Strasbourg, 27 novembre 2006                                                        CEPEJ(2006)17 PROV 1.

COMMISSION EUROPÉENNE POUR L’EFFICACITÉ DE LA JUSTICE

(CEPEJ)

projet de lignes directrices visant à ameliorer la mise en œuvre des recommandations existantes concernant la mediation

familiale et civile

RAPPORT INTÉRIMAIRE

Le présent document a été préparé par le CEPEJ-GT-MED lors de sa deuxième réunion (Strasbourg, 20-22 novembre 2006), sur la base du rapport d’évaluation de l’impact des Recommandations concernant la médiation préparé par l’expert scientifique, M. Julien LHUILLIER (France).

Le présent document constitue un rapport intérimaire, qui doit être finalisé.

Le CEPEJ-GT-MED propose d’organiser une réunion supplémentaire en 2007 pour terminer son travail.


projet de lignes directrices visant à ameliorer la mise en œuvre des recommandations existantes concernant la mediation familiale et civile

           

INTRODUCTION

1.         Lors du troisième Sommet du Conseil de l’Europe (organisé à Varsovie en mai 2005), les Chefs d’Etat et de Gouvernement se sont engagés à « faire pleinement usage du potentiel normatif du Conseil de l’Europe » et à promouvoir « la mise en œuvre et le développement des instruments juridiques et mécanismes de coopération juridique ». Ils ont également décidé « d’aider les Etats membres à rendre la justice avec équité et rapidité et à développer des mesures alternatives de règlement des litiges ».

2.         À la lumière de ces décisions, la CEPEJ, dont l’un des objectifs statutaires consiste à permettre une meilleure application des instruments juridiques internationaux du Conseil de l’Europe concernant l’efficacité et l’équité de la justice, a inscrit une nouvelle action sur la liste de ses priorités : faciliter l’application effective des instruments et des normes du Conseil de l’Europe concernant les modes de règlement alternatifs des conflits.

3.         Le Groupe de travail sur la médiation (CEPEJ-GT-MED) a donc été créé en vue d’examiner l’impact des Recommandations pertinentes du Comité des Ministres dans les Etats membres, à savoir :

-           Recommandation Rec(98)1 sur la médiation familiale ;

-           Recommandation Rec(2002)10 sur la médiation en matière civile ;

-           Recommandation Rec(99)19 sur la médiation en matière pénale ;

-           Recommandation Rec(2001)9 sur les modes alternatifs de règlement des litiges entre   les autorités administratives et les personnes privées,

mais aussi de recommander des mesures spécifiques destinées à faciliter leur application effective, afin d’améliorer l’application des principes de la médiation contenus dans ces Recommandations.

4.         Lors de la première réunion du Groupe de travail (qui s’est tenue à Strasbourg du 8 au 10 mars 2006), un questionnaire a été élaboré pour déterminer dans quelle mesure les Etats membres connaissent les Recommandations susmentionnées et pour mesurer les développements de la médiation au niveau national, conformément aux principes qui y sont mentionnés. Les questionnaires ont été adressés à 16 Etats représentatifs.

5.         Quelques 52 réponses provenant des Etats membres et des praticiens ont été reçues, et un rapport synthétisant ces réponses a été préparé par un expert scientifique, M. Julien LHUILLIER (France).

6.         Comme l’on pouvait s’y attendre, des disparités considérables existent entre les Etats membres concernant les développements de la médiation, et ce en raison de divers obstacles qui sont les suivants :

- manque de sensibilisation à la médiation ;

- coûts relativement élevés de la médiation pour les parties et déséquilibres financiers ;

- disparités concernant la formation et les qualifications des médiateurs ;

- disparités quant à la portée et les garanties du principe de confidentialité.

7.         Compte tenu de ces obstacles, le Groupe de travail a donc rédigé les lignes directrices suivantes en vue d’améliorer la mise en œuvre des principes de médiation contenus dans les Recommandations susmentionnées.

8.         Le présent document porte sur les Recommandations Rec(98)1 sur la médiation familiale et Rec(2002)10 sur la médiation en matière civile. Les deux autres Recommandations concernant la médiation en matière pénale et les modes alternatifs de règlement des litiges entre les autorités administratives et les personnes privées requièrent une approche spécifique. Le Groupe de travail suggère de ce fait de préparer ultérieurement des lignes directrices distinctes concernant ces deux autres Recommandations, non traitées dans le présent document.

9.         Pour faciliter la lecture, ces lignes directrices ont été regroupées sous trois titres : disponibilité, accessibilité et sensibilisation.

1.         DISPONIBILITÉ

10.       La médiation ne pourra être établie dans les États membres que si les services de médiation sont à la disposition de toutes les parties en litige, et pour améliorer la disponibilité de ces services, des mesures devraient être prises pour promouvoir et établir des systèmes de médiation susceptibles de fonctionner.  

1.1       Soutien des Etats membres aux projets de médiation

11.       Il est particulièrement important que les Etats membres soutiennent financièrement et/ou assurent la promotion, reconnaissent, etc., à la fois les systèmes de médiation existants et ceux nouvellement créés, pour garantir qu’ils offrent un service de médiation de qualité, faisant intervenir de manière équilibrée les différentes parties intéressées à la médiation (associations de médiateurs reconnues, médiateurs, chercheurs, barreaux, système judiciaire, les professionnels de la justice, etc.).

1.2.        Rôle des juges

12.       Les juges ont un rôle important à jouer dans le développement de la médiation. Ils devraient être habilités à organiser des séances d’information sur la médiation et, le cas échéant, avoir l’obligation d’inviter les parties en litige à s’adresser à la médiation. Il importe donc que les services de médiation soient disponibles, soit en créant des services de médiation annexés aux tribunaux, soit en orientant les parties vers des listes de prestataires de services de médiation.

1.3.      Rôle des avocats

13.       Les Etats membres, les barreaux et les associations professionnelles d’avocats devraient considérer la possibilité d’inclure dans les codes de conduite à l’usage des avocats l’obligation d’envisager, dans certains cas appropriés, des modes alternatifs de règlement des conflits, dont la médiation, avant d’aller devant les tribunaux, et de fournir les renseignements et conseils pertinents à leurs clients sur ce thème.

14.       Les barreaux et les associations professionnelles d’avocats devraient disposer de listes de prestataires de services de médiation et les diffuser auprès des avocats.

1.4.      Qualité des dispositifs de médiation

15.       Il est important que les Etats membres contrôlent continuellement leurs dispositifs de médiation et les projets pilotes en cours et qu’ils mettent en œuvre une évaluation extérieure et indépendante. Certains critères communs devraient être élaborés.

1.5.      Qualifications des médiateurs

16.       Pour les juges qui orientent les parties vers les services de médiation, pour les avocats qui conseillent leurs clients et pour le public qui doit avoir confiance dans la procédure de médiation, il est essentiel que la qualité de la médiation soit garantie.

17.       Compte tenu des disparités existant entre les programmes de formation, les Etats membres devraient s’efforcer de s’assurer que les médiateurs disposent de programmes de formation adéquats et  devraient fixer des normes communes en matière de formation.

18.       Les éléments suivants devraient figurer dans les programmes de formation :

·                     principes et objectifs de la médiation,

·                     attitude et déontologie du médiateur,

·                     les phases du processus de médiation,

·                     modes de règlement traditionnel des litiges et médiation,

·                     indication, structure et déroulement de la médiation,

·                     cadre juridique de la médiation,

·                     art et techniques de la communication et de la négociation,

·                     art et techniques de la médiation,

·                     part appropriée accordée aux jeux de rôle et exercices pratiques,

·                     particularités de la médiation familiale et intérêt de l’enfant (formation à la médiation familiale) ainsi que des différents types de médiation en matière civile (formation à la médiation en matière civile),

·                     évaluation des compétences des personnes formées.

19.       Si possible, il est fortement recommandé d’assurer le suivi de cette formation en mettant en place une supervision, un tutorat et une formation professionnelle continue.

20.       Les Etats membres devraient reconnaître l’importance d’établir des critères communs pour l’accréditation des médiateurs et/ou des institutions qui offrent des services de médiation et/ou qui forment les médiateurs. Compte tenu de la mobilité croissante des populations à travers l’Europe, certaines mesures devraient être prises pour établir des critères communs internationaux (par exemple, un brevet de médiateur européen, etc.).

 

21.       Dans la mesure où certains Etats membres rencontrent des difficultés en ce qui concerne la qualité de la formation des médiateurs, il est recommandé d’établir des liens entre les institutions nationales de formation et/ou d’établir un programme continu de formation des médiateurs (par exemple, un centre européen de formation des médiateurs). Le Conseil de l’Europe, si possible en coopération avec l’Union européenne, pourrait contribuer à faciliter ce travail.

1.6.      Code de conduite

22.       Les Etats membres devraient prendre des mesures pour garantir, au sein de leurs Etats, l’uniformité des définitions, de la portée et des garanties des grands principes de la médiation, tels que la confidentialité, par exemple.        

23.       Compte tenu du fait que le Code européen de conduite des médiateurs commence à être généralement reconnu par les différentes parties intéressées par la médiation dans l’ensemble de l’Europe, et pour uniformiser les grands principes de la médiation, il est recommandé que les Etats membres assurent la promotion de ce code comme norme minimale.

1.7       Violations du code de conduite

24.       Lorsque les médiateurs enfreignent les prescriptions du code de conduite, les Etats membres et les parties concernées par la médiation devraient pouvoir porter plainte et disposer de procédures disciplinaires.

1.8.      Médiation internationale

25.       Suite à l’adoption de la Recommandation Rec(98)1 sur la médiation familiale notamment, il semble que très peu d’Etats membres aient mis en place des mécanismes permettant le recours à la médiation dans les affaires comportant un élément d’extranéité. Il est donc recommandé aux Etats membres qui ont progressé dans ce domaine de faciliter les échanges d’informations avec les autres Etats membres.

26.       Compte tenu du coût élevé de la médiation internationale, les Etats devraient encourager le recours aux nouvelles technologies offrant un substitut aux rencontres face à face, telles que les vidéoconférences, les réunions téléphoniques et les méthodes de règlement des conflits en ligne (utilisant Internet).

2.         ACCESSIBILITÉ

2.1.      Coût de la médiation pour les usagers

27.       Le coût de la médiation pour les usagers devrait être raisonnable et proportionnel aux intérêts en cause. Afin que la médiation soit à la portée du grand public, les Etats devraient garantir un soutien financier direct en faveur des services de médiation.

28.       Par souci d’égalité devant la loi et d’accès au droit, il est inadmissible que certaines catégories sociales ne puissent bénéficier de ces services pour des raisons d’ordre économique. Pour ceux disposant de moyens économiques limités, les Etats membres devraient s’assurer que l’aide judiciaire est disponible pour les parties à la médiation, de la même manière qu’ils assurent une aide judiciaire aux parties en procès.

29.       Afin de rendre la médiation internationale accessible, et compte tenu du coût élevé de la médiation internationale et de la complexité de son organisation, les Etats membres devraient prendre des mesures pour établir, soutenir et promouvoir la médiation internationale.

2.2.      Suspension des délais de prescription

30.       Les parties ne devraient pas se trouver empêchées de recourir à la médiation en raison de l’expiration des délais de prescription. En pratique, les réponses des Etats membres montrent que peu d’entre eux ont prévu de suspendre les délais de prescription lorsqu’ils renvoient une affaire devant un médiateur. Afin de remédier à ce problème, les Etats membres sont fortement encouragés à appliquer des dispositions prévoyant la suspension des délais de prescription.

3.         SENSIBILISATION

31.       Même lorsque la médiation est disponible et accessible à tous, tous ne sont pas sensibilisés à la médiation. Les réponses au questionnaire montrent que l’un des principaux obstacles à l’avancement de la médiation réside dans le manque d’information des professionnels de la justice, des usagers de la justice et du public en général. Les Etats membres et les parties intéressées par la médiation devraient garder à l’esprit qu’il est difficile de modifier l’habitude prise par la société de compter principalement sur les procédures judiciaires classiques pour résoudre ses conflits.

32.       Dans la mesure où les Recommandations du Conseil de l’Europe sur la médiation et les modes alternatifs de règlement des différends doivent être accessibles aux décideurs politiques, aux universitaires, aux parties concernées par la médiation et aux médiateurs, il est important qu’elles soient traduites et diffusées dans les langues de tous les Etats membres.

33.       Il est en outre recommandé que la CEPEJ créée une page spéciale consacrée à la médiation sur son site Internet. Cette page pourrait inclure : la traduction des textes des Recommandations et des autres documents pertinents du Conseil de l’Europe concernant la médiation, l’évaluation de l’impact des Recommandations sur la médiation dans les pays, des informations sur le contrôle et l’évaluation des dispositifs et des projets pilotes de médiation, une liste des prestataires de services de médiation dans les Etats membres, des liens utiles, etc.

3.1.      Sensibilisation de l’opinion publique

34.       Les Etats membres et les parties intéressées par la médiation devraient prendre des mesures appropriées pour sensibiliser l’opinion publique aux avantages de la médiation.

35.       Ces mesures pourraient inclure :

·                     des campagnes médiatiques,

·                     la diffusion de l’information sur la médiation par le biais de dépliants/brochures, d’Internet, d’affiches,

·                     des lignes téléphoniques spéciales,

·                     la mise en place de centres d’information et de conseil,

·                     des campagnes de sensibilisation focalisées telles que des « semaines de la médiation »,

·                     des séminaires et des conférences,

·                     des journées « portes ouvertes » consacrées à la médiation dans les tribunaux et les institutions prestataires de services de médiation.

36.       Les Etats membres devraient également prendre note du fait qu’en pratique, la création de services de médiation annexés aux tribunaux semble être un moyen efficace de sensibiliser à la médiation l’appareil judiciaire, les professionnels du droit et les usagers.

37.       Les Etats membres, les universités, les autres institutions académiques et les parties intéressées devraient soutenir et promouvoir la recherche scientifique dans le domaine de la médiation et des modes alternatifs de règlement des conflits.

38.       La médiation et les autres formes de règlement des conflits devraient être inclus dans les programmes éducatifs nationaux.

3.2.      Sensibilisation des usagers

39.       Les membres du système judiciaire, les procureurs, les avocats et autres professionnels du droit, de même que les autres institutions impliquées dans le règlement des litiges devraient fournir, à un stade précoce, des renseignements et des conseils spécifiques sur la médiation aux parties en litige.

40.       Afin d’accroître l’intérêt des usagers pour la médiation, les Etats membres pourraient envisager la possibilité de réduire ou de supprimer les frais de justice dans des conditions spécifiques lorsque les parties recourent à la médiation pour tenter de régler leur conflit, soit avant l’ouverture du procès, soit au cours de la procédure judiciaire.

41.       Les Etats membres pourraient demander aux usagers et aux fournisseurs d’aide judiciaire d’envisager, avant de bénéficier de l’aide en question à l’occasion d’une procédure judiciaire, la possibilité de tenter un règlement amiable du conflit, notamment par le biais de la médiation.

42.       Les parties pourraient être pénalisées si elles ne considèrent pas activement la possibilité de recourir à un mode de règlement amiable. Par exemple, les Etats membres pourraient envisager d’ériger en règle le fait que les parties à un litige civil ou familial tranché par voie de jugement qui ont normalement droit au remboursement de leurs frais de justice ne puissent prétendre au remboursement de l’intégralité des frais si elles ont refusé la médiation ou si elles ne peuvent apporter la preuve qu’elles ont activement considéré la possibilité de recourir à un mode de règlement amiable de leur différend.

3.3       Sensibilisation du système judiciaire

43.       Les juges jouent un rôle crucial dans la propagation de la culture du règlement amiable des litiges. Il est donc essentiel qu’ils soient pleinement informés sur la procédure de médiation et conscients de ses avantages. Ce but pourrait être atteint par le biais de sessions d’information et de programmes de formation initiale et continue qui comprennent des éléments spécifiques utiles dans le travail quotidien des juridictions spécifiques.  

44.       Il importe de renforcer les liens à la fois institutionnels et personnels entre les juges et les médiateurs. Ceci pourra notamment être accompli en organisant des séminaires et des conférences conjoints.

3.4.      Sensibilisation des avocats

45.       La médiation devrait être incluse dans les programmes de formation générale et spécialisée des professionnels du droit.

46.       Les barreaux et associations d’avocats devraient envisager la possibilité de participer à la fourniture de services de médiation.

47.       Les Etats membres et les barreaux devraient prendre des mesures pour établir des barèmes d’honoraires qui encouragent les avocats à conseiller à leur client de recourir à des méthodes de règlement amiable des litiges, et notamment à la médiation. Par exemple, les honoraires fixes pour chaque type d’affaire pourraient favoriser les règlements à un stade précoce ; les clients pourraient acquitter les mêmes honoraires d’avocats que leur cause soit réglée par voie de médiation ou à l’issue d’un procès classique ; la rémunération des avocats pourrait être bonifiée lorsque la médiation aboutit au règlement du différend.