Strasbourg, 11 janvier 2006                                                  CEPEJ-GT-MED (2006) 1

COMMISSION EUROPEENNE POUR L’EFFICACITE DE LA JUSTICE

(CEPEJ)

Groupe de travail sur la médiation (CEPEJ-GT-MED)

Liste des Recommandations du Comité des Ministres aux Etats membres du Conseil de l’Europe concernant la médiation :

§     Rec(98) 1 sur la médiation familiale (page 2)

§     Rec(99) 19 sur la médiation en matière pénale (page 7)

§     Rec(2001)9 sur les modes alternatifs de règlement des litiges entre les autorités             administratives et les personnes privées (page 11)

§     Rec(2002) 10 sur la médiation en matière civile (page 15)

                                            


Recommandation No R (98)1

sur la médiation familiale

(adoptée par le Comité des Ministres le 21 janvier 1998

lors de la 616e réunion des Délégués des Ministres)

1. Le Comité des Ministres, vu l'article 15.b du Statut du Conseil de l'Europe,

2. Reconnaissant le nombre croissant de litiges familiaux, particulièrement ceux qui résultent d'une séparation ou d'un divorce, et notant les conséquences préjudiciables des conflits pour les familles et le coût social et économique élevé pour les Etats;

3. Considérant le besoin d'assurer la protection des intérêts supérieurs de l'enfant et de son bien-être, telle que consacrée dans les instruments internationaux, compte tenu, notamment, des problèmes qu'entraîne en matière de garde et de droit de visite une séparation ou un divorce;

4. Tenant compte du développement de voies de règlement amiable des litiges et de la reconnaissance de la nécessité qu'il y a à réduire les conflits dans l'intérêt de tous les membres de la famille;

5. Reconnaissant les caractéristiques spécifiques des litiges familiaux, à savoir:

- le fait que les litiges familiaux impliquent des personnes qui, par définition, sont amenées à avoir des relations interdépendantes et qui vont se poursuivre dans le temps;

- le fait que les litiges familiaux surgissent dans un contexte émotionnel pénible qui exacerbe ceux-ci;

- le fait que la séparation et le divorce ont des impacts sur tous les membres de la famille, spécialement sur les enfants;

6. Se référant à la Convention européenne sur l'exercice des droits des enfants, et en particulier à l'article 13 de cette Convention qui traite de la mise à disposition de la médiation ou d'autres méthodes de résolution des conflits concernant les enfants;

7. Tenant compte des résultats de la recherche en ce qui concerne l'usage de la médiation et des expériences menées dans ce domaine dans plusieurs pays, qui montrent que le recours à la médiation familiale peut le cas échéant:

- améliorer la communication entre les membres de la famille;

- réduire les conflits entre les parties au litige;

- donner lieu à des règlements amiables;

- assurer le maintien de relations personnelles entre les parents et les enfants;

- réduire les coûts économiques et sociaux de la séparation et du divorce pour les parties elles-mêmes et les Etats;

- réduire le temps autrement nécessaire pour le règlement des conflits;

8. Soulignant l'internationalisation croissante des relations familiales et les problèmes tout à fait spécifiques associés à ce phénomène;

9. Conscient du fait qu'un certain nombre d'Etats envisagent de mettre en place la médiation familiale;

10. Convaincu de la nécessité de recourir davantage à la médiation familiale, processus dans lequel un tiers, le médiateur, impartial et neutre, assiste les parties elles-mêmes dans la négociation sur les questions qui font l'objet du litige, en vue de l'obtention d'accords communs,

11. Recommande aux gouvernements des Etats membres:

i. d'instituer ou de promouvoir la médiation familiale ou, le cas échéant, de renforcer la médiation familiale existante;

ii. de prendre ou de renforcer toute mesure qu'ils jugent nécessaire en vue d'assurer la mise en œuvre des principes suivants pour la promotion et l'utilisation de la médiation familiale en tant que moyen approprié de résolution des litiges familiaux.

PRINCIPES SUR LA MÉDIATION FAMILIALE

I. Champ d'application de la médiation

a. La médiation familiale traite de l'ensemble des litiges qui peuvent survenir entre les membres d'une même famille, qu'ils soient liés par le sang ou le mariage, et entre les personnes qui ont ou ont eu des relations familiales, telles que définies par la législation nationale.

b. Toutefois, les Etats sont libres de déterminer quelles sont les questions ou les cas couverts par la médiation familiale.

II. Organisation de la médiation

a. La médiation ne devrait en principe pas être obligatoire.

b. Les Etats sont libres d'organiser et de mettre en place la médiation de la manière qu'ils estiment appropriée, que ce soit par le biais du secteur public ou du secteur privé.

c. Sans préjudice de la manière dont la médiation est organisée et mise en place, les Etats devraient veiller à ce qu'il y ait des mécanismes appropriés assurant l'existence:

- de procédures pour la sélection, la formation et la qualification des médiateurs;

- de normes de bonne pratique devant être élaborées et suivies par les médiateurs.

III. Processus de médiation

Les Etats devraient veiller à l'existence de mécanismes appropriés afin que le processus de médiation se déroule conformément aux principes suivants:

i. le médiateur est impartial dans ses rapports avec les parties;

ii. le médiateur est neutre quant à l'issue du processus de médiation;

iii. le médiateur respecte les points de vue des parties et préserve leur égalité dans la négociation;

iv. le médiateur n'a pas le pouvoir d'imposer une solution aux parties;

v. les conditions dans lesquelles se déroule la médiation familiale devraient garantir le respect de la vie privée;

vi. les discussions qui ont lieu durant la médiation sont confidentielles et ne peuvent pas être ultérieurement utilisées, sauf avec l'accord des parties ou dans les cas permis par le droit national;

vii. le médiateur devrait, dans les cas appropriés, informer les parties de la possibilité qu'elles ont de recourir au conseil conjugal ou à d'autres formes de conseil en tant que modes de règlement des problèmes conjugaux ou familiaux;

viii. le médiateur devrait avoir plus particulièrement à l'esprit le bien-être et l'intérêt supérieur de l'enfant, devrait encourager les parents à se concentrer sur les besoins de l'enfant et devrait rappeler aux parents leur responsabilité primordiale s'agissant du bien-être de leurs enfants et la nécessité qu'ils ont d'informer et de consulter ceux-ci;

ix. le médiateur devrait porter une attention particulière à la question de savoir si des violences entre les parties ont eu lieu ou sont susceptibles de se produire dans le futur et aux effets que celles-ci pourraient avoir sur la situation des parties dans la négociation, et examiner si, dans ces circonstances, le processus de médiation est approprié;

x. le médiateur peut donner des informations juridiques, mais ne devrait pas dispenser de conseil juridique. Il devrait, dans les cas appropriés, informer les parties de la possibilité qu'elles ont de consulter un avocat ou tout autre professionnel compétent.

IV. Le statut des accords de médiation

Les Etats devraient faciliter l'approbation des accords de médiation par l'autorité judiciaire ou une autre autorité compétente lorsque les parties le demandent et fournir des mécanismes d'exécution de ces accords conformément à la législation nationale.

V. Relation entre la médiation et les procédures devant l'autorité judiciaire ou une autre autorité compétente

a. Les Etats devraient reconnaître l'autonomie de la médiation et la possibilité pour celle-ci d'avoir lieu avant, pendant ou après une procédure judiciaire.

b. Les Etats devraient établir des mécanismes en vue :

i. de permettre l'interruption de la procédure judiciaire pendante afin d'instaurer la médiation;

ii. d'assurer que dans ce cas l'autorité judiciaire ou une autre autorité compétente conserve le pouvoir de prendre des décisions urgentes relatives à la protection des parties ou de leurs enfants, ou de leur patrimoine;

iii. d'informer l'autorité judiciaire ou une autre autorité compétente de ce que les parties poursuivent ou non la médiation et de ce qu'elles sont ou non parvenues à un accord.

VI. Promotion de et accès à la médiation

a. Les Etats devraient promouvoir le développement de la médiation familiale, notamment par le biais de programmes d'information dispensés au public pour permettre une meilleure compréhension de ce mode de règlement amiable des litiges familiaux.

b. Les Etats sont libres d'établir des méthodes dans des cas particuliers pour fournir des informations pertinentes sur la médiation en tant que mode alternatif de règlement des litiges familiaux (par exemple en établissant l'obligation pour les parties de rencontrer un médiateur), en permettant ainsi aux parties d'examiner s'il est possible et approprié pour elles d'instaurer une médiation sur les questions faisant l'objet du litige.

c. Les Etats devraient également s'efforcer de prendre les mesures nécessaires pour permettre aux parties l'accès à la médiation familiale, y compris à la médiation internationale, afin de contribuer au développement de ce mode de règlement amiable des litiges familiaux.

VII. Autres modes de règlement des litiges

Les Etats peuvent examiner l'opportunité d'appliquer de façon appropriée aux autres modes de règlement des litiges les principes relatifs à la médiation tels que consacrés dans la présente Recommandation.

VIII. Questions internationales

a. Les Etats devraient, lorsque cela est approprié, envisager l'opportunité de mettre en place des mécanismes de médiation dans des cas présentant un élément d'extranéité, notamment pour toutes les questions concernant les enfants, et en particulier celles relatives à la garde et au droit de visite lorsque les parents vivent ou comptent vivre dans des Etats différents.

b.La médiation internationale devrait être considérée comme un processus approprié de nature à permettre aux parents d'organiser ou de réorganiser la garde et le droit de visite, ou de régler des différends consécutifs à des décisions visant ces questions. Cependant, dans le cas d'un déplacement sans droit ou de la rétention de l'enfant, la médiation internationale ne devrait pas être utilisée si elle risque de retarder le retour rapide de l'enfant.

c.Tous les principes susvisés sont applicables à la médiation internationale.

d. Les Etats devraient, dans toute la mesure du possible, promouvoir la coopération entre les services de médiation familiale existants afin de faciliter l'utilisation de la médiation internationale.

e. Compte tenu des spécificités de la médiation internationale, les médiateurs internationaux devraient être tenus de suivre une formation complémentaire spécifique.


Recommandation No R (99) 19

sur la médiation en matière pénale

(adoptée par le Comité des Ministres le 15 septembre 1999,

lors de la 679e réunion des Délégués des Ministres)

Le Comité des Ministres, en application de l'article 15.b du Statut du Conseil de l'Europe,

Notant que les Etats membres tendent de plus en plus à recourir à la médiation en matière pénale, une option souple, axée sur le règlement du problème et l'implication des parties, en complément ou en tant qu’alternative à la procédure pénale traditionnelle ;

Considérant la nécessité de permettre une participation personnelle active à la procédure pénale de la victime, du délinquant et de tous ceux qui sont concernés en tant que parties, ainsi que d'y impliquer la communauté ;

Reconnaissant l'intérêt légitime des victimes à faire entendre davantage leur voix s'agissant des conséquences de leur victimisation, à communiquer avec le délinquant et à obtenir des excuses et une réparation ;

Considérant qu'il importe de renforcer chez les délinquants le sens de leurs responsabilités et leur offrir des occasions concrètes de s’amender ce qui facilitera réinsertion et réhabilitation ;

Reconnaissant que la médiation peut faire prendre conscience du rôle important de l'individu et de la communauté dans l'origine et le traitement des délits et la solution des conflits qui y sont associés, et contribuer ainsi à ce que la justice pénale ait des résultats plus constructifs et moins répressifs ;

Reconnaissant que la médiation exige des qualifications particulières et demande des codes de pratique et une formation agréée ;

Considérant l'importante contribution potentielle des organismes non-gouvernementaux et des communautés locales à la médiation en matière pénale et la nécessité de conjuguer les efforts des initiatives publiques et privées ;

Eu égard aux exigences de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Ayant à l'esprit la Convention européenne sur l'exercice des droits des enfants ainsi que les Recommandations N° R (85) 11 sur la position de la victime dans le cadre du droit pénal et de la procédure pénale, N° R (87) 18 concernant la simplification de la justice pénale, N° R (87) 21 sur l'assistance aux victimes et à la prévention de la victimisation, N° R (87) 20 sur les réactions sociales à la délinquance juvénile, N° R (88) 6 sur les réactions sociales au comportement délinquant des jeunes issus de familles migrantes, n° R (92) 16 relative aux règles européennes sur les sanctions et mesures appliquées dans la communauté, n° R (95) 12 sur la gestion de la justice pénale et n° R (98) 1 sur la médiation familiale ;

Recommande aux gouvernements des Etats membres de prendre en considération les principes énoncés dans l'annexe à la présente Recommandation, lorsqu’ils développent la médiation en matière pénale, et de donner à ce texte la plus large diffusion possible.

Annexe à la Recommandation n° R (99) 19

I.                   Définition

            Les présentes lignes directrices s'appliquent à tout processus permettant à la victime et au délinquant de participer activement, s'ils y consentent librement, à la solution des difficultés résultant du délit, avec l'aide d'un tiers indépendant (médiateur).

II.        Principes généraux

1.          La médiation en matière pénale ne devrait intervenir que si les parties y consentent librement. Ces dernières devraient, en outre, être en mesure de revenir sur ce consentement à tout moment au cours de la médiation.

2.         Les discussions relevant de la médiation sont confidentielles et ne peuvent être utilisées ultérieurement, sauf avec l'accord des parties.

3.         La médiation en matière pénale devrait être un service généralement disponible.

4.         La médiation en matière pénale devrait être possible à toutes les phases de la procédure de justice pénale.

5.         Les services de médiation devraient bénéficier d'une autonomie suffisante dans le cadre du système de justice pénale.

III.      Fondement juridique

6.         La législation devrait faciliter la médiation en matière pénale.

7.         Il y aurait lieu d'établir des lignes directrices définissant le recours à la médiation en matière pénale. Elles devraient porter notamment sur les conditions du renvoi d'affaires aux services de médiation et sur le traitement des affaires après la médiation.

8.         La procédure de médiation devrait être assortie de garanties fondamentales : en particulier, les parties devraient avoir le droit à l'aide judiciaire et, le cas échéant, à un service de traduction/interprétation. Les mineurs devraient, de plus, avoir le droit à l'assistance parentale.

IV.       Le fonctionnement de la justice pénale en liaison avec la médiation

9.         La décision de renvoyer une affaire pénale aux services de médiation, ainsi que l'évaluation de l'issue d'une procédure de médiation, devraient être du ressort exclusif des autorités judiciaires.

10.       Avant d'accepter la médiation, les parties devraient être pleinement informées de leurs droits, de la nature du processus de médiation et des conséquences possibles de leur décision.

11.        Ni la victime ni le délinquant ne devraient être incités par des moyens indus à accepter la médiation.

12.       La réglementation spéciale et les garanties juridiques régissant la participation des mineurs à la procédure pénale devraient également concerner leur participation à la médiation en matière pénale.

13.       La médiation ne devrait pas être poursuivie si une des parties principales n'est pas capable de comprendre le sens de la procédure.

14.       Le point de départ de la médiation devrait être en principe la reconnaissance par les deux parties des faits principaux de l'affaire. La participation à la médiation ne doit pas être utilisée comme preuve d'admission de culpabilité dans des procédures judiciaires ultérieures.

15.        Les disparités évidentes concernant certains facteurs comme l'âge, la maturité ou la capacité intellectuelle des parties devraient être prises en considération avant de décider de recourir à la médiation.

16.       La décision de traiter une affaire pénale dans le cadre d'une procédure de médiation devrait être assortie d'un délai raisonnable pendant lequel les autorités judiciaires seraient informées de l'état de la procédure de médiation.

17.        Les décharges données en fonction des accords de médiation devraient avoir le même statut que les décisions judiciaires et devraient interdire les poursuites pour les mêmes faits (ne bis in idem).

18.       Lorsqu'une affaire est renvoyée aux autorités judiciaires sans qu'un accord soit intervenu entre les partiesou si l'on n'est pas parvenu à mettre en œuvre l'accord, la décision sur la démarche à adopter ensuite devrait être prise sans délai.

V.         Le fonctionnement des services de médiation

V.1.      Normes

19.       Les services de médiation devraient être régis par des normes reconnues.

20.       Les services de médiation devraient bénéficier d’une autonomie suffisante pour remplir leurs fonctions. Des normes de compétence et des règles éthiques ainsi que des procédures de sélection et de formation et d'appréciation des médiateurs devraient être développées.

21.       Les services de médiation devraient être placés sous la surveillance d'un organe compétent.

V.2.     Qualification et formation des médiateurs

22.       Les médiateurs devraient être recrutés dans toutes les catégories de la société, et posséder en général une bonne compréhension des cultures et communautés locales.

23.       Les médiateurs devraient être capables de faire preuve d'un jugement sain et des qualités relationnelles nécessaires à l'exercice de leurs fonctions.

24.       Les médiateurs devraient recevoir une formation initiale avant de prendre leurs fonctions puis une formation en cours d'emploi. Leur formation devrait tendre à leur assurer un niveau de compétence élevé, tenant compte des aptitudes à régler les conflits, des exigences spécifiques qu'implique le travail avec les victimes et les délinquants et des connaissances de base du système judiciaire.

V.3       Traitement des affaires individuelles

25.       Avant de commencer à s'occuper d'une affaire, le médiateur devrait être informé de tous les faits pertinents et recevoir des autorités judiciaires compétentes tous les documents nécessaires.

26.       La médiation devrait se dérouler de manière impartiale, d'après les faits de la cause et en fonction des besoins et des souhaits des parties. Le médiateur devrait toujours respecter la dignité des parties et veiller à ce que les parties agissent avec respect l'une envers l'autre.

27.       Le médiateur a la charge d'assurer un environnement sûr et confortable pour la médiation. Le médiateur devrait être sensible à la vulnérabilité des parties.

28.       La médiation devrait être menée aussi efficacement, mais à un rythme gérable pour les parties.

29.       La médiation devrait se faire à huis clos.

30.       Nonobstant le principe de confidentialité, le médiateur devrait signaler aux autorités appropriées ou aux personnes concernées toute information concernant l'imminence d'une infraction grave, dont il pourrait avoir connaissance au cours de la médiation.

V.4      Résultat de la médiation

31.        Des accords devraient être conclus volontairement par les parties. Ils ne devraient contenir que des obligations raisonnables et proportionnées.

32.       Le médiateur devrait faire rapport aux autorités judiciaires sur les mesures prises et sur le résultat de la médiation. Le rapport du médiateur ne devrait pas révéler la teneur des séances de médiation, ni exprimer de jugement sur le comportement des parties à cette occasion.

VI.       Evolution de la médiation

33.       Des consultations régulières devraient se tenir entre les autorités judiciaires et les services de médiation pour développer la compréhension mutuelle.

34.       Les gouvernements des Etats membres devraient promouvoir la recherche sur la médiation en matière pénale et l'évaluation de cette dernière.


Recommandation Rec(2001)9

sur les modes alternatifs de règlement des litiges entre les autorités administratives et les personnes privées

(adoptée par le Comité des Ministres, le 5 septembre 2001,

lors de la 762e réunion des Délégués des Ministres)

1.          Le Comité des Ministres, conformément à l'article 15.b du Statut du Conseil de l'Europe,

2.         Considérant que le but du Conseil de l'Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses membres;

3.         Rappelant sa Recommandation n° R (81) 7 sur les moyens de faciliter l'accès à la justice, qui appelle dans son annexe à prendre des mesures pour faciliter le recours à la conciliation ou à la médiation;

4.         Rappelant également sa Recommandation n° R (86) 12 relative à certaines mesures visant à prévenir et réduire la surcharge de travail des tribunaux, qui appelle à encourager, dans les cas appropriés, le règlement amiable des différends, soit en dehors de l'ordre juridictionnel, soit avant ou pendant la procédure juridictionnelle;

5.         Considérant, d'une part, que le grand nombre d'affaires portées devant les tribunaux compétents en matière administrative et, dans certains pays, son accroissement constant peuvent porter atteinte au droit des justiciables à ce que leur cause soit entendue dans un délai raisonnable, au sens de l'article 6.1, de la Convention européenne des Droits de l'Homme;

6.         Considérant, d'autre part, que les procédures juridictionnelles peuvent ne pas toujours être les plus appropriées en pratique à la solution des différends d’ordre administratif;

7.         Considérant que la généralisation du recours à d’autres modes de règlement des différends administratifs peut permettre de remédier à ces inconvénients et de rapprocher l'administration du public;

8.         Considérant que les principaux avantages des modes alternatifs de règlement des différends administratifs peuvent être, éventuellement et selon les cas, des procédures simplifiées et assouplies avec une plus grande célérité et un moindre coût, le règlement à l’amiable, le règlement par des spécialistes, le recours à l’équité et non pas seulement à la légalité stricte, et une plus grande discrétion;

9.         Considérant donc que dans le cas s’y prêtant, il doit être possible de résoudre les litiges administratifs par des moyens autres que le recours aux tribunaux;

10.       Considérant que le recours aux modes alternatifs ne doit pas être un moyen pour l’administration et les personnes privées de contourner leurs obligations et le principe de légalité;

11.        Considérant que, dans tous les cas, les modes alternatifs doivent laisser possible un contrôle par les tribunaux, qui constitue la garantie ultime des droits des administrés et de l'administration;

12.        Considérant que les modes alternatifs doivent se conformer aux principes d'égalité,  d’impartialité et respecter les droits des parties ;

13.        Recommande aux gouvernements des Etats membres de promouvoir le recours aux modes alternatifs de règlement des litiges entre les autorités administratives et les personnes privées en se laissant guider, dans leur législation et leur pratique, par les principes de bonne pratique annexés à la présente recommandation.

Annexe à la Recommandation Rec(2001)9

I.          Dispositions générales

1.          Objet de la recommandation

i.          Cette recommandation porte sur les modes alternatifs de règlement des litiges entre les autorités administratives et les personnes privées ;

ii.         Cette recommandation traite des modes alternatifs suivants : le recours à l’administration, la conciliation, la médiation, la transaction et l'arbitrage ;

iii.        Bien que la recommandation traite du règlement des litiges entre les autorités administratives et les personnes privées, certains des modes qu’elle envisage peuvent servir également à les prévenir avant qu’ils n’apparaissent; c’est le cas notamment de la conciliation, de la médiation et de la transaction.

2.         Champ d'application des modes alternatifs

i.          Les modes alternatifs devraient être admis à titre général ou pour certains types de litiges s’y prêtant concernant l’activité administrative, notamment ceux liés aux actes administratifs individuels, aux contrats, à la responsabilité civile et, de façon générale, les litiges ayant pour objet une somme d'argent ;

ii.         Le choix de modes alternatifs appropriés dépendra du différend en question.

3.         Réglementation des modes alternatifs

i.          La réglementation des modes alternatifs devrait soit les institutionnaliser, soit permettre leur adoption, au cas par cas, selon la décision des parties ;

ii.         La réglementation des modes alternatifs devrait:

a.         assurer aux parties l’information nécessaire sur la possibilité d’avoir recours aux modes alternatifs;

b.         assurer l’indépendance et l’impartialité des conciliateurs, des médiateurs et des arbitres;

c.         garantir une procédure équitable permettant notamment de respecter les droits des parties et le principe d’égalité;

d.         garantir, dans la mesure du possible, la transparence dans l’utilisation des modes alternatifs et l'observation d'une certaine discrétion;

e.         assurer l’exécution des solutions acquises à travers les modes alternatifs.

iii.        La réglementation devrait prévoir une durée raisonnable pour l’aboutissement des procédures alternatives par l’introduction de délais ou par d’autres moyens.

iv.        La réglementation peut prévoir que l'utilisation de certains modes alternatifs aboutisse dans certains cas à la suspension de l'exécution d'un acte, soit automatiquement, soit par décision de l’autorité compétente.

II.        Rapports avec les tribunaux

i.          Certains modes alternatifs, tels que le recours à l’administration, la conciliation, la médiation et la recherche d’une transaction, peuvent intervenir préalablement au recours aux tribunaux. Le recours à ces modes peut être obligatoire et constituer un préalable à la saisine des tribunaux ;

ii.         Certains modes alternatifs, tels que la conciliation, la médiation et la transaction peuvent être utilisés au cours de la procédure devant les tribunaux, éventuellement sur recommandation du juge ;

iii.        Le recours à l’arbitrage doit exclure en principe le recours aux tribunaux ;

iv.        Dans tous les cas, le recours aux modes alternatifs doit laisser possible le contrôle approprié par les tribunaux, qui constitue la garantie ultime des droits des administrés et de l'administration. ;

v.         Le contrôle par les tribunaux dépendra du mode alternatif choisi. Les modalités et l’étendue de ce contrôle pourront porter, selon les cas, sur la procédure, notamment le respect des principes énoncés à la section I.3. ii. a, b, c et d, et/ou sur le fond ;

vi.        En principe et sous réserve de la législation applicable, le recours à un mode alternatif devrait avoir pour effet de suspendre ou d’interrompre les délais de recours aux tribunaux.

III.       Dispositions spécifiques à chaque mode alternatif

1.          Recours à l’administration

i.          En principe, les recours à l'administration doivent être possibles au sujet de tout acte. Ils peuvent porter sur l’opportunité et/ou la légalité d’un acte ;

ii.         Les recours à l'administration peuvent, dans certains cas, être obligatoires, en tant que préalables au recours aux tribunaux ;

iii.        Les recours à l’administration doivent faire l'objet d'un examen et aboutir à une décision par les autorités compétentes.

2.         Conciliation et médiation

i.          La conciliation et la médiation peuvent être engagées à l'initiative des parties ou du juge ou être obligatoirement imposées par la loi ;

ii.         Les conciliateurs et les médiateurs devraient organiser des réunions séparées avec chaque partie ou simultanées afin d’aboutir à une solution ;

iii.        Le conciliateur et le médiateur peuvent inviter l’autorité administrative à abroger, retirer ou modifier un acte, pour des raisons d'opportunité ou de légalité.

3.         Transaction

i.          Sauf disposition contraire de la loi, l’administration ne pourra pas, par une transaction, méconnaître une obligation lui incombant.

ii.         Conformément à la loi, les agents publics qui interviennent dans une procédure visant à une transaction doivent être munis de pouvoirs suffisants pour transiger.

4.         Arbitrage

i.          Les parties devraient pouvoir choisir le droit et la procédure applicables dans les limites légales. Conformément à la loi et au choix des parties, la décision des arbitres pourra être fondée sur l'équité ;

ii.         Même si les arbitres ne sont pas autorisés à apprécier, à titre principal, la légalité d’un acte en vue de son annulation, ils devraient pouvoir le faire à titre préalable en vue de rendre leur décision au fond.


Recommandation Rec (2002) 10

sur la médiation en matière civile

(adoptée par le Comité des Ministres le 18 septembre 2002
lors de la 808ème réunion des Délégués des Ministres)

Le Comité des Ministres, conformément aux dispositions de l'article 15.b du Statut du Conseil de l'Europe,

Se félicitant du développement des modes de résolution des litiges alternatifs à des décisions judiciaires et convenant de l’opportunité de règles établissant des garanties lors de l’utilisation de tels modes;

Soulignant la nécessité de s'attacher en permanence à l’amélioration des méthodes de résolution des litiges tout en tenant compte des besoins propres à chaque juridiction ;

Convaincu de l’intérêt de définir des règles particulières de médiation, processus où un "médiateur" aide les parties à négocier sur les questions en litige et à parvenir à un accord qui leur est propre ;

Reconnaissant les avantages, dans des cas appropriés, de la médiation dans les litiges de droit civil ;

Conscient de la nécessité d'organiser la médiation dans d'autres branches du droit ;

Ayant à l'esprit la Recommandation N° R(98) 1 sur la médiation familiale, la Recommandation N° R(99) 19 sur la médiation en matière pénale et la Recommandation Rec (2001)9 sur les modes alternatifs de règlements des litiges entre les autorités administratives et les personnes privées, ainsi que les résultats des autres activités et recherches menées par le Conseil de l'Europe et au plan national ;

Eu égard plus particulièrement à la Résolution N° 1 sur l'administration de la justice au 21e siècle, adoptée par les Ministres européens de la Justice à leur 23e Conférence les 8-9 juin 2000 à Londres, et en particulier, à l'invitation adressée par les Ministres européens de la Justice au Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, de rédiger, en collaboration avec l'Union européenne, un programme de travail destiné à encourager le recours, le cas échéant, aux procédures de résolution extrajudiciaire des litiges ;

Conscients du rôle important des tribunaux pour favoriser la médiation ;

Notant que, bien que la médiation puisse contribuer à réduire le nombre de litiges et la charge de travail des tribunaux, elle ne peut remplacer un bon système judiciaire juste, efficace et facilement accessible ;

A. Recommande aux gouvernements des Etats membres :

i. de faciliter, chaque fois que nécessaire, la médiation en matière civile ;

ii. de prendre et de renforcer, selon le cas, toutes les mesures qu'ils considèrent comme nécessaires à la mise en œuvre progressive des "Principes directeurs concernant la médiation en matière civile" exposés ci-après.

Principes directeurs concernant la médiation en matière civile

I. Définition de la médiation

1. Aux fins de la présente Recommandation, "médiation" désigne un processus par lequel les parties négocient les questions litigieuses afin de parvenir à un accord avec l’assistance de un ou plusieurs médiateurs.

II. Champ d'application

2. La présente Recommandation s'applique à la médiation en matière civile. Aux fins de la présente Recommandation, l’expression « en matière civile » signifie toute matière impliquant des droits et obligations de caractère civil, y compris ceux qui relèvent du droit commercial, du droit de la consommation et du droit du travail, mais exclut les matières de nature administrative ou pénale. Elle ne porte pas préjudice aux dispositions de la Recommandation n° R(98)1 sur la médiation familiale.

III. Organisation de la médiation

3. Les Etats sont libres de créer et d'organiser la médiation en matière civile de la manière la plus appropriée, que ce soit par le biais du secteur public ou privé.

4. La médiation peut avoir lieu dans le cadre de la procédure judiciaire ou en dehors de celle-ci.

5. Même si les parties utilisent la médiation, l’accès au tribunal devrait être disponible car il constitue la garantie ultime de protection des droits des parties.

6. En organisant la médiation, les Etats devraient rechercher un équilibre entre les besoins et les effets des délais pour agir en justice et la promotion de procédures de médiation rapides et facilement accessibles.

7. En organisant la médiation, les Etats devraient veiller à éviter (i) les retards inutiles et (ii) le recours à la médiation à des fins dilatoires.

8. La médiation peut être particulièrement utile lorsque la procédure judiciaire ne convient pas à elle seule pour les parties, notamment en raison de son coût et de sa nature formelle ou de la nécessité de maintenir le dialogue ou des relations entre les parties.

9. Les Etats devraient prendre en compte l’opportunité de créer et de proposer la médiation dont les frais seraient pris totalement ou partiellement en charge ou de prévoir l’aide judiciaire pour la médiation, notamment si les intérêts de l'une des parties demandent une protection particulière.

10. Lorsque la médiation entraîne des frais, ces derniers devraient être raisonnables et en rapport avec l'importance de la question en jeu et prendre en compte la quantité de travail fournie par le médiateur.

IV. Processus de médiation

11. Les Etats devraient décider si et en quelle mesure les clauses relatives à la médiation peuvent restreindre le droit des parties d’agir en justice.

12. Le médiateur devrait agir de manière impartiale et indépendante et veiller au respect de l’égalité des armes pendant le processus de médiation. Le médiateur n’a pas le pouvoir d’imposer une solution aux parties.

13. Les informations relatives au processus de médiation sont confidentielles et ne peuvent être ultérieurement utilisées, sauf avec l’accord des parties ou dans les cas permis par le droit national.

14. Le processus de médiation devrait laisser suffisamment de temps aux parties pour examiner les questions soulevées et pour rechercher une solution éventuelle au litige.

V. Formation et responsabilités des médiateurs

15. Les Etats devraient envisager de prendre des mesures pour promouvoir l’adoption de normes appropriées pour la sélection, la responsabilité, la formation et la qualification des médiateurs, y compris les médiateurs traitant de questions internationales.

VI. Accords issus de la médiation

16. Un document écrit devrait d'ordinaire être rédigé à la fin de chaque processus de médiation pour définir l'objet, l'étendue et l’issue de l'accord. Les parties devraient pouvoir bénéficier d'un délai de réflexion limité et agréé entre les parties entre le moment où il est rédigé et la date où il est signé.

17. Les médiateurs devraient informer les parties de l’effet des accords issus de la médiation et des démarches à faire si l’une ou les deux parties souhaitent exécuter leurs accords. De tels accords ne devraient pas aller à l’encontre de l’ordre public.

VII. Information sur la médiation

18. Les Etats devraient fournir au public et aux personnes impliquées dans des litiges civiles une information générale sur la médiation.

19. Les Etats devraient rassembler et distribuer des informations détaillées sur la médiation en matière civile, qui comprennent entre autres les coûts et l'efficacité de la médiation.

20. Des mesures devraient être prises conformément aux pratiques et au droit nationaux pour créer un réseau de centres régionaux et/ou locaux, où les particuliers puissent obtenir un avis impartial et des renseignements sur la médiation, même par téléphone, par lettre ou par courrier électronique.

21. Les Etats devraient fournir une information sur la médiation en matière civile aux professionnels impliqués dans le fonctionnement de la justice.

VIII. Aspects internationaux

22. Les Etats devraient encourager la création de dispositifs permettant de promouvoir l’utilisation de la médiation pour résoudre des questions comportant un élément international.

23. Les Etats devraient promouvoir la collaboration entre les services intéressés par la médiation en matière civile afin de faciliter le recours à la médiation internationale.

B. Charge le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe de transmettre la présente Recommandation aux autorités compétentes de l'Union européenne afin :

- de promouvoir la coopération entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne dans le cadre de toute suite donnée à la présente Recommandation et, notamment, de diffuser par le biais d'un site Web des renseignements sur les lois et procédures des Etats dans les domaines cités par la présente Recommandation ; et

- d'encourager l'Union européenne, lorsqu'elle élabore des règles au niveau de la Communauté européenne, à rédiger des dispositions destinées à compléter ou à renforcer les dispositions de la présente Recommandation ou à faciliter l'application des principes qu'elle consacre.