Strasbourg, 31 octobre 2006                                                              CEPEJ (2006) 11

COMMISSION EUROPEENNE POUR L’EFFICACITE DE LA JUSTICE

(CEPEJ)

Non-exécution de décisions de justice rendues contre l’Etat et ses organes dans la Fédération de Russie :

problèmes en suspens et solutions requises

Table ronde

Strasbourg, Palais de l'Europe

30 – 31 octobre 2006

CONCLUSIONS


Préoccupés par le nombre élevé de violations de l’Article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme dans la Fédération de Russie révélant un important problème structurel de non-respect des décisions des juridictions nationales par l’Etat et ses organes ;

Rappelant que les constatations de ces violations par la Cour européenne des droits de l'homme imposent une obligation légale d’adopter des mesures générales pour prévenir de nouvelles violations similaires ;

Gardant à l'esprit les dispositions de la Recommandation Rec(2003)16 sur l’exécution des décisions administratives et juridictionnelles dans le domaine du droit administratif ;

Ayant minutieusement examiné le mémorandum préparé pour le Comité des Ministres par le Service de l'exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme[1] et le rapport élaboré par la Commission européenne pour l’efficacité de la justice[2], qui proposent des lignes directrices utiles pour l’adoption des réformes nécessaires afin de remédier au problème structurel susmentionné ;

Les participants à la Table ronde :

se félicitent du fait que toutes les autorités concernées de la Fédération de Russie soient convenues de se rencontrer et de discuter, de manière ouverte et constructive, des moyens d’améliorer les procédures existantes pour l’exécution des décisions rendues par les juridictions nationales contre l’Etat et ses organes ;

soulignent l’obligation stricte de toute autorité publique de se conformer aux décisions de justice exécutoires ;

notent que la procédure d’exécution spéciale introduite par la Loi n° 197-ФЗ depuis janvier 2006 n’a pas résolu toutes les difficultés ;

expriment leur soutien à une procédure uniforme simplifiée traitant sur un pied d’égalité l’Etat fédéral et ses organes financés par différents budgets, comprenant notamment des mécanismes de contrôle appropriés à tous les niveaux et des règles d’indemnisation pour les  retards dans l’exécution ;

saluent les discussions en cours sur ces questions et notent dès ce stade les propositions suivantes visant à améliorer le système existant, en particulier :

-       la nécessité d’améliorer la planification budgétaire et les procédures visant à garantir, à travers des allocations budgétaires extraordinaires, que les fonds disponibles à un moment donné correspondent aux obligations de paiement de l’Etat ;

-       la nécessité d’exprimer clairement et correctement les fonctions et responsabilités respectives de toutes les autorités impliquées, au niveau fédéral et au niveau des entités ;

-       le vaste soutien donné à l’idée de créer un fonds spécial pour garantir l’application des décisions de justice en temps voulu, avec possibilité de recouvrement ultérieur des sommes dues auprès du débiteur avec des intérêts moratoires ;

-       la nécessité d’améliorer la procédure d’exécution spéciale, à savoir la nécessité :

§  de remédier aux formalités excessives pour les particuliers à la fois lorsqu’il s’agit de déterminer quelle est l’autorité compétente pour exécuter la décision et lorsqu’il s’agit de rectifier des titres exécutoires, ainsi que de développer davantage les mécanismes simplifiés à cet égard au niveau de l’administration et des tribunaux ;

§  d’introduire un mécanisme d’indemnisation automatique pour les retards dans l’exécution grâce à des intérêts moratoires appropriés devant être fixés par une loi spécifique et revus à intervalles réguliers afin qu’ils soient maintenus à un taux raisonnable (en fonction du taux de la Banque centrale par exemple) ; ces intérêts moratoires devraient être calculés et imposés automatiquement sans que les personnes concernées ne soient obligées de s’adresser à nouveau aux tribunaux ;

§  d’envisager de développer le mécanisme d’intérêts moratoires punitifs ou de sanctions pécuniaires en cas de retards excessifs dans l’exécution ;

§  de développer davantage le mécanisme qui permet au Trésor public fédéral de geler les comptes et d’envisager la possibilité de lui confier d’autres fonctions d’exécution forcée en cas de non-exécution ;

§  de renforcer la responsabilité civile de l’Etat pour non-exécution constatée par les tribunaux ainsi que la responsabilité individuelle (disciplinaire, administrative et pénale, le cas échéant) des décideurs en cas d’abus de pouvoir :

·         se réjouissentà cet égard des évolutions positives récentes de la jurisprudence interne qui impose des intérêts moratoires sur les dettes de l’Etat et engage la responsabilité civile de ce dernier, y compris en cas de manque de fonds ;

·         invitent les procureurs à user efficacement de tous les moyens dont ils disposent pour garantir l’exécution des décisions de justice de manière appropriée et dans un délai raisonnable par l’Etat et ses organes ;

soulignent que, dans l’attente des améliorations nécessaires de la procédure d’exécution, il convient de faire preuve d’une diligence particulière dans l’exécution des décisions concernant les personnes vulnérables (comme les victimes de radiation) ;

soulignent que les mécanismes d’exécution forcée contre l’Etat et ses organes devraient être introduits comme mesures subsidiaires garantissant le plein respect des décisions de justice  et que les actifs de l’Etat devraient être désignés pour garantir une telle exécution forcée ;

soutiennent l’idée d’introduire un ensemble de règles communes régissant toutes les procédures d’exécution, notamment le rôle approprié des huissiers de justice et le contrôle juridictionnel ;

décident de transmettre ces conclusions au Comité des Ministres et au CEPEJ et de faire suivre les propositions aux autorités russes concernées afin qu’elles prennent les mesures qui s’imposent ;  

proposent qu’en 2007, compte tenu de la profusion des données, ce travail porte plus particulièrement sur les obligations des municipalités et des régions, plus particulièrement dans le cadre du programme d’activités du CEPEJ ; 

conviennent de reprendre l'examen des progrès accomplis sous une forme appropriée dès que possible.



[1] Non-exécution des décisions rendues par les tribunaux nationaux en Russie : mesures générales pour le respect des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, CM/Inf/DH(2006) 19 Rev. 2

[2] Examen des problèmes relatifs à l'exécution des décisions rendues par les tribunaux civils nationaux contre l’Etat et ses organes dans la Fédération de Russie, CEPEJ (2005) 8