformes en cours ont pour objet de réduire le nombre de communes, au moyen de la fusion de ces collectivités (Danemark ou Suède). D´autres experts (cas allemand) signalent aussi le phénomène de la privatisation des prestations de service public des collectivités territoriales, qui risque aussi de se substituer à la coopération intercommunale.

88.-  Enfin, dans quelques pays le thème de la coopération intercommunale se trouve encore à un stade initial du débat parce que la décentralisation est encore un phénomène récent. Là (par exemple, en l´ex-République Yougoslave de Macédoine), les experts observent : (a) d´une part, la manque de données systématisées sur le phénomène de l´intercommunalité ; (b) une tendance vers la privatisation des services publics municipaux, ce qui, en tant qu´alternative d´organisation et de management public, pourrait aller à l´encontre du développement de l´intercommunalité ; (c) une certaine lacune juridique, étant donné que la coopération intercommunale se développe sans qu´il y ait un cadre juridique clair, et elle se canalise sous la forme de conventions inter-administratives.

89.-  Pour d´autres spécialistes, l´intercommunalité est arrivée à son point de saturation, et ils estiment qu´une augmentation de la coopération n´apporterait peut-être aucune valeur ajoutée du point de vue administratif ou financier (c´est le cas de la Finlande). Il y a aussi un certain pessimisme en Géorgie, où l´établissement des districts ou de nouvelles structures territoriales supra-communales risque d´asphyxier toute possibilité de développement de l´intercommunalité.

90.-  Quoi qu’il en soit, les organisations internationales devraient pouvoir fournir une assistance technique particulière aux pays où la coopération intercommunale est appelée à être développée, soit qu’elle s’impose comme une nécessité pour le renforcement de la gestion des projets et des finances publiques au niveau local soit comme alternative à la fusion ou la privatisation.

8.         RECOMMANDATIONS

91. Sur la base des considérations précédentes, et sous l´angle de divers articles de la Charte Européenne de l´Autonomie Locale (4.3, 4.4, 6.1, 8 et 10.1), il est possible de formuler les suivantes recommandations :

i.- La coopération intercommunale devrait être encouragée et soutenue par les autorités nationales, fédérales ou fédérées compétentes. Cette recommandation vise tout spécialement les pays qui ne possèdent pas encore de tradition dans le domaine de la coopération intercommunale ;

ii.- Dans les pays qui n´ont pas de cadre juridique spécifique permettant la coopération intercommunale, des initiatives devraient être prises en vue d´établir une référence normative claire et accessible pour le développement de la coopération intercommunale ;

iii.- Dans les pays qui possèdent un tel cadre, il devrait être harmonisé et mis à jour afin de faciliter la coopération intercommunale ;

iv. – Les autorités compétentes des pays membres du Conseil de l´Europe devraient être encouragées à développer une stratégie politique en vue du renforcement de l´intercommunalité ;

v. – Les autorités nationales, fédérales ou fédérées compétentes devraient favoriser et renforcer le rôle des habitants des collectivités locales dans la procédure de création des organismes spécifiques de la coopération intercommunale. De même, cette participation devrait être effective tout au long de la vie de l´organisme public ou privé, et à l´occasion de sa liquidation ;

vi.- Les autorités nationales compétentes devraient développer les techniques et procédures adéquates en vue de favoriser la bonne gouvernance et la transparence dans la prise de décision et le fonctionnement des organismes spécifiques de la coopération intercommunale ;

vii.- La coopération intercommunale ne devrait être imposée que dans les cas ou cette possibilité est explicitement prévue dans la loi, et après avoir consulté les communes affectées. Notamment, l´intégration obligatoire d´une commune dans un organisme spécifique de coopération (syndicat de communes ou autre) ne devrait être possible que pour des raisons objectives d´intérêt supra-communal, dûment spécifiées dans la loi, et après avoir consulté les communes affectées ;

viii.- Les normes et principes de transposition du droit communautaire en matière de concurrence,  de passation de marchés publics et de contrats administratifs devraient être harmonisées en vue de souligner que lesdites dispositions ne s´appliquent pas au phénomène de la coopération intercommunale qui donne lieu à la création d’un organisme public spécifique de coopération intercommunale (syndicat ou autre) ;

ix.- Les autorités nationales, fédérales ou fédérées compétentes devraient entamer une analyse des coûts et des avantages comparatifs entre intercommunalité, fusion et privatisation de services publics avant de prendre une décision de privatisation de services ou de fusion de communes ;

x.- Les autorités compétentes devraient considérer la possibilité de collecter des données et d´élaborer des statistiques sur la coopération intercommunale, en vue d´évaluer son importance réelle, ainsi que la nécessité ou l’opportunité de la renforcer.


ANNEXE I

Les formes les plus importantes de coopération intercommunale

(réponses à la question numéro 13 du questionnaire)( *)

PAYS

NOM

Allemagne

Zweckverband

Gemeindeverwaltungsverbände,

Verwaltungsgemeinschaften

Amt

Verbandsgemeinde

Autriche

Verwaltungsgemeinschaft,

Gemeindeverband

Arménie

Mighamajnkajin miavorum

Azerbaïdjan

Municipal associations

(information fournie en Anglais)

Bosnie-Herzégovine

Union of municipalities and cities

(information fournie en Anglais)

Bulgarie

Inexistantes

Croatie

Udruge

Danemark

Kommunale faellesskaber

Espagne

Mancomunidades municipales

Areas metropolitanas

Estonie

Kohaliku omavalitsuse üksuste liit,

Ühisasutus

Finlande

Kuntayhtymä

France

Plusieurs formes, d´EPCI, dont : -communauté urbaine

- communautés de commmunes

- syndicat de communes

Géorgie

Inexistantes

Grèce

sundesmoi

sympoliteies

Italie

Consorzi

Unione di Comuni

Lettonie

Pas de terminologie spécifique

Liechtenstein

Konferenz der Bürgermeister

Gemeindestiftungen

Gemeindevereingungen

Verbände (ex : Abfallverband)

Luxembourg

Syndicat de communes

« ex-République yougoslave de Macédoine »

Zaednicki fondov,

Zednicki sluzbi et

Zaednicki administracii

Norvège

Interkommunalt samarbied,

Kommunalt foretak

Pays-Bas

Openbaar lichaam,

Gemeenschappelijk orgaan

Centrumgemente

Portugal

Grandes áreas metropolitanas,

Comunidades urbanas

Comunidades intermunicipais de fins gerais

République Tchèque

Svazek obcí

Roumanie

Typologie non prévue dans la loi

Royaume Uni

Joint Board

Joint Authority

Russie

Local government associations

(information fournie en Anglais)

Slovaquie

Združenie

Slovénie

Organi skupne uprave,

Skupni organi upravljanja,

zveza obcin

Suède

Gemensam nämmd

Kommunalförbund

Suisse (*)

Sitzgemeindemodell,

Öffentlich-rechtlicher Gemeindeverband/Zweckverband

Öffentlich-rechtliche Anstalt

Stiftungen

Agglomération

Turquie

Koyë hizmet götürme birligi 

Ukraine

Pas de terminologie spécifique

(*) Ce tableau se borne à reprendre les structures spécifiques de coopération intercommunale qui ont la nature d´organisme administratif ou de droit public.

(**) Pas dans tous les cantons


Annexe II

Questionnaire

« Cadre institutionnel de la coopération intercommunale »

établi par le Professeur Angel-Manuel MORENO,

Université Carlos III de Madrid, Espagne

I.          INTRODUCTION

L´analyse traditionnelle des collectivités locales répond à une perspective plutôt « subjective », où chaque commune représente une unité qui gère les affaires de populations plus ou moins regroupées, sans connexion les unes avec les autres. Aujourd´hui, en revanche, de nouvelles perspectives d´analyse s´imposent, comme celle « fonctionnelle », dans laquelle les communes ne travaillent plus de façon isolée, mais en ligne ou en réseau, pour satisfaire à des demandes sociales croissantes et de plus en plus complexes, ainsi qu’aux besoins d´une population mobile ou trop fragmentée (grandes agglomérations urbaines, population trop dispersée dans la campagne, etc.).

Dans cette perspective, la coopération intercommunale est ainsi devenue un sujet d´une importance croissante dans le panorama actuel des collectivités locales en Europe. Plusieurs raisons générales justifient ce développement, outre les circonstances particulières de chaque pays, qui devront être explorées dans ce questionnaire. D´une part, les communes doivent fournir des services publics de plus en plus nombreux et chers, avec des ressources trop souvent insuffisantes. Elles se voient dans la nécessité de coopérer entre elles, à fin de mettre en commun leurs moyens pour bénéficier de synergies et d’ économies d´échelle. Dans d´autres cas, il s´agit de satisfaire des besoins ou de résoudre des problèmes présentant une portée géographique qui dépasse le territoire de la commune ou qui touche plusieurs communes voisines et limitrophes. D´autre part, les courants actuels qui soulignent l´importance de l´efficacité dans l´action administrative mettent en avant des formes nouvelles et « imaginatives » de prestation de services publics, où la coopération intercommunale, en tant que prestation « en ligne » ou en réseau, permet d´optimiser les ressources publiques.

Le développement de la coopération intercommunale semble être également lié avec le problème de l´émiettement communal. Cette situation, présente dans plusieurs pays, découle d’évolutions  bien connues : exigences démocratiques, uniformité comme moyen d´assurer l´égalité, etc. Cependant, dans la plupart des pays, l´émiettement communal a des inconvénients très graves, parmi lesquels une insuffisance chronique pour assurer la prestation des services publics communaux, ce qui entraîne à son tour d´autres effets encore plus néfastes pour les collectivités locales : comme par exemple la décision du législateur de placer les services communaux traditionnels dans les mains d´autres administrations territoriales (la région, le Land, etc.). Etant donné que les projets de fusion des communes ont souvent échoué dans la plupart des pays, la coopération intercommunale est considérée comme le remède le moins traumatique à une situation qui semble à la fois irrationnelle et inamovible. Dans certains pays, la vitalité de la coopération intercommunale ne serait peut-être que la preuve de l´existence de l´émiettement communal ?.

Il découle de tous ces facteurs que les collectivités locales se trouvent actuellement poussées d´une façon quasiment irrésistible vers la coopération, la collaboration, et même l´association. Cependant, l´intercommunalité pose aussi d´autres problèmes non négligeables, de nature politique ou sociologique : opacité des structures bureaucratiques, partage ou absence même de responsabilité politique directe pour la gestion des services publics, manque de légitimité démocratique directe, etc.

En plus de l´importance « sociologique »  du phénomène de l´intercommunalité, la propre Charte Européenne de l´Autonomie Locale lui accorde une place significative dans son texte. D´une façon implicite, la coopération est présente dans l´article 4, en tant qu’un moyen d´exercer des compétences et de fournir des services, et pour laquelle la décision ou le choix même de mettre en œuvre la coopération est considérée comme une manifestation de l´autonomie locale. D´autre part, l´article 6 reconnaît aux communes le droit de définir elles-mêmes les structures administratives qui permettent une gestion efficace. Bien que cet article parle de « structures internes », il est clair à notre avis que cette autonomie d´organisation peut parfaitement s’appliquer à des structures « externes ». Mais, d´une façon explicite, l´article 10.1 porte sur la coopération entre les collectivités locales et leur droit de s´associer, en vue « de renforcer leur efficacité par des projets de collaboration ou de mener à bien des missions qui dépassent la capacité d´une collectivité seule » (rapport explicatif, page 18). D´autre part, l´alinéa 3 du même article porte sur la coopération transfrontalière, une matière qui en plus a fait l´objet d´une convention spécifique du Conseil de l´Europe, la Convention - cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales (STCE n° 106), ou Convention de Madrid de 1980. Or, l´article 10.1 n´a pas jusqu´à présent fait l´objet d´une enquête spécifique de la part du groupe d´experts indépendants.

Tout cela justifie largement que le groupe travaille en vue d´établir un rapport général sur l’application de la Charte dans le domaine de la coopération au niveau local. Ce questionnaire cherche à fournir un guide pour l´exploration en commun sur la situation et le cadre institutionnel de l´intercommunalité dans nos pays, ainsi que pour réfléchir ensemble sur la portée et dimension de ce phénomène.

II.         PORTÉE ET ORIENTATION DU QUESTIONNAIRE

Ce questionnaire porte sur la coopération entre communes stricto sensu. Par conséquent, les suivantes questions ne devraient pas être traitées:

          les associations représentatives des communes, comme par exemple les associations nationales ou régionales et celles qui ont pour but principal la protection et la promotion de leurs intérêts. Ces associations son visés par l´article 10.2 de la Charte, et non par l´article 10.1.

          la coopération entre les communes et d´autres administrations publiques territoriales, comme l´administration d´Etat ou la régionale

          la coopération entre les collectivités locales de « deuxième niveau », comme les provinces, districts, départements, Kreis, etc.

          la fusion des communes, étant donné que ce phénomène dépasse largement le but de la coopération.

Quand à la coopération communale transfrontalière, il est clair que l´on devra faire référence à ce sujet, mais tout en tenant en compte qu´il s´agit d´une matière réglée spécifiquement par une autre Convention. Le traitement et les réponses sur ce point devront être le plus synthétiques que possible.

QUESTIONNAIRE

I.

LA COOPÉRATION INTERCOMMUNALE :  SITUATION GÉNÉRALE ET PERSPECTIVES

Le but de cet alinéa est de se rendre compte de la situation actuelle de la coopération intercommunale dans chaque pays et d’en vérifier également le niveau de développement et sa performance. La description des structures et les détails de l´intercommunalité sont analysés dans les alinéas suivants. Cet alinéa est donc une approche générale, d’ordre plutôt sociologique ou politique, du phénomène de l´intercommunalité.

1.

Quel est l´importance et la dimension de la coopération intercommunale dans votre pays (en termes de poids économique et institutionnel)? S’appuie t’elle sur une forte tradition ou bien s´agit-il d´un phénomène récent ?

2.

Si la coopération intercommunale a un poids important dans votre pays : quelles sont les raisons qui expliquent ce développement ? Dans quelle mesure existe-t-il des raisons favorables spécifiques à votre pays, par rapport aux autres pays ? Si en revanche la coopération intercommunale a une importance mineure : quelles sont les entraves ou les obstacles (juridiques, politiques, d´autres) qui empêchent son développement?

3.

Quelles sont les matières ou les domaines où la coopération intercommunale est la plus utilisée/courante ?

4.

La coopération intercommunale est-elle encouragée/favorisée par l´Etat/Région, ou bien s´agit-il d´un mouvement spontané et initiée par les collectivités locales ?

5.

La coopération intercommunale est elle basée sur le volontarisme des collectivités, ou bien peut-elle être imposée d´une façon obligatoire par la Loi ou par des Administrations situées à un échelon au dessus d’elle » (Etat/Région) ? Dans quels cas et comment cela est il justifié?

6.

Quelles sont les perspectives futures de la coopération intercommunale dans votre pays ?

II.

LE CADRE INSTITUTIONNEL GENERAL DE L´INTERCOMMUNALITÉ

L´objet de cet alinéa est d´explorer et de décrire les grandes lignes des mécanismes et des formes les plus courantes de la coopération intercommunale. L´angle d´analyse est juridique.

7.

Dans votre pays, les collectivités locales ont-elles le « droit » ou la capacité juridique de coopérer et/ou de s´associer avec d´autres pour l´exercice commun de compétences et de services? Ce droit/compétence est-il reconnu d´une façon explicite par la loi ou bien provient-il de la tradition historique? Identifiez les articles/normes correspondantes.

8.

Quels types de collectivités locales disposent de ce droit ? Seulement les communes ? D´autres collectivités locales de base ? quid des collectivités locales de « deuxième niveau » comme par exemple les provinces/départements/counties, etc. ? Bien que ce questionnaire porte exclusivement sur la coopération entre les communes stricto sensu, il est important de savoir si le système juridique interne reconnaît aussi ce droit à d´autres types de collectivités locales.

9.

Le régime juridique de la coopération intercommunale est-il dans votre pays fortement réglementé, ou bien est-il déterminé de manière « ad hoc » par la décision des communes partenaires? Dans le premier cas, la réglementation est-elle uniforme dans tout le pays ou y a-t-il au contraire plusieurs cadres institutionnels ?

10.

La coopération intercommunale peut-elle se présenter dans votre pays sous  une seule forme ou un type de structure, ou bien y a-t-il un éventail de choix possibles ? Les communes ont-elles le droit de choisir la forme qu´elles jugent la plus convenable ou une forme concrète peut-elle au contraire être imposée par la loi ou par une Administration située à un échelon au dessus d’elles » (Etat, Région, etc.) ?

La coopération intercommunale peut prendre des modalités variées. À notre avis, la plus simple est la convention intercommunale, où même la collaboration ou l’assistance mutuelle de facto. A l´autre extrême, il peut y avoir la création de structures administratives spécifiques, qui émanent des communes partenaires et deviennent un organisme a part entière (voire autonome ?). Le but de cette question est tout simplement d´identifier ces modalités/structures différentes, dont la nature et les caractéristiques seront exposées plus bas.

11.

La typologie des formes et des mécanismes de coopération : s´il y a plusieurs modalités de coopération intercommunale possibles, veuillez fournir le nom (dans votre langue) et une courte description de chacune. Quels sont, d´après vous, les avantages et les inconvénients de chaque modalité, selon l´opinion dominante dans votre pays ?

12.

Les communes ont-elles l´autonomie suffisante pour signer entre elles des conventions, des accords ou des contrats visant à la coopération intercommunale ? Dans quels cas ? Ces conventions doivent-elles être autorisées par une administration située à un échelon au dessus des communes ? Quelle est l´importance relative de cette modalité de coopération ?

En dehors de la possibilité de mettre en place des structures administratives spécifiques (qui restent le sujet des questions 13 à 21), les communes peuvent coopérer par d´autres moyens, par exemple par des conventions, accords ou contrats. Le but de cette question est d´explorer la coopération intercommunale quand elle n´entraîne pas la création d´un établissement ou d’une structure administrative permanente. Attention : le jumelage est traité par la question numéro 22.


III.

LES STRUCTURES ADMINISTRATIVES SPÉCIFIQUES DE L´INTERCOMMUNALITÉ

Dans plusieurs pays, la loi reconnaît aux communes la capacité ou le droit de créer des structures administratives « ad hoc » pour la coopération et la gestion en commun (par exemple, le « syndicat intercommunal » en France) Ces structures  sont de véritables établissements ou organismes publics, voire des collectivités locales elles-mêmes, qui peuvent avoir leur propre personnalité juridique, différente et indépendante de celles des communes qui les ont créées. Le but de cet alinéa est d´explorer les caractéristiques de ces organismes.

Attention : Si dans votre pays la typologie est trop étendue, veuillez répondre aux questions 16 à 21 en ciblant uniquement les types de structure ou d´établissements les plus représentatifs ou les plus répandus.

13.

Les communes ont-elles le droit de créer des établissements ou des organismes publics pour la coopération intercommunale? Si oui, identifiez le nom et la fonction de chaque type (exemple : Syndicat intercommunal, communauté urbaine, association de communes, etc.)

14.

Quels sont les domaines , les travaux publics ou les prestations de services pour lesquels ces établissements sont d’habitude mis en place ?

15.

S´il y a des données statistiques plus ou moins centralisées sur les organismes de coopération intercommunale dans votre pays (Ministère de l´Administration Publique, de l´Economie, Régions, etc), pouvez vous fournir des informations concernant (a)  leur nombre total et leur type ou classe d´établissement; (b) la tendance ou évolution des chiffres.

16.

Les organismes de la coopération intercommunale sont-ils établis par la simple volonté des communes partenaires ou bien doivent-ils être aussi reconnus/autorisés/enregistrés par une Administration « supérieure » (Etat/Région) ? Ont-ils la condition de collectivité locale à part entière ?

17.

Quel est l´organe de la commune qui est compétent pour adopter les décisions précises pour établir un tel organisme ? Quel est le rôle des habitants de la commune dans la procédure de création de l´organisme ? Est-ce qu´il y a des conditions minimales requises par la législation pour créer de tels établissements ?

18.

Décrivez les grandes lignes de l´organisation typique des organismes de coopération intercommunale les plus courants, en faisant attention à la forme de désignation ou d´élection de l´exécutif. Est-ce que cette organisation interne est déterminée par la loi, par les communes créatrices, ou bien ces organismes disposent-ils aussi d´une liberté d´auto organisation ?

19.

Comment ces organismes sont-ils financés ? Peuvent-ils obtenir des ressources propres aux moyens (par exemple) de redevances ou de tarifs publics ?

20.

Quels types de contrôle sur l´activité de ces organismes est-il exercé par les communes qui les ont crées ? Quel est le degré d´autonomie des organismes de coopération vis-à-vis des communes partenaires ?

21.

Dans quels cas et suivant quelle procédure les communes créatrices peuvent-elles décider de dissoudre les organismes de coopération intercommunale ?

IV.

LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE

L´objet de cet alinéa est d´explorer les formes de coopération intercommunale dans un contexte transfrontalier, bien qu´il faudra tenir compte du fait que c´est un sujet couvert par une Convention spécifique, et que la réponse à la question 23 devra être synthétique

22.

Votre pays a-t-il signé/ratifié la convention cadre en matière de coopération transfrontalière des collectivités territoriales, ainsi que ses protocoles ?

23.

Pour ce qui concerne strictement les communes : Quel est le degré de développement de cette coopération dans votre pays? Dans quelles matières la concertation transfrontalière est-elle plus habituelle ? Les accords transfrontaliers entre communes doivent-ils être autorisés par une Administration située au dessus de la commune (l´Etat, la Région, etc.) ?

V.

DIVERS

24.

Merci de développer d´autres questions ou points qui n’ont pas été traités dans ce questionnaire et qui vous semblent importants. (Par exemple, des formes de coopération spécifiques ou particulières, qui ne sont pas traitées dans les questions précédentes)



[1] La coopération intercommunale est présente aussi, implicitement, à l´article 4 de la Charte, puisqu´elle peut être considérée comme un moyen d´exercer des compétences et de fournir des services, et la décision ou le choix même de mettre en œuvre la coopération sont considérés comme une manifestation de l´autonomie locale. D´autre part, l´article 6 de la Charte reconnaît aux communes le droit de définir elles-mêmes les structures administratives qui permettent une gestion efficace. Bien que cet article se réfère aux « structures internes », cette autonomie d´organisation peut s’appliquer par analogie à des structures « externes ».

[2]  M. Guégan a participé au 19e Séminaire et à la Réunion Générale du Réseau européen de formation des collectivités territoriales (ENTO) sur le thème de la coopération intercommunale à Osijek (Croatie) du 18 au 20 octobre 2006.

[3] Cfr. Article 86 tu Traité de la Communauté Européenne, la Communication de la Commission sur « les services d´intérêt général en Europe », de l´an 2000 (JO 01/C/17/04) et le Livre Vert sur les services d´intérêt général en Europe du 21 mai 2003 (COM (2003)270)