COMMISSION INSTITUTIONNELLE

DOCUMENT PUBLIC

CG/INST (12) 3

Strasbourg, le 19 octobre 2005

RAPPORT D’INFORMATION

SUR LA DÉMOCRATIE LOCALE ET LA PARTICIPATION DES NON-CITOYENS À LA VIE PUBLIQUE ET POLITIQUE LOCALE EN LETTONIE      

Rapporteuse :

Kathryn SMITH (UK, L, SOC),

Document approuvé par la Commission institutionnelle du Congrès

à la réunion du 7 octobre 2005


I           INTRODUCTION

1.         Depuis 1994, le Congrès applique un programme systématique de monitoring de l’état de la démocratie locale et, là où il y a lieu, régionale, dans les États membres du Conseil de l’Europe. Dans tous les cas, ce monitoring est effectué par un ou deux rapporteurs nommés par la Commission institutionnelle du Congrès (des Pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe) ou de la chambre appropriée, assistés dans leur tâche par un membre du Comité d’experts indépendants de la Charte européenne de l’autonomie locale. Se fondant sur le rapport de suivi, une recommandation aux autorités nationales concernées est adoptée. Le monitoring est effectué et les rapports et recommandations sont élaborés principalement à la lumière des principes et des normes de la Charte européenne de l’autonomie locale (1985).

2.         Un rapport de monitoring relatif à la Lettonie a été réalisé en 1997-1998 conformément à ce système. En mai 1998, le Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe a adopté la Recommandation 47 (1998) sur la démocratie locale et régionale en Lettonie. Cette  recommandation contient un certain nombre d’observations relatives au respect de la Charte par la Lettonie et aux possibilités d’évolution de la démocratie locale dans ce pays, telles la possibilité pour les non-citoyens de participer à la politique locale.

3.         Lors de sa réunion du 22 avril 2004 à Saint-Gall en Suisse, la Commission institutionnelle du Congrès a demandé au Secrétariat de présenter un document d’information sur la participation des non-citoyens à la vie politique au niveau local en Lettonie, sur la base des activités du Conseil de l’Europe de ces dernières années (Assemblée parlementaire, Commissaire des droits de l’homme). Le document ainsi établi (CG/INST (11)8, 20 octobre 2004) indiquait dans sa conclusion :

4.         « Eu égard de ce qui précède, la Commission institutionnelle suggère que le Congrès prépare en 2005 un rapport d’information sur la démocratie locale en Lettonie. Un chapitre spécial de ce rapport peut être consacré à l’évaluation de la participation des non-citoyens à la vie publique et politique locale et notamment aux scrutins électoraux. »

5.         Suite à une proposition de la Commission institutionnelle, le Bureau du Congrès a adopté le mandat relatif à ce rapport d’information. Mme Kathryn Smith (Royaume-Uni) a été nommée rapporteuse du Congrès et chargée de l’élaboration de ce rapport, relatif à la démocratie locale en Lettonie et au droit des non-citoyens de participer à la vie politique et publique locale, notamment aux élections. Il a été demandé au Professeur Eivind Smith (Norvège), Vice-président du Comité d’experts indépendants de la Charte européenne de l’autonomie locale, d’assister Mme Kathryn Smith dans cette tâche. Mme Pilar Morales (Secrétariat du Conseil de l’Europe) a fourni une assistance à la préparation de la visite principale de la délégation du Congrès en Lettonie et a également aidé au bon déroulement de cette visite.

6.         Les 15, 16 et 17 juin 2005, la délégation s’est rendue à Riga, capitale de la Lettonie, afin d’y rencontrer un certain nombre de représentants de la Saeima, ou Parlement, du gouvernement, du Bureau letton des droits de l’homme, de communes (notamment de l’Union des gouvernements locaux et régionaux de Lettonie) et d’ONG. Le programme de la visite figure à l’Annexe 1.

7.         Au cours d’une seconde visite à Riga le 29 août 2005, d’ordre technique, ayant pour but de compléter les informations réunies durant la visite de la délégation complète en juin, l’expert, M. Eivind Smith, a rencontré M. Arvids Pilegis (Secrétaire d’État), M. Artis Stucka (Directeur des affaires juridiques) et Mme Kristine Jaunzeme (du Service de l’évaluation des règlements) du Ministère du développement régional et des gouvernements locaux, M. Andris Jaunsleinis (Président), Mme Ligita Zagesta (Secrétaire générale) et Mme Evita Grzibovska (conseillère) de l’Union des gouvernements locaux et régionaux de Lettonie.

8.         Il importe de rappeler que le Congrès a demandé l’élaboration d’un rapport d’information et non pas d’un rapport complet de monitoring. Cette restriction a été soulignée lors de la préparation de la visite d’information à Riga et lors de cette visite elle-même, ainsi qu’aux différentes étapes de la collecte de documentation écrite. D’une part, cela signifie que le champ du rapport se limite aux questions ayant conduit à la décision de préparer le texte de la Recommandation 47 (1998) sur la démocratie locale et régionale en Lettonie et au suivi des thèmes qu’elle aborde, et d’autre part, que le libre choix de la forme du rapport donne au Congrès toute discrétion pour effectuer le suivi des faits et conclusions présentés.

            CONTEXTE

9.         La République de Lettonie couvre un territoire de 64 000m2. En avril 2005, elle comptait près de 2,3 millions d’habitants, dont la moitié environ vit à Riga ou dans ses alentours.

10.       Le nombre de résidents étrangers (citoyens d’autres pays) est de 35 431 et le nombre de non-citoyens (résidents lettons dépourvus de la citoyenneté lettone) de 442 565. Selon les statistiques fournies par le Service des naturalisations, actualisées au 1er avril 2005, les habitants d’origine lettone représentent 58,9% de la population totale (soit 1 353 474 personnes), alors que les Russes (28,6% de la population), les Biélorusses (3,8%) et les Ukrainiens (2,6%) en représentent globalement 35% (soit 804 558 personnes) ; ces 35% sont fréquemment désignés, de façon quelque peu abusive, comme le groupe des « russophones ». Les groupes d’origine non lettone comprennent les Polonais (2,4%) et les Lituaniens (1,4%). Du nombre total de résidents non originaires de Lituanie et dépourvus de toute nationalité, environ la moitié  (440 376 personnes sur 901 221) sont des « non-citoyens ».

11.       Dans une large mesure, le caractère multiethnique de la population de la République de Lettonie est dû aux migrations qu’a connues le pays après 1940 et l’instauration du régime soviétique. Alors que 75,5% de la population était d’origine lettone en 1935, elle s’était réduite à 52% en 1990. Il convient de garder ces faits, ainsi que certains épisodes de l’histoire récente du pays auxquels ils sont liés, présents à l’esprit si l’on veut comprendre les problèmes administratifs et politiques contemporains de la Lettonie.

12.       La Constitution (Satversme) de la République de Lettonie a été adoptée en 1922 et intégralement restaurée en 1993, une fois le pays redevenu indépendant de l’Union soviétique (en 1991). Même si l’instauration de gouvernements autonomes a été au centre des préoccupations du pays durant les toutes premières années de transition, la Lettonie reste un État constitutionnellement unitaire. Depuis mai 2004, la Lettonie compte parmi les pays de l’Union européenne.

13.       La législation prévoit l’établissement de gouvernements autonomes dirigés par des conseils élus au suffrage direct. En juin 2005, la Lettonie dénombrait 530 communes, dont 444 communes rurales, 53 villes de taille moyenne, 7 villes importantes dotées de compétences élargies et 26 jeunes agglomérations. Des discussions approfondies sur la structure de l’autonomie locale en Lettonie ont été menées ces dernières années, et un programme de limitation substantielle du nombre de communes a été mis en œuvre, sans grand résultat toutefois.

14.       La Lettonie compte 26 districts (dont 7 grandes villes décentralisées) dirigés par des conseils élus au suffrage indirect ; des discussions ont eu lieu sur l’opportunité d’une éventuelle réduction du nombre de districts. De plus, l’idée d’adopter une législation séparée sur le statut de la capitale a été émise. Mais la délégation du Congrès du Conseil de l’Europe a quitté Riga peu convaincue de l’adoption prochaine de telles réformes.

III         ÉVOLUTION DE L’ÉTAT DE L’AUTONOMIE LOCALE EN LETTONIE DEPUIS L’ADOPTION DE LA RECOMMANDATION 47 (1998)  DU  CONGRÈS

15.       Après sa ratification, la Charte européenne de l’autonomie locale est entrée en vigueur en Lettonie le 1er avrilˆ1997. Cependant, le gouvernement a choisi de ne pas ratifier les articles 6.2, 7.2, 9.4 et 9.8 de la Charte, qui concernent respectivement les conditions de service et de recrutement du personnel des collectivités locales, la compensation financière des frais entraînés par l’exercice du mandat des élus locaux, la nature des systèmes financiers sur lesquels reposent les ressources à la disposition des collectivités locales, et l’accès des collectivités locales au marché national des capitaux.

16.       Le statut juridique global des collectivités locales autonomes de Lettonie ne semble pas avoir subi de modification majeure depuis le monitoring de 1997-98, dont le but était de vérifier l’application de la Charte européenne de l’autonomie locale. Afin de limiter le volume du rapport, nous nous concentrerons donc sur les observations (de non-respect de la Charte) consignées dans la Recommandation 47 (1998) du Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux d’Europe.

17.       Depuis l’adoption de la Recommandation 47 (1998), les trois premières des quatre restrictions lettones à l’application complète de la Charte ont été formellement levées à la suite de modifications en ce sens de la législation lettone sur l’autonomie locale. Nous considérons qu’il s’agit là d’une évolution favorable.

18.       Entre autres évolutions positives, il convient de mentionner tout d’abord le fait qu’un système de péréquation financière basé sur des critères objectifs semble avoir été institué par la Loi de 1998 sur la péréquation des ressources financières des collectivités locales, supprimant ainsi, d’une certaine manière, une grande partie du pouvoir discrétionnaire du gouvernement central déploré par la Recommandation 47 (1998) au paragraphe 6b). En second lieu, l’émergence d’un système performant de consultation (entre autres choses sur des projets de lois de natures tout à fait diverses) et de négociations pertinentes sur la situation financière des conseils locaux entre l’Union des gouvernements locaux et régionaux de Lettonie – au nom des gouvernements locaux – et les divers paliers du gouvernement central, conformément aux dispositions du Chapitre XI de la Loi de 1994 sur les collectivités locales et autres instruments juridiques, mérite une attention tout à fait particulière (voir Recommandation 47 (1998), paragraphe 7a).

19.       Toutefois, concernant les autres secteurs du système financier, la situation ne semble pas avoir beaucoup changé depuis l’adoption de la Recommandation 47 (1998). Tout d’abord, les conseils locaux n’ont toujours pas le droit d’emprunter à d’autres sources que le Trésor public ou que le marché des capitaux sans la permission expresse du gouvernement central. Ceci explique le maintien de la quatrième restriction de la Lettonie relativement à l’application de la Charte européenne de l’autonomie locale (article 9.8 sur l’accès au marché des capitaux). Et quant aux ressources financières dont les conseils locaux disposent, moins de 1% – en moyenne, mais plus à Riga, donc moins encore dans les autres régions du pays – provient de sources dont on peut aisément dire qu’elles leur sont « propres » (article 9.1 de la Charte), dans le sens où « ils ont le pouvoir de fixer le taux » (article 9.3). En fait, la quasi-totalité des ressources financières des collectivités locales de Lettonie provient d’impôts calculés en fonction des taux fixés par le gouvernement central ou par péréquation et autres formes de transferts, laissant peu ou pas de latitude aux conseils locaux pour adapter leurs revenus aux besoins de la communauté et à leurs responsabilités vis-à-vis d’elle.

20.       Dans ce contexte, nous conservons l’impression globale que « les propres ressources » des conseils locaux devraient constituer une part plus importante des ressources totales dont ils disposent (article 9.3 de la Charte) et qu’ils devraient jouir d’un accès plus libre au marché du capital pour le financement de leurs dépenses d’investissement (article 9.8 de la Charte). Voir la Recommandation 47 (1998), paragraphes 6a, 6c et 7b (sur l’autonomie financière).

21.       Malgré l’invitation expresse de la Recommandation 47 (1998) dans ce sens, les autorités lettonnes se sont abstenues d’amender la Constitution (Satversme) et d’y ajouter une disposition reconnaissant de manière positive le principe d’autonomie locale conformément à l’article 2 de la Charte européenne de l’autonomie locale. Elles n’ont pas non plus, au cours des deux visites de la délégation du Congrès du Conseil de l’Europe à Riga, exprimé la moindre intention d’amender la Constitution de manière à lui faire refléter, comme le stipule l’article 2, l’obligation de la Lettonie de reconnaître « le principe de l'autonomie locale […] dans la législation interne et, autant que possible, dans la Constitution ».

22.       Une des raisons mises en avant pour défendre cette position est la réticence à modifier une texte, la Satversme, possédant une valeur symbolique particulière pour la Lettonie post-soviétique (voir plus haut). Cet argument mérite certainement le respect, mais perd de sa force si l’on considère que, jusqu’ici, la Satversme a en fait été amendée sept fois depuis sa réactualisation en 1993. Il convient également de mentionner que les procédures formelles de modification de la Constitution sont moins compliquées en Lettonie que dans beaucoup d’autres pays d’Europe.

23.       En revanche, plusieurs dispositions présupposant explicitement l’existence d’« autorités locales » ou de « gouvernements locaux » comptent parmi celles introduites dans le texte de la Constitution depuis 1993 (articles 25,[1] 101[2] et 104[3]). La plus intéressante d’entre elles, dans la perspective de l’article 2 de la Charte européenne de l’autonomie locale, stipule même que « les gouvernements locaux sont élus par les citoyens lettons et les citoyens de l’Union européenne ayant le statut de résidents permanents en Lettonie » (article 101). De prime abord, cela ressemble beaucoup à une reconnaissance formelle du principe d’autonomie locale, incarné par des instances politiques (conseils) localement élues, au suffrage direct.

24.       Un examen plus approfondi peut cependant faire douter de cette vue. Même en admettant qu’il existe peu de différence entre les expressions « gouvernements locaux » et « gouvernements autonomes locaux » pour ce qui est de l’autonomie vis-à-vis du gouvernement central des corps élus localement au suffrage direct, il est possible de faire valoir que les dispositions de l’article 25 de la Satversme selon lesquelles les commissions de la Saeima « ont le droit d’exiger des […] autorités locales les informations et les explications nécessaires à l’exercice de leurs attributions, ainsi que d’inviter à leurs réunions des représentants responsables […] des autorités locales à titre informatif » sont moins conformes avec les exigences fondamentales de l’autonomie locale. Pour ces raisons, il semble raisonnable de conclure que la forme choisie pour reconnaître formellement « le principe d’autonomie locale » n’est pas tout à fait adéquate.

25.       De plus, l’objectif principal des dispositions de l’article 101 de la Satversme semble garantir la conformité avec l’obligation de la Lettonie en tant que membre de l’Union européenne d’ouvrir le droit de vote aux citoyens de l’UE au niveau local tout en excluant, explicitement quoique indirectement, la possibilité d’une telle ouverture aux résidents de Lettonie dépourvus de la citoyenneté lettone (notamment aux « non-citoyens »). Dans le même sens, l’article 101 garantit explicitement le droit de participer aux activités des collectivités locales à tout citoyen letton et à tout citoyen de l’UE résident permanent de Lettonie. Ainsi, non seulement le droit de vote au niveau local mais également le droit de participer aux activités des collectivités locales d’autres façons est explicitement, quoique indirectement, refusé même aux résidents permanents – parfois de toute une vie – de Lettonie dépourvus de la nationalité lettone.

26.       Ces dernières observations désignent la seconde tâche la plus importante de cette mission d’information (voir plus bas, Partie IV de ce rapport). Disons seulement que notre objectif est tout autre que la reconnaissance formelle du principe d’autonomie locale comme faisant partie intégrante du système letton de gouvernement.

27.       À ce jour, la forme de « reconnaissance » constitutionnelle choisie par la République de Lettonie semble bien inférieure à celle que l’on était en droit d’espérer si l’objectif principal des amendements de la Satversme avait été d’amener la Lettonie à honorer ses obligations aux termes de l’article 2 de la Charte européenne de l’autonomie locale. Cette observation s’aggrave du fait du maintien de l’article 58 de la Satversme, qui stipule que « les institutions administratives de l’État sont placées sous l’autorité du Conseil des ministres ». Si l’on considère la disposition de la Loi sur la structure de l’administration de l’État décrivant les administrations locales comme des sous-ensembles de « l’administration de l’État » (voir ci-dessous), il conviendrait de préciser explicitement dans la Satversme elle-même que les administrations autonomes locales ne sont pas « placées sous l’autorité du Conseil des ministres ».

28.       Selon l’article 2 de la Charte européenne de l’autonomie locale, le principe d’autonomie locale doit dans tous les cas être reconnu dans la législation nationale. Au niveau législatif, cette obligation a été adéquatement transcrite dans la Section 5, paragraphe 1 de la Loi de 1994 sur les collectivités locales[4], stipulant que ces dernières, dans le cadre de leurs compétences et de la loi, peuvent agir en toute indépendance.

29.       Aux termes de la Recommandation 47 (1998), paragraphe 5, les autorités parlementaires et gouvernementales de Lettonie devaient rendre la Loi du 19 mai 1994 sur l’autonomie locale totalement conforme à l’article 2 de la Charte européenne de l’autonomie locale, et cesser de considérer l’autonomie locale comme une forme de l’administration de l’État. Par amendement ultérieur, cette partie de la loi a été supprimée, de manière qu’aucune qualification de ce type n’y figure plus. Là aussi nous considérons cette évolution comme favorable.

30.       En revanche, la Loi de 2002 sur la structure de l’administration de l’État s’applique non seulement aux parties de « l’administration de l’État » dépendant du gouvernement (du Conseil des ministres), mais également aux « personnes publiques dérivées », que la loi elle-même définit comme « une administration locale ou une autre personne publique établie par la loi ou sur la base de la loi. » (Section 1.2). L’idée sous-jacente semble être que les administrations locales font partie intégrante de « l’administration de l’État » letton, dans le sens où elles sont incluses dans le système d’administration publique du pays. En tant que telles, elles sont liées par les principes généraux d’administration tels que ceux décrits à la Section 10 de la loi (respect des droits de l’homme, devoir d’agir pour le bien commun, etc.).

31.       La Loi sur la structure de l’administration de l’État indique clairement que si les administrations locales font partie intégrante de l’administration de l’État, cela ne signifie pas en soi qu’elles sont subordonnées au gouvernement de façon incompatible avec la Charte européenne de l’autonomie. Selon la Section 3 de cette loi, « les principes de l’administration de l’État et autres dispositions de cette loi s’appliquent également aux institutions non soumises à l’autorité du gouvernement, dans la mesure où aucune autre norme juridique spéciale ou loi ne stipule le contraire. » De plus, les définitions juridiques de la Section 1.2 indiquent déjà que toute « personne publique dérivée a été investie de sa propre compétence autonome par la loi, qui inclut également l’établissement et l’approbation de son propre budget. Cette personne peut avoir ses propres biens. »

32.       De ce qui vient d’être dit, il découle que si l’on souhaite déterminer plus précisément le statut des conseils locaux vis-à-vis de l’appareil d’État duquel on peut considérer – dans un certain sens – qu’ils font partie, il convient de chercher la réponse avant tout dans d’autres lois. En d’autres termes, « la forme et le contenu de la subordination institutionnelle des personnes publiques dérivées doit être déterminée par la loi par laquelle elles ont établies ou sur la base de laquelle elles ont été établies » (voir Section 8), notamment par la Loi de 1994 sur l’autonomie et la Loi de 1998 sur la péréquation des ressources financières des collectivités locales.

33.       Dans ce contexte, la soumission aux principes généraux de l’administration tels que stipulés dans la Loi sur la structure de l’administration de l’État peut difficilement être considérée en elle-même comme contraire aux principes de la Charte européenne de l’autonomie locale. Cependant, même ici le choix des mots a des conséquences dépassant l’instrument lui-même, en l’occurrence si, dans la disposition décrivant l’administration locale comme un sous-ensemble de « l’administration de l’État », on prend cette dernière expression dans son sens étroit. L’article 58 de la Satversme, stipulant que les institutions administratives de l’État sont placées sous l’autorité du Conseil des ministres (voir ci-dessus), contribue à accentuer cette tendance. Pour ces raisons, il serait préférable de modifier la terminologie dans les lois pertinentes, et notamment ici de remplacer « administration d’État » par « administration publique » aux fins de la Charte européenne de l’autonomie locale.

34.       En 1998, le Congrès a recommandé que les autorités parlementaires et gouvernementales lettones s’assurent de ce que « les représentants des collectivités régionales puissent à nouveau être élus directement par les citoyens » (Recommandation 47 (1998), paragraphe 8). Durant ses visites à Riga cependant, la délégation du Congrès du Conseil de l’Europe n’a constaté aucun signe de changement d’attitude pour le moment. Si la structure « régionale » de la République de Lettonie (districts, régions aux fins de planification, etc. .) fait fréquemment l’objet de débats publics, il semble qu’aucun processus de rétablissement de l’élection au suffrage direct des conseils au niveau « régional » ne soit à l’ordre du jour.

Conclusions

35.       Il convient de souligner deux évolutions majeures depuis l’adoption de la Recommandation 47 par le Congrès en 1998. Tout d’abord, les trois premières des quatre restrictions lettones à l’application complète de la Charte ont été formellement supprimées à la suite de modifications en ce sens de la législation lettone sur l’autonomie locale. Nous considérons qu’il s’agit là d’une évolution favorable. En second lieu, un système de péréquation financière basé sur des critères objectifs semble avoir été institué par la Loi de 1998 sur la péréquation des ressources financières des collectivités locales, supprimant ainsi une grande partie du pouvoir discrétionnaire du gouvernement central, que critiquait la Recommandation.

36.       Cependant, d’après ce qui a été dit plus haut, le rapporteur souhaite tirer la conclusion générale que le statut juridique global des collectivités locales autonomes de Lettonie ne semble pas avoir subi de modification majeure depuis le monitoring de 1997-98 relatif à la bonne application de la Charte européenne de l’autonomie locale par le gouvernement letton. Ceci se rapporte surtout aux principales sources de financement des autorités locales ainsi qu’aux amendements de la législation et de la constitution lettones suggérés par le Congrès au gouvernement letton en 1998.

(a)        À part la péréquation financière, peu de changements sont survenus depuis 1998. La rapporteuse reste d’avis que les conseils locaux de Lettonie devraient tirer leur financement de leurs propres ressources dans une proportion bien plus élevée qu’actuellement.

(b)        Comme la rapporteuse l’a souligné précédemment, bien qu’explicitement invité à le faire, le gouvernement letton s’est abstenu d’amender la Constitution (Satversme) et d’y ajouter une disposition reconnaissant de manière positive le principe d’autonomie locale conformément à l’article 2 de la Charte européenne de l’autonomie locale. Un tel amendement serait considéré comme une avancée importante en ce qui concerne le fondement constitutionnel de l’autonomie locale ; en effet, il serait souhaitable que la Satversme stipule clairement que les administrations autonomes locales ne sont pas « placées sous l’autorité du Conseil des ministres».

37.       De plus, il serait préférable de modifier la terminologie dans les lois pertinentes – par exemple d’utiliser « administration publique » au lieu d’« administration d’État » – par souci de conformité avec la Charte européenne de l’autonomie locale.

38.       Enfin, la rapporteuse souhaite attirer l’attention sur le fait que, pendant ses visites à Riga, la délégation n’a perçu aucun signe de changement d’attitude du gouvernement envers les autorités régionales. Si la structure « régionale » de la République de Lettonie (districts, régions aux fins de planification) fait fréquemment l’objet de débats publics, il semble qu’aucun processus de rétablissement de l’élection au suffrage direct des conseils au niveau « régional » ne soit à l’ordre du jour.


IV         PARTICIPATION DES NON-CITOYENS À LA VIE PUBLIQUE ET POLITIQUE LOCALE

39.       La seconde tâche assignée à la délégation du Congrès du Conseil de l’Europe est d’informer le Congrès de la situation relative à la participation des non-citoyens à la vie publique et politique lettone au niveau local. La question a été étudiée dans divers contextes et sous divers angles au fil des ans, notamment dans un rapport du Commissaire aux droits de l’homme du CdE (CommDH(2004)3) élaboré d’après des informations collectées lors de sa visite en Lettonie en octobre 2003. Parmi des documents du Conseil de l’Europe sur le sujet, voir aussi le document d’information préparé par le Secrétariat du Congrès (CG/INST (11)8) auquel il a déjà été fait mention au paragraphe 3 du présent rapport.

40.       En mai 2005, le Parlement letton ratifiait la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales. Cette ratification a été saluée par différentes instances au niveau européen, notamment par le Haut Commissaire pour les Minorités Nationales de l’OSCE.  Il est vrai que la décision de ne ratifier les articles 10.2 et 11.3 qu’assortis de clauses de réserve le gouvernement letton a fait l’objet de critiques (ces articles régissent l’usage de la langue officielle pour ce qui est de la voirie et des activités des administrations locales ; le gouvernement s’engage à les respecter uniquement dans la mesure où ils sont compatibles avec la Constitution lettone et tout autre instrument éventuel sur l’usage de la langue officielle).

41.       Selon l’article 3.2 de la Charte européenne de l’autonomie locale, le concept d’autonomie locale désigne un système où le droit est exercé par des conseils et des assemblées dont les membres sont élus librement par scrutin direct, égal et universel. Certes, cela ne confère pas le droit de vote aux non-citoyens ; mais une situation où des résidents permanents et de longue date, dépourvus de la nationalité d’autres pays, se voient refuser le droit de participer aux élections comme à d’autres aspects de la vie de « leur » commune, se trouve indéniablement en porte-à-faux avec l’article 3.2 lu à la lumière du Préambule de la Charte, soulignant le principe de démocratie commun à tous les États membres du Conseil de l’Europe.

42.       Sur cette base, la Recommandation 113 (2002) du Congrès sur les relations entre les citoyens, l'assemblée et l'exécutif dans la démocratie locale (le cadre institutionnel de la démocratie locale) mentionne explicitement l’article 3, paragraphe 2 de la Charte européenne de l’autonomie locale en tant que fondement de l’invitation faite aux États membres de signer et de ratifier la Convention sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local (ETS N°144). L’importance du droit de vote au niveau local est également soulignée par la Recommandation 1714 (2005) de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, qui invite le Comité des Ministres à demander instamment aux États membres de signer et de ratifier la Convention de 1992 sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local et d’accorder des droits électoraux actifs et passifs à tous les résidents légaux pour ce qui est des scrutins locaux. Invitations et recommandations que la Lettonie ignore et continue d’ignorer.

43.       Les observations et recommandations suivantes (Recommandation 47 (1998), paragraphe 9) du Congrès sont également basées sur le Préambule de la Charte européenne de l’autonomie locale :

44.       « Considérant que le nombre important de résidents lettons ne disposant pas de droits politiques et civiques atteint près de 50% des habitants dans certaines villes, dont la capitale, et ayant à l'esprit le Préambule de la Charte européenne de l'autonomie locale :

a) estime qu'il est important d'intégrer ces résidents dans la vie démocratique du pays et qu'à cet effet la démocratie locale représente une occasion importante pour cette intégration ;

b) recommande aux autorités parlementaires et gouvernementales lettones de reconnaître le droit de vote à ces résidents dans les affaires relevant de la compétence des pouvoirs locaux en adhérant à la Convention sur la participation des étrangers à la vie publique locale. »

45.       Comme nous l’avons indiqué plus haut (paragraphe 9 ci-dessus), quelque 440 000 résidents lettons ne sont pas d’origine lettone ni ne possèdent de nationalité quelconque. Ce groupe représente 20% de la population totale de la République de Lettonie. Il compte de nombreuses personnes ayant passé leur vie entière en Lettonie, avant ou après le rétablissement de l’indépendance, puisque seules les personnes qui avaient la nationalité lettone le 17 juin 1940 (début de l’occupation soviétique) et leurs descendants ont été reconnus comme citoyens lettons sur simple inscription. De plus, un pourcentage assez important de non-citoyens vivent à Riga (30% de la population) et dans d’autres villes (telles que Daugavpils, à l’est du pays : 27% ; Jelgava : 24% ; Jurmala : 25% ; et Liepaja : 31%) selon une tendance à résider dans les environnements urbain à forte population russophone. Cette caractéristique n’est pas pour faciliter leur intégration parmi la population de langue lettone. Et d’une perspective politique aussi bien que culturelle, il est important de rappeler que les personnes d’origine lettone semblent constituer un groupe minoritaire dans la majorité des villes lettones.

46.       Comme indiqué précédemment, la Constitution (Satversme) lettone refuse clairement aux non-citoyens le droit de participer aux élections non seulement nationales mais aussi locales. Ceci semble discriminatoire aux yeux de certains, et le fait que la Constitution a été récemment amendée afin d’ouvrir le droit de vote au niveau local aux citoyens de l’Union européenne n’est pas fait pour améliorer cette opinion. Le refus de ce droit de vote peut même sembler contreproductif à la lumière de la Recommandation 47 (1998), qui souligne que la démocratie locale représente une occasion importante d’intégrer les résidents dans la vie démocratique du pays.

47.       À la série d’arguments avancés pour critiquer le refus du droit de vote aux résidents permanents non citoyens au niveau local, les autorités lettones semblent répondre systématiquement que leur but est d’intégrer la population des non-citoyens à l’ensemble du système social et politique letton, et que la meilleure façon  pour les non-citoyens d’obtenir l’ouverture de droits complets à la citoyenneté au niveau tant local que national est de solliciter la nationalité lettone par naturalisation. Dans la perspective de ce but fondamental, le gouvernement affirme qu’ouvrir le droit de vote au niveau local serait non seulement superflu mais contreproductif car constituerait un motif puissant de désintérêt envers l’obtention de la citoyenneté complète. À aucun moment de la visite de la délégation du Congrès du Conseil de l’Europe à Riga les autorités lettones n’ont exprimé l’intention politique de réviser leur position fondamentale relativement au droit de vote des non-citoyens au niveau local.

48.       Même si le nombre et le pourcentage de non-citoyens par rapport à la population totale de Lettonie restent exceptionnellement élevés pour un pays européen, ils sont en baisse sensible. Selon les statistiques fournies par la Commission de naturalisation de la Lettonie, le nombre de résidents non citoyens en 1998, année du monitoring complet relatif à la conformité de la Lettonie avec la Charte européenne de l’autonomie locale, s’élevait environ à 634 000 – bien que le nombre mentionné dans le rapport explicatif remis au Congrès soit légèrement supérieur. En mai 2005, ce nombre était tombé à près de 200 000. Selon les statistiques fournies par la Commission de naturalisation de la Lettonie, les raisons principales de cette baisse sont les naturalisations (pour un peu moins de la moitié), les décès et l’émigration.

49.       Les statistiques disponibles confirment dans une certaine mesure les déclarations du gouvernement letton sur les progrès effectués en matière de naturalisation. Au 1er mai 2005, 93 000 personnes avaient été naturalisées depuis 1995 (dont environ 80 000 après 1998). Le nombre annuel des naturalisations par décision du Conseil des ministres varie considérablement ; il a culminé en 2004 avec 16 064 naturalisations. Même si l’année 2000 en a connu presque autant, il semble que la tendance soit à la progression d’année en année (7 481 personnes ont été naturalisées durant les quatre premiers mois de 2005, alors que plus de 10 000 demandes ont été soumises pendant cette même période). Il convient également de mentionner que jusqu’à maintenant, il n’est fait état que d’une seule demande refusée pour d’autres motifs que l’échec aux tests de langue et d’histoire ; ce cas est actuellement examiné par la justice, sur la requête du demandeur lui-même.

50.       En revanche, il est bien entendu trop tôt pour se prononcer sur la durabilité de cette tendance. Il convient aussi de l’envisager à la lumière du fait que les enfants issus du groupe des « non-citoyens » réduisent l’incidence des demandes de naturalisation sur le nombre total de non-citoyens résidant en Lettonie. En fait, le nombre de naturalisations pour 2004, année record en la matière, représente moins de 5% de la population non citoyenne de cette année-là.

51.       Dans une certaine mesure, la recevabilité des arguments avancés par les autorités lettones relativement à la question des droits politiques au niveau local (voir paragraphe 35 ci-dessus) dépend des normes et des pratiques relatives aux procédures de naturalisation. Il n’appartient pas à la délégation du Congrès du Conseil de l’Europe d’en entreprendre l’examen rigoureux. Cependant, l’impression globale est que le système fonctionne de manière correcte, encadré par des lois et des normes clairement définies et assez objectives.

52.       La délégation du Congrès du Conseil de l’Europe conserve toutefois l’impression qu’il existe des possibilités de progrès, notamment en ce qui concerne la vitesse des procédures. D’une part, il serait probablement fructueux de multiplier les efforts visant à informer la population concernée sur les procédures de naturalisation. D’autre part, il serait possible d’améliorer le système lui-même en suivant les recommandations du rapport du Commissaire aux droits de l’homme (CommDH(2004)3), qui encouragent les autorités à a) faciliter la naturalisation des groupes vulnérables tels que les personnes âgées, les handicapés et les jeunes, b) multiplier les naturalisations gratuites, c) modifier les procédures pour les enfants et les nouveaux-nés et d) augmenter le financement des programmes de formation linguistique, notamment dans les zones où les possibilités de parler la langue lettone tous les jours sont particulièrement rares (voir paragraphe 132, alinéas 4 et 8, du rapport du Commissaire aux droits de l’homme).

53.       Pour ce qui est des formes de participation des non-citoyens à la vie politique et publique locale autres que l’inclusion dans le système électoral, les questions qui se posent concernent d’une part les aspects statistiques de la participation de facto des différents groupes, et d’autre part les possibilités réelles de participation offertes. Sur aucun de ces points la délégation du Congrès du Conseil de l’Europe ne possède les informations nécessaires pour esquisser un tableau global ou complet de la situation. Il convient aussi de rappeler que de nombreux aspects de ces questions peuvent difficilement être examinés sans prendre en compte le fait que, pour bien des raisons, en matière d’intégration, le statut des non-citoyens dépend de ce que langage et citoyenneté sont étroitement liés. Dans une large mesure, les appréciations politiques de la situation ont plus à voir avec la position qu’occupent les « minorités russophones » – dans le sens large du terme, voir ci-dessus – au sein de la société lettone qu’avec celle qu’occupent les non-citoyens en tant que tels (russophones pour la plupart).

54.       Pour ce qui est de l’appréciation juridique de la situation, l’article 101 de la Constitution (Satversme) dans sa formulation actuelle fournit un bon point de départ. Comme nous l’avons fait remarquer précédemment, cet article ne traite pas seulement du droit de vote mais aussi d’autres aspects de la participation à la vie publique au niveau local en Lettonie. Il stipule notamment que le droit de « participer aux activités des collectivités locales » est ouvert aux citoyens lettons et aux résidents permanents de l’Union européenne. Comme le droit de vote de ces deux groupes est stipulé dans une phrase séparée, il est vraisemblable que le mot « participer » se réfère à des aspects complémentaires (autres que le droit de vote, donc) du rapport entre conseils locaux et membres de la communauté. De cette manière, l’article 101 semble indiquer que les groupes autres que les deux expressément mentionnés n’ont pas accès à cette participation.

55.       Assez curieusement cependant, lors de la visite de la délégation du Congrès du Conseil de l’Europe à Riga, ce point n’a pas été relevé comme s’opposant à l’amélioration de la participation, pas plus que cette disposition de l’article 101 ne semble avoir été comprise comme excluant tout résident permanent non citoyen de la participation aux comités de consultation, etc. au niveau local. Qui plus est, les non-citoyens, en tant que propriétaires, contribuables, parents d’élèves etc. devraient absolument jouir des mêmes droits que les citoyens lettons ou résidents de l’Union européenne, et il semble d’ailleurs que ce soit le cas en vertu de l’article 104 de la Constitution (voir ci-dessus),[5] des principes fondamentaux de l’administration publique énoncés dans la Loi de la structure de l’administration de l’État (voir ci-dessus) et autres lois pertinentes. Si ces impressions sont justes, il serait à envisager d’éliminer l’hostilité véhiculée par ce passage de l’article 101 et de modifier ce dernier dès qu’un amendement de la Constitution sera à l’ordre du jour.

56.       Une autre partie de l’article 101 de la Constitution qu’il convient de mentionner à cet égard est la dernière phrase stipulant que « la langue officielle des autorités locales est le letton » (voir également la dernière phrase de l’article 104 de la Constitution[6] et, ci-dessus, le paragraphe 29 sur la clause de réserve que le gouvernement letton a exigé d’apposer à l’article 11.3 de la Convention-cadre relatif à l’usage des langues officielles dans la conduite des affaires des gouvernements locaux).

57.       Si la disposition de l’article 101 de la Constitution sur l’usage de la langue officielle est strictement appliquée, elle risque de causer des problèmes au niveau de la participation des non-citoyens, russophones pour la plupart (dans le sens large du terme – voir ci-dessus), et des rapports avec les résidents de langue maternelle autre que lettone. Durant sa visite à Riga, cependant, la délégation du Congrès du Conseil de l’Europe a eu l’impression qu’un certain nombre de conseils locaux essayaient, pour des raisons pratiques évidentes, de composer avec cet obstacle constitutionnel tout en respectant les principes d’administration énoncés à la Section 10 de la Loi sur la structure de l’administration de l’État et autre législation pertinente. Il n’en reste pas moins qu’une adhésion aveugle au principe d’une langue officielle unique risque de poser des problèmes pour l’intégration au jour le jour des non-citoyens et autres résidents de langue maternelle non lettone et de troubler la paix des communes.

58.       Le gouvernement letton semble très conscient de la nécessité de promouvoir l’intégration sociale dans les circonstances particulières qui sont celles de la Lettonie  aujourd’hui encore : existence d’importantes minorités russophones, nombre élevé de non-citoyens et faibles revenus par habitant. L’un des signes forts de sa bonne volonté est la création d’un Ministère letton pour l’intégration dans la société sociale et d’un Bureau des droits de l’homme indépendant, de type « Ombudsman ». Sous la responsabilité du Secrétariat du Ministère letton pour l’intégration dans la société, un certain nombre de programmes pour la promotion de la tolérance et autres facteurs d’intégration ont été élaborés. Quant au Bureau des droits de l’homme, il fait état de peu de plaintes pour discrimination basée sur la langue ou l’état civil (notons qu’il en existe quelques-unes en rapport avec le droit de travailler dans la fonction publique, droit que l’article 101 de la Constitution lettone, semblable en ceci à de nombreuses autres constitutions,  réserve explicitement aux nationaux lettons).

59.       Même au niveau des conseils locaux, il existe de nombreux exemples d’organes consultatifs créés pour promouvoir la coopération entre collectivités locales et membres de la communauté malgré les obstacles linguistiques et les différences d’état civil.

60.       Il n’appartient pas à la délégation du Congrès du Conseil de l’Europe d’évaluer l’étendue et l’efficacité des diverses mesures prises par le gouvernement et les collectivités locales dans le but d’améliorer l’intégration sociale en Lettonie. Mais même si de nombreuses initiatives sont dirigées vers la population dite « russophone » (dans le sens large du terme, voir ci-dessus) plutôt que vers le groupe des non-citoyens en tant que tels, elles méritent toutefois d’être accueillies favorablement et encouragées.

Conclusions

61.       En général, la rapporteuse souhaiterait souligner qu’une situation où des résidents permanents et de longue date, dépourvus de la citoyenneté d’autres pays, se voient refuser le droit de voter et de participer d’autre manière à la vie de « leur » commune, est de toute évidence en porte-à-faux avec l’article 3.2 lu à la lumière du Préambule de la Charte, qui évoque le principe de démocratie commun à tous les États membres du Conseil de l’Europe.

62.       Le nombre de non-citoyens vivant en Lettonie, et leur proportion par rapport au reste de la population, reste exceptionnellement élevée pour un pays européen. Parallèlement à cela, la rapporteuse voudrait attirer l’attention sur le fait qu’étant donné l’importante concentration de non-citoyens à Riga (30% de la population) et dans d’autres villes (telles que Daugavpils, à l’est du pays : 27% ; Jelgava : 24% ; Jurmala : 25% ; Liepaja : 31%), leur refuser le droit de participer aux élections comme à d’autres aspects de la vie publique locale pourrait à long terme se révéler contreproductif pour la vitalité et la crédibilité de la démocratie locale en Lettonie. Comme le souligne la Recommandation 47 (1998), la démocratie locale représente une importante opportunité d’intégrer les résidents dans la vie démocratique du pays.

63.       La rapporteuse garde l’impression qu’il existe des possibilités de progrès (avec les naturalisations par exemple). D’une part, il serait probablement fructueux de multiplier les efforts visant à informer la population concernée sur les procédures de naturalisation. D’autre part, il serait possible d’améliorer le système lui-même en suivant les recommandations du rapport du Commissaire aux droits de l’homme (CommDH(2004)3), à savoir : a) faciliter la naturalisation des groupes vulnérables tels que les personnes âgées, les handicapés et les jeunes, b) multiplier les naturalisations gratuites, c) modifier les procédures pour les enfants et les nouveaux-nés et d) augmenter le financement des programmes de formation linguistique, notamment dans les zones où les possibilités de parler la langue lettone tous les jours sont particulièrement rares (voir paragraphe 132, alinéas 4 et 8, du rapport du Commissaire aux droits de l’homme).

64.       Il conviendrait d’envisager de corriger l’hostilité de certaines dispositions de l’article 101 refusant explicitement le droit de vote, au niveau local, aux résidents de Lettonie dépourvus de la nationalité lettone comme de la nationalité de tout autre pays de l’UE.

 

65.       Enfin, la rapporteuse est d’avis qu’une adhésion stricte au principe d’une langue officielle unique risque de poser des problèmes au quotidien pour l’intégration des non-citoyens et autres résidents de langue maternelle non lettone et de troubler la paix des communes.


ANNEXE I

Visite de la délégation lettone

15-18 mai 2005

Délégation du Congrès des autorités locales et régionales l’Europe :

Mme Kathryn Smith, rapporteuse

M. Eivind Smith, expert indépendant

Mme Pilar Morales, secrétariat  du Congrès

Objectif de la visite :

Préparation du rapport sur la situation de la démocratie locale en Lettonie, dont une partie relative à la participation des non-Lettons aux affaires locales.

                                   

PROJET DE PROGRAMME

 Mercredi 15 juin

Arrivée à Riga

Arrivée à l’hôtel « City Hotel Bruninieks » www.cityhotel.lv

Bruņinieku str. 6

Jeudi 16 juin

9h00-10h30

Ministère letton du développement régional et des gouvernements locaux www.raplm.gov.lv

Lacplesa str. 27, Riga

M. Arvīds Pīlēģis, Sous-secrétaire d’État auprès du Ministère du développement régional et des gouvernements locaux (à confirmer)

10h50-11h50

Bureau letton des droits de l’homme  www.vcb.lv

Elizabetes str. 65-12, Riga

M. Olafs Brūvers, Directeur (à confirmer)

12h00-13h00

Secrétariat du Ministère letton pour l’intégration dans la société www.integracija.gov.lv

Elizabetes str. 20, 2ème étage

Représentant du Ministère (à confirmer)

13h00-14h00

Déjeuner

14h00-15h00

Chancellerie d’État  www.mk.gov.lv

Brivibas blvd. 36

Mme Baiba Pētersone, Sous-ministre du service de la coordination des politiques de la chancellerie d’État (à confirmer)

15h00-16h00

Ministère des affaires étrangères, service des organisations internationales et des droits de l’homme www.mfa.gov.lv

Brīvības blvd. 36

M. Raimonds Jansons, Directeur du service (à confirmer)

16h30-17h30

Commission lettone des droits de l’homme

Dzirnavu str. 102a – 5

M. Aleksejs Dimitrovs, Co-président (à contacter)

Vendredi 17 juin

9h00-10h00

Centre letton des droits de l'homme et des études ethniques (ONG de protection des droits de l’homme et spécialiste des questions relatives aux minorités) www.humanrights.org.lv

Alberta str. 13, 7th floor

Mme Ilze Brands Kehris, Directrice (à confirmer)

10h30-12h00

Bureau de la citoyenneté et des questions d’immigration (BCQI, organe de contrôle placé sous l’autorité du Ministère de l’intérieur) www.ocma.gov.lv

Raiņa blvd. 5

Mme Maira Roze, Sous-ministre du BCQI (à confirmer)

12h00-13h00

Déjeuner

13h00-14h00

Commission de naturalisation de la Lettonie (placée sous l’autorité du Ministère de la justice) www.np.gov.lv

Smilšu str. 1/3

Mme Eiženija Aldermane, Directrice de la Commission (à confirmer)

14h00-15h00

Parlement de la République de Lettonie www.saeima.lv

Jēkaba str. 11

Mme Ingrīda Circene, Présidente de la Commission des droits de l’homme et des affaires publiques (à confirmer)

M. Staņislavs Šķesteris, Président de  la Commission de l’administration publique et des collectivités locales (à confirmer)

15h00-17h30

Réunion au siège de l’Association lettone des collectivités locales www.lps.lv  

M. Andris Jaunsleinis, Président de l’Association

M. Maris Pūķis, Conseiller principal de l’Association

Mme Ligita Začesta, Secrétaire générale de l’Association

Réunion avec les administrations locales :

Conseil municipal de Riga  www.riga.lv

Représentant du Conseil municipal (à confirmer)

Conseil municipal de Ventspils www.ventspils.lv

Représentant du Conseil municipal (à confirmer)

Conseil municipal de Jurmalas www.jurmala.lv

Représentant du Conseil municipal (à confirmer)

Conseil municipal de Vangaži www.vangazi.lv

Représentant du Conseil municipal (à confirmer)

Maza pils str. 1

Samedi 18 juin

Départ

Les informations écrites ou les présentations d’information sur le vote électronique en Lettonie seront préparées et organisées par le Secrétariat du Ministère letton pour la gouvernance électronique ou par la Commission électorale centrale www.cvk.lv .



[1] Article 25 : la Saeima institue les commissions, fixe le nombre de leurs membres et définit leurs attributions. Les commissions ont le droit d’exiger des ministres ou des autorités locales les informations et explications nécessaires à l’exercice de ces attributions, ainsi que d’inviter à leurs réunions des représentants des ministères ou des autorités locales à titre informatif. Les commissions sont autorisées à exercer leurs activités entre les sessions de la Saeima. [Italiques ajoutées].

[2] Article 101 : chaque citoyen letton a le droit, comme la loi l’y autorise, à participer aux activités du gouvernement et des gouvernements locaux et à travailler dans la fonction publique. Les membres des gouvernements locaux sont élus par les citoyens lettons et les citoyens de l’Union européenne résidents permanents de Lettonie. Les citoyens de l’Union européenne résidents permanents de Lettonie ont le droit, ainsi que la loi les y autorise, de prendre part aux activités des gouvernements locaux. La langue officielle au sein de ces derniers est le letton. [Italiques ajoutées].

[3] Article 104 : chacun a le droit d’adresser une requête à l’État et aux institutions gouvernementales locales et de recevoir une réponse. Chacun a le droit de recevoir une réponse formulée en langue lettone. [Italiques ajoutées].

[4] Traduction réalisée par le Centre de traduction et de terminologie (2001).

[5] « chacun a le droit d’adresser une requête à l’État et aux institutions gouvernementales locales et de recevoir une réponse. »

[6] « Chacun a le droit de recevoir une réponse formulée en langue lettone ».