Strasbourg, 9 décembre 2005                                                                                  CEPEJ(2005) 8

COMMISSION EUROPEENNE POUR L’EFFICACITE DE LA JUSTICE

(CEPEJ)

EXAMEN DE PROBLEMES LIES A L’EXECUTION DES DECISIONS RENDUES PAR LES JURIDICTIONS CIVILES NATIONALES CONTRE L’ETAT ET SES ENTITES EN FEDERATION DE RUSSIE

Rapport établi par

 

Mme Mireille HEERS (France)

M. Hans-Peter SCHMIESZEK (Allemagne)

M. Theo SIMONS (Pays-Bas)

M. Michael VRONTAKIS (Grèce)

adopté par la CEPEJ lors de sa 6ème réunion plénière (7-9 décembre 2005)


Contexte

1.       Dans le cadre de l’article 2.1.d du Statut de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ), la Direction des affaires juridiques de l’Etat auprès du Président de la Fédération de Russie a demandé l’assistance de la CEPEJ[1] pour que celle-ci i) analyse la situation concernant la non-exécution des décisions de justice rendues contre l’Etat et/ou ses organes en Fédération de Russie à la lumière de l’expérience des autres Etats membres et ii) formule des recommandations en vue d’améliorer cette situation.

2.      Cette demande a été présentée notamment en raison  des nombreuses affaires portant sur ce point précis dont la Cour européenne des Droits de l’Homme a été saisie – environ 40% des affaires visant la Fédération de Russie et déclarées recevables par la Cour concernent la question de la non-exécution des décisions de justice par l’Etat et ses organes.

3.      Cette activité d'assistance a été approuvée par le Bureau de la CEPEJ le 18 janvier 2005.

L’équipe d’experts suivante a été désignée à cette fin :

-   Mme Mireille HEERS, Vice-Présidente de la Cour Administrative d’Appel de Versailles (France),

-   M. Hans-Peter SCHMIESZEK, Chef du bureau du droit de la procédure administrative au Ministère fédéral de la Justice (Allemagne),

-   M. Theo SIMONS, Premier Vice-Président de la Cour administrative d’Appel (Pays-Bas),

-   M. Michael VRONTAKIS, membre de la CEPEJ au titre de la Grèce, Vice-Président du Conseil d’Etat (Grèce).

La CEPEJ a été informée de cette coopération lors de sa 5ème réunion plénière (15 - 17 juin 2005).

4.      Une mission exploratoire a eu lieu à Moscou du 27 au 29 juin 2005.  Le programme de la mission est reproduit à l’annexe I.

Sur la base des travaux de cette mission d’enquête, les experts ont préparé un rapport préliminaire, examiné avec la délégation russe à Strasbourg les 20 et 21 octobre 2005.  La liste des participants est reproduite à l’annexe II.

Le rapport élaboré par les experts a été adopté par la CEPEJ lors de sa 6ème réunion plénière (7  - 9 décembre 2005).


Observations liminaires

5.      L’exécution des décisions de justice est un élément d’un procès équitable, au sens de l’article 6 de la Convention européenne des Droits de l’Homme et de la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH). Si les décisions définitives rendues contre l’Etat ou ses entités ne sont pas exécutées, ou ne sont pas exécutées dans un délai raisonnable, la violation de la Convention est établie. 

Il en est ainsi, que le jugement soit rendu contre la Fédération ou l’un de ses Sujets. 

6.      Lorsqu’ils ont étudié la question de l’exécution des décisions de justice par les autorités de l’Etat, les experts ont attiré l’attention sur la Recommandation Rec(2003)16 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur l’exécution des décisions administratives et juridictionnelles dans le domaine du droit administratif[2].  Ils recommandent d’utiliser les principes énoncés dans cette Recommandation comme lignes directrices pour procéder à des réformes éventuelles en vue d’améliorer les procédures et mécanismes d’exécution des décisions de justice rendues contre l’Etat ou ses entités.

7.      Il apparaît d’emblée que le problème de la non-exécution des décisions de justice en Fédération de Russie, problème vaste et multidimensionnel, touche l’efficacité et  le bon fonctionnement du pouvoir judiciaire à tous les niveaux.  Le défaut de paiement de sommes d’argent à la suite de décisions prononcées par les juridictions internes constitue l’une des principales difficultés.  Les autorités ont admis que ces difficultés n’étaient pas dues à un manque de moyens financiers. 

8.      Le problème essentiel semble tenir à l’absence de procédures adéquates permettant à la fois le règlement coordonné et dans les délais des sommes dues et l’exécution des décisions de justice ordonnant à l’Etat de payer ces sommes.  Les questions qui se sont posées aux experts concernent directement ou indirectement les décisions de justice qui :

(a)  sont prises à la suite d’actions engagées soit par des particuliers, soit par des sociétés, qui se plaignent de la non-satisfaction de demandes à caractère pécuniaire;

(b)  sont exécutoires sur le budget de l’Etat et/ou de ses entités en Fédération de Russie.

9.      C’est pourquoi le présent rapport sera exclusivement axé sur les décisions impliquant des questions financières.

10.   Les experts soulignent toutefois que, lorsqu’on examine la question de l’exécution des décisions de justice contre l’Etat ou ses entités, il faut accorder autant d’attention aux autres affaires qui portent sur les relations entre l’administration et les particuliers.  Ainsi, dans le cadre de l’examen de l’obligation incombant à l’Etat d’exécuter les décisions de justice conformément à l’article 6 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, il faut tenir compte avec attention des décisions juridictionnelles annulant des actes administratifs ou créant des obligations positives.


I. SITUATION DE L’EXECUTION DES DECISIONS DE JUSTICE RENDUES CONTRE L’ETAT OU SES ENTITES

11.    Il apparaît qu’en Fédération de Russie, au moins 50% des décisions de justice condamnant l’Etat à payer des sommes d’argent aux demandeurs ne sont pas exécutées ou ne sont pas exécutées dans un délai raisonnable. Bien qu’elle semble généralement s’améliorer, la situation pâtit toujours d’une accumulation d’affaires.

12.   Les principaux problèmes se rapportant à cette situation peuvent être scindés en trois groupes, comme suit :

1.   Problèmes d’ordre législatif:

(a)  Certaines lois adoptées dans les années 90 en matière sociale n’avaient apparemment pas pris en compte les capacités financières réelles du budget.  De ce fait, les fonds nécessaires manquaient pour régler les sommes dues aux différents créanciers et les cas de non-exécution se sont multipliés ; les retards ne sont toujours pas comblés.

(b)  La loi ne définit pas toujours avec précision les modalités de paiement (entités, sources et procédure), surtout en matière de bénéfices sociaux.

(c)   Malgré l’adoption de lois et de politiques entraînant des dépenses publiques, les provisions financières correspondantes ne semblent pas toujours anticipées dans le budget.

(d)  Les lois changent fréquemment et la législation financière devient de plus en plus complexe.

2.   Problèmes d’ordre judiciaire:

(e)  Des décisions de justice contradictoires peuvent être prononcées sur la même question. En effet, l’existence de compétences concurrentes au sein du système judiciaire russe peut donner lieu à des recours parallèles, d’une part devant les juridictions commerciales («arbitrales») et, d’autre part, devant les juridictions civiles;les décisions rendues peuvent diverger.  C’est ainsi que l’autorité publique condamnée pécuniairement par un tribunal de l’un des ordres juridictionnels peut être incitée, avant d’exécuter la décision, à attendre qu’une autre décision, peut-être plus favorable, soit rendue par un tribunal de l’autre ordre.

(f)    Les procédures de réexamen de la légalité des décisions juridictionnelles définitives (nadzor) peuvent, dans certaines circonstances, créer des incertitudes quant à la nature d'une décision définitive et inciter ainsi les autorités publiques, avant d’exécuter la décision, à attendre que cette voie de recours extraordinaire, dont l’issue sera peut-être plus favorable, soit éventuellement utilisée, surtout pour éviter le risque d’une restitution.

(g)  En cas de non-exécution d’une décision de justice, le demandeur peut saisir plusieurs fois le juge afin de faire ordonner l’indexation d’une somme (certains avocats peuvent se «spécialiser» dans ces procédures).  En outre, certains retards peuvent donner lieu à de nouveaux recours fondés sur le préjudice moral causé par la non-exécution.  C’est ainsi qu’est entretenu le cercle vicieux des décisions non exécutées.

(h)  Le manque de formation ou de qualification de certains juges peut nuire à la bonne exécution d’une décision (en particulier à cause des lacunes dans la motivation des décisions de justice). 

Pour cette raison, les tribunaux peuvent ne pas appliquer le droit en vigueur, le déclarer nul et sans effet, ou l’interpréter d’une autre manière que celle voulue par le législateur, ce qui pourrait inciter les autorités à méconnaître la décision de justice.

(i)    Le système juridique repose sur le caractère volontaire de l’exécution des jugements par la Fédération (les biens fédéraux ne peuvent être saisis), ce qui empêche l'exécution forcée contre la Fédération.

(j)    On peut constater des lacunes dans la procédure régissant les activités du Bureau Fédéral des huissiers et une insuffisance des moyens qui leur sont attribués.

3.   Problèmes d’ordre administratif et budgétaire:

(k)  L’organe chargé du paiement des indemnités au sein du Ministère des finances ne dispose pas de ressources financières et humaines suffisantes pour remédier aux retards excessifs dans l’exécution des décisions de justice.

(l)    Selon les procédures en vigueur, les sommes d’argent que l’Etat doit régler en application de décisions de justice doivent être inscrites au budget de l’année suivante ; il est impossible d’imputer les sommes requises sur le budget de l’année en cours (pas de réserves budgétaires), ce qui entraîne automatiquement des retards d’exécution.

(m)                 Des réformes récentes ont été adoptées concernant les relations entre la Fédération, ses Sujets et les municipalités. Certaines compétences sont partagées ou ont été récemment transférées d’un échelon à un autre. Il n’est donc pas toujours facile de savoir aujourd’hui devant quel organe ou à quel niveau  faire exécuter la décision de justice.

(n)  Sans mesures de contrôle adéquates, les fonds transférés de l’échelon fédéral aux échelons inférieurs pour payer les sommes dues aux citoyens, y compris pour l’exécution des décisions de justice, peuvent être affectés à d’autres fins par les échelons inférieurs.

(o)  Parfois, des décisions individuelles rendues au niveau administratif créent des obligations juridiques vis-à-vis de tiers sans tenir compte de l’implication budgétaire des telles décisions.

(p)  Les autorités publiques se heurtent à des difficultés lorsque des demandes d’exécution leur sont présentées très tardivement.


II.  RECOMMANDATIONS

13.   Les graves lacunes que présente l’exécution des décisions de justice contre l’Etat ou ses entités, clairement reconnues par les autorités russes, sont la conséquence de dysfonctionnements multiples qui s’additionnent et apparaissent à divers échelons, souvent au-delà de la sphère judiciaire ou juridique.

14.   Vu la complexité du problème posé, les experts souhaitent commenter la situation à trois niveaux : considérations d'ordre général, recommandations visant l'environnement de l’exécution et recommandations spécifiques en matière d’exécution.

1.  Considérations d'ordre général

15.   Aux termes de son Statut, l’assistance spécifique fournie par la CEPEJ aux Etats membres du Conseil de l’Europe est conçue comme une aide technique circonscrite aux mesures juridiques et judiciaires. Bien que la CEPEJ n’ait pas la prétention d’aller au-delà de cette fonction et ne pense pas être qualifiée pour faire des observations qui iraient au-delà de cette dimension technique, elle estime nécessaire de souligner les quelques points d’ordre plus général suivants avant de centrer ses propos sur les questions d’ordre juridique et judiciaire.

16.   Les experts estiment que, pour résoudre durablement le problème de l’exécution des décisions de justice par les autorités publiques, les réformes ne peuvent se cantonner à la procédure juridictionnelle ou à l’organisation des services d’exécution.

a) Relations entre l’Etat fédéral, ses Sujets et les échelons inférieurs

17.   Des réformes d’ensemble devraient tenir compte des relations entre la Fédération, ses sujets et les municipalités.

18.   La question de savoir si la Fédération peut ou non se retourner contre telle ou telle entité fédérée lorsqu’il lui est ordonné de verser des dommages et intérêts relève des dispositions du droit interne qui régissent les liens juridiques entre la Fédération et ses sujets.

19.   Dans ce contexte, une solution consisterait à réduire les créances des Sujets de la Fédération vis-à-vis de cette dernière.

20.  Les autorités ont admis que la non-exécution est surtout due à la complexité des relations budgétaires entre les autorités de la Fédération et celles des entités qui la composent. Il faudrait donc revoir la procédure d’allocation et de distribution des fonds.

      b) Questions budgétaires et finances publiques

21.   Les réformes devraient également prévoir un remaniement profond du fonctionnement des structures de finances publiques.

22.  Selon la procédure en vigueur, les sommes que les autorités publiques sont tenues de verser en exécution des décisions de justice doivent être inscrites au budget de l’année suivante.  C’est pourquoi le versement de ces sommes connaît des retards systématiques.

23.  C'est pourquoi les experts soutiennent le processus législatif en cours visant à amender le Code budgétaire pour améliorer cette situation..

24.  Il faudrait s’assurer que l'autorité administrative dispose de provisions  financières suffisantes pour éviter des situations dans lesquelles un manque de ressources budgétaires ne lui permettrait pas de s’acquitter d' obligation de verser une somme d’argent, ainsi que le prévoit notamment la Recommandation Rec(2003)16.

25.  Les paiements au titre de jugements définitifs ou de jugements déclarés exécutoires ont un caractère obligatoire et doivent être effectués.  Si les crédits budgétaires sont inexistants ou insuffisants, ces paiements doivent être considérés comme des dépenses obligatoires qui doivent être acquittées malgré les contraintes budgétaires du moment. En principe, ces dépenses doivent être compensées dans un délai raisonnable, par exemple en faisant passer les fonds nécessaires d’un chapitre budgétaire à un autre.  Si cela n’est pas possible, il faut obtenir les fonds, le cas échéant au moyen d’un emprunt.

26.  Chaque Ministère devrait désigner un commissaire au budget (exerçant ses fonctions de manière indépendante), chargé de contrôler les dépenses budgétaires au sein du Ministère et relevant du Ministère des Finances sur le plan disciplinaire dans l’exercice de ses fonctions.  Les services subordonnés doivent prendre des dispositions analogues.

27.  Il faudrait envisager la désignation de commissaires fédéraux qui, en cas d’inaction des entités, seraient habilités à régler les dettes de celles-ci sur leurs provisions budgétaires.

28.  A condition que la Fédération n’ait pas de soucis financiers et qu’elle effectue ses paiements aux Sujets de la fédération, il peut être également recommandé  de créer un fonds spécial au niveau de la Fédération.

Ce fonds permettrait de régler les dettes de la Fédération ou  de ses entités lorsqu'elles sont condamnées à indemniser les citoyens en vertu d’une décision définitive, de manière à pallier les insuffisances budgétaires.

En conséquence, on constatera le transfert de la  créance au fonds et le fonds deviendra légitimement créancier  vis-à-vis de la Fédération ou de ses entités.

2. Recommandations visant le contexte de l’exécution des décisions de justice par les autorités publiques

a) Limiter le problème de la non-exécution en évitant les litiges d'ordre judiciaire: la promotion des modes alternatifs de règlement des litiges

29.  Rappelant la Recommandation Rec(2001)9 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur les modes alternatifs de règlement des litiges entre les autorités administratives et les personnes privées, les experts soulignent l’importance de la prévention du règlement juridictionnel des différends et de la promotion des modes alternatifs de règlement des litiges.

30.  En effet, afin de réduire le nombre de décisions de justice non exécutées, des politiques visant à prévenir des recours judiciaires pourraient être mises en place, notamment par la promotion des modes alternatifs de règlement des différends entre les autorités publiques et les personnes privées. Les procédures de recours gracieux, de conciliation, de médiation et de transaction pourraient en particulier être renforcées.

31.   Les modes de règlement autres que juridictionnels devraient être encouragés soit de manière générale, soit dans certains types d’affaires jugées appropriées, par exemple celles portant sur le paiement d’indemnités financières.

b) Limiter les raisons pour lesquelles les autorités de l’Etat tardent à exécuter  ou n’exécutent pas les décisions de justice

32.  Afin de limiter les raisons pour lesquelles les autorités publiques retardent indûment l’exécution d’une décision de justice, des réformes spécifiques pourraient viser à éviter que soient rendues des décisions parallèles dans une même affaire.

33.  Ces réformes pourraient par exemple prendre en considération les principes suivants : tant qu’une affaire est en instance devant une juridiction, elle ne peut l’être devant une autre juridiction. Dès lors qu’une affaire est tranchée, aucune décision nouvelle ne peut être prise en l’espèce. Le différend juridique peut être réglé par le juge en tenant compte de l’ensemble des éléments juridiques pertinents, si bien qu’un tribunal d’un ordre juridictionnel donné peut statuer sur des principes de droit qui, pris isolément, relèvent de la compétence d’un autre tribunal.  Si le premier tribunal est incompétent, il saisit la juridiction compétente du différend juridique.  Ceci s'impose également à la juridiction ainsi saisie, même si celle-ci n’est en fait pas compétente.

34.  S’agissant en particulier des actions en justice formées par des sociétés et des actionnaires sur une même base juridique et factuelle, une solution appropriée serait d’élargir aux actionnaires l’autorité de la force jugée des jugements rendus sur les recours formés par la société, puisque les droits des actionnaires sont concernés par l'affaire. Ceux-ci devraient alors être convoqués selon les conditions de forme requises pour intervenir devant le tribunal commercial («arbitral») lorsque celui-ci connaît d’une action en justice intentée par la société, afin qu’ils puissent faire valoir leurs droits. S’ils ne sont pas ainsi convoqués, les actionnaires devraient avoir le droit de faire tierce opposition en cas de rejet de l’action en justice formée par la société qui revêtirait, à l’égard des actionnaires, l’autorité de la chose jugée.

35.  La réforme pourrait également chercher à prévenir les divergences de jurisprudence, en s’inspirant notamment des principes suivants: les décisions divergentes au sein d’un ordre de juridiction donné pourraient être harmonisées par des décisions des juridictions supérieures de ce même ordre (en particulier dans le cadre d’une procédure de cassation).  Les divergences de jurisprudence au sein d’une même juridiction peuvent être évitées en soumettant les questions de droit à une «assemblée plénière», qui statuerait sur celles-ci. Il est recommandé que les juridictions fédérales suprêmes disposent d’«assemblées plénières».  Les divergences de jurisprudence entre les divers ordres de juridiction pourraient être évitées en créant une «assemblée plénière» conjointe des juridictions suprêmes, qui – par des décisions ayant valeur de décisions de principe à l’égard de tous les ordres de juridiction – pourrait trancher ces questions de droit.

36.  Pour des raisons de clarté, un code uniforme de procédure, qui s’appliquerait à tous les types de procédures, pourrait être élaboré.  Ce code de procédure pourrait être divisé en plusieurs sections : une section générale, applicable à tous les types de procédures, et des sections spécialisées, énonçant des dispositions spéciales pour tel ou tel type de procédure.

37.  Pour créer un contexte plus favorable à l’exécution des décisions de justice par les autorités publiques, des mesures pourraient également être prises pour éviter la répétition de décisions lorsqu’une décision ne peut être exécutée, mesures qui s’inspireraient des principes suivants : aucune décision nouvelle ne peut être prise concernant des droits sur lesquels il a été statué définitivement. Ce principe ne vaut que lorsque les ordonnances d’exécution prononcées restent en vigueur bien qu’elles n’aient pu être exécutées. Dès lors qu’il y a une ordonnance exécutoire, aucune autre procédure judiciaire n’est nécessaire. Point n’est besoin de saisir une nouvelle fois le juge.  L’action est irrecevable. Outre le respect des règles de forme, il faut s’assurer que la demande n’est pas prescrite.

38.  Des intérêts moratoires pour défaut de paiement de sommes d’argent ordonnées par décision de justice pourraient être imposés à l’Etat..  L’absence d’indexation adéquate des sommes et d’intérêts moratoires imposés à l’Etat est, la plupart du temps, la raison pour laquelle les gens reviennent devant le juge, multipliant ainsi les décisions juridictionnelles et entretenant le cercle vicieux mentionné au § 12.2(f).  Le problème est que, semble-t-il, les tribunaux n’appliquent presque exclusivement l’article 395 du code civil, qui vise les intérêts moratoires, qu’aux relations commerciales entre individus et quasiment jamais aux dettes de l’Etat.  Or rien dans la loi ne fait obstacle à ce que cette disposition s’applique elle aussi aux dettes de l’Etat.  Il apparaîtrait donc que le plénum de la Cour suprême pourrait lui aussi, en interprétant plus libéralement l’article 395, s’assurer que des intérêts moratoires soient ordonnés pour non-exécution de décisions de justicecontre l’Etat.

39.  S’agissant des décisions déclarant certaines normes nulles et sans effet ou qui les interprètent d’une manière autre que celle voulue par le législateur, il y a lieu de préciser que le juge applique le droit en vigueur et ne le crée pas.  Si ce principe n’est pas suivi en pratique, il revient en premier lieu à l’Etat de garantir, par le biais de la formation assurée aux juristes et aux juges, que ceux-ci sont à mêmes de bien appliquer le droit en vigueur.

Les incohérences dans les décisions de justice peuvent être évitées ou à tout le moins réduites en prévoyant qu’une règle de droit en vigueur ne peut être simplement déclarée nulle et sans effet dans telle ou telle affaire mais que, en revanche, une juridiction supérieure doit en être saisie. Lorsqu’un tribunal estime qu’une norme viole une autre norme qui lui est supérieure, il peut être prévu que ce tribunal, au lieu de se contenter de déclarer cette norme nulle et sans effet, doive plutôt soumettre l’affaire à une juridiction supérieure, pour réexamen. Cela peut notamment s’imposer dans les affaires où une violation de la constitution est alléguée (il pourrait être recommandé alors que la Cour constitutionnelle soit saisie).

40. Les difficultés à pouvoir former un recoursdans les affaires où il est procédé à l’exécution ordonnée par un jugement non définitif ultérieurement annulé peuvent être surmontées en faisant, dans certains cas, déclarer l’invalidité d’exécution de décisions non définitives et/ou en prévoyant que l’exécution, au cas où la décision ne serait pas définitive, n’est possible que si une garantie est donnée. Les principes sont les suivants: l’exécution ne peut viser que les jugements définitifs (non susceptibles de recours devant une juridiction supérieure);  les jugements non définitifs ne peuvent être exécutés que dans les cas prévus par la loi et si une garantie financière est constituée.

3. Recommandations specifiques concernant l’exécution des décisions de justice par les autorités publiques

a)  Procédure permettant une exécution forcée efficace contre les autorités publiques et la saisie des biens des autorités publiques

41.   Le système russe repose en grande partie sur le caractère volontaire de l’exécution des jugements par l’Etat fédéral (l’exécution forcée n’est pas possible contre lui).  Toutefois, l’expérience d’autres pays (la Belgique et la Grèce, par exemple) montre de manière convaincante que l’exécution forcée et la saisie des biens de l’Etat ont largement contribué à le pousser à respecter ses obligations financières.

42.  La Fédération de Russie devrait examiner cette piste plus avant ainsi que, de manière plus générale, les moyens par lesquels la responsabilité des autorités publiques pour non-exécution pourrait être mise en jeu.

b) Recommandations d’ordre procédural en vue de renforcer la force exécutoire des décisions de justice contre l’Etat et ses entités

43.  Le débat se poursuit au sein de la communauté judiciaire russe sur le renforcement éventuel du rôle des tribunaux pour ce qui est de l’exécution de leurs propres décisions.

44. Les modalités d’intervention des tribunaux, et en particulier l’éventualité de sanctions judiciaires pour garantir l’exécution effective des jugements, doivent faire l’objet d’un examen minutieux, en consultation avec la communauté judiciaire.

      i) Principes

45.  Sur le plan procédural, il est nécessaire d’adopter des règles donnant aux tribunaux le pouvoir de procéder aux exécutions contre l’Etat et contre ses entités.  Cela vaut tant pour les exécutions contre la Fédération que contre ses Sujets.

46. En principe, le régime des mesures d’exécution prises contre l’Etat ou ses entités devrait être le même que celui des mesures d’exécution prises contre les individus, ce qui signifie qu’un jugement exécutoire donne au créancier le droit de faire exécuter sa créance pour son compte par l’Etat.  Tel sera également le cas si le jugement est rendu contre l’Etat ou ses entités.  Le débiteur – y compris l’Etat – a envers le créancier une dette qui engage l’ensemble de ses biens. Toutefois, il devrait y avoir une exception pour les biens dont l’Etat a besoin pour assurer le fonctionnement des services publics.

47.  A des fins pratiques, il faudrait que les règles de procédure précisent que, dans le cadre d’une procédure contre l’Etat ou ses entités, le défendeur est la personne juridique dont relève l’autorité publique qui a pris la décision. Cela permettrait d’éviter la multiplication des recours en justice (contre plusieurs autorités publiques). Ainsi, dès lors que les demandes sont dirigées contre la Fédération, il devrait être prévu que c’est contre elle que l’action doit être formée. Quant à savoir ensuite quel service représente la Fédération au cours de l’instance, cette question relève de l’organisation de l’Etat.  Ce point sera développé ci-après.

      ii) Mesures d’exécution spécifiques

§ Saisie-exécution

48. Les huissiers (ou agents d'exécution) prennent possession des biens et tiennent des enchères publiques pour procéder à leur vente, dont les produits sont distribués aux créanciers.  La loi pourrait prévoir un délai de grâce raisonnable (six semaines) pour l’Etat et/ou ses entités afin que les dettes soient réglées.  Les biens essentiels au fonctionnement des services publics ne sont pas saisissables.

§ Saisie-attribution

49. Il faut que la loi prévoie la saisie-attribution des biens de l’Etat.  Elle pourrait accorder à l’Etat et/ou à ses entités un délai de grâce raisonnable particulier (six semaines).

§ Autres mesures coercitives

50.  La menace ou le prononcé d’une amende coercitive est une alternative éventuelle à la saisie-exécution. L’amende coercitive doit être utilisée comme menace et infligée pour un montant particulier, puis réglée le cas échéant – par voie de saisie-exécution s’il y a lieu.  Si nécessaire, les amendes coercitives peuvent être utilisées comme menace ou prononcées plusieurs fois (soit contre la personne morale, soit contre le fonctionnaire responsable du retard).

      iii) Responsabilité

      

§ Responsabilité des personnes morales (administrations)  

51.   En cas de non-exécution d’une décision de justice par la faute d’une autorité publique, des dommages et intérêts peuvent être versés par la personne morale en cause pour réparer le préjudice matériel et/ou moral.

§ Responsabilité individuelle des fonctionnaires

52.  Les fonctionnaires doivent recevoir pour instruction de n’utiliser les crédits qu’en fonction de leur affectation.  Cela signifie que les fonds disponibles pour la conduite d’une procédure ne peuvent être utilisés qu’à cette fin.

53.  Il faudrait vérifier si le droit pénal russe prévoit que l’utilisation de ces fonds à des fins étrangères pourrait être sanctionnée pénalement au titre de l’abus d’autorité.

54.  L’utilisation de fonds contraire à leur affectation constitue une faute, susceptible d’engager la responsabilité du fonctionnaire fautif, qui devra réparer les dommages causés, et de donner lieu à des procédures disciplinaires (par exemple de suspension ou de renvoi).  Dès lors que des fonctionnaires sont visés, il faudrait vérifier s’il existe des règles pertinentes en vigueur en droit de la fonction publique. Dès lors que d’autres agents sont visés, il faudrait vérifier dans quelle mesure les règles pertinentes du droit du travail permettent de mettre fin à la relation de travail. S’il y a lieu, des règles adéquates pourront être établies.

55.  En outre, il faudrait chercher à savoir si les règles en vigueur du droit de la fonction publique et du droit du travail permettent de former un recours contre l’agent en cas de faute grave.

      iv)Efficacité des huissiers

56.  Les huissiers devraient avoir le pouvoir de procéder à une exécution contre la Fédération ou ses entités (saisie-exécution, saisie-attribution) conformément aux dispositions de la loi. La situation actuelle du système d'huissiers n’est pas encore satisfaisante.

c) Mesures portant sur les relations entre la Fédération et ses entités

57.  Lorsqu’une demande de paiement est formulée à l’encontre de la Fédération, des problèmes peuvent apparaître étant donné que celle-ci ne peut en principe adresser d’instructions à ses Sujets.  Cela dit, les possibilités suivantes existent :

i) Mesures procédurales

58.  Dès lors que des règles sont adoptées pour permettre les exécutions contre la Fédération, elles s’appliquent tout autant aux exécutions contre ses Sujets. Il faut souligner en outre que, lorsque la Fédération met des fonds à la disposition de ses Sujets, il est possible de prévoir que le titulaire d’une créance peut également obtenir satisfaction grâce à ces fonds, conformément à leur affectation.  Ainsi, le créancier pourrait demander à la Fédération que l’argent lui soit versé par le biais de ce «pot». Il serait également possible, dans le cadre d’une procédure de saisie-attribution, de saisir le solde créditeur du Sujet de la Fédération à hauteur du montant de la créance recouvrable.

      ii) Mesures supplémentaires

59.  Les seules mesures supplémentaires réalistes sont celles à caractère pratique, par exemple l’affectation des fonds mis à la disposition des Sujets de la Fédération et les restrictions imposées aux autorités publiques quant à l’utilisation des fonds affectés, qui se limite à leur fin indiquée.

60. Des crédits évalués pour l’exécution des décisions de justice pourraient être adoptés. Cette pratique pourrait être développée à tous les échelons de la Fédération.

61.   Les répercussions financières de tous les projets de loi, en particulier ceux accordant des bénéfices sociaux, devraient être systématiquement évaluées. A cet égard, les experts soutiennent l'idée d'une nouvelle législation qui traiterait  cette question.

62.  La question des voies de recours internes spécifiques dans les affaires similaires pourrait également être étudiée: étant donné l’importance que revêt le principe de subsidiarité au sein du système de la CEDH, des voies de recours internes spécifiques, s’ajoutant à celles mentionnées auparavant, pourraient être envisagées pour donner suite aux requêtes fondées sur la non-exécution dont la Cour européenne des Droits de l’Homme a été ou est déjà saisie.

4. Priorités

63.  Les experts suggèrent que les questions suivantes soient examinées dans un proche avenir :

§  la création d’un fonds spécial (voir paragraphe 28  ci-dessus);

§  le versement imposé à l’Etat d’intérêts moratoires en cas de retard de paiement (voir le paragraphe 38 ci-dessus.)

III. SUIVI PROPOSE

64. Vu la complexité des questions examinées dans le présent rapport, les experts n’ont pas la prétention d’être exhaustifs mais ont souhaité proposer des pistes qui pourraient à l’avenir être explorées, voire expérimentées par les autorités russes.

65.  Les experts restent à la disposition des autorités russes pour approfondir leurs travaux sur certaines des recommandations susmentionnées si les autorités russes souhaitent les appliquer.

66. Il est donc suggéré que les experts de la CEPEJ poursuivent leur collaboration avec les autorités russes et complètent leurs recommandations en se concentrant en particulier sur les questions essentielles définies avec les autorités russes.  La poursuite de cette coopération pourrait comprendre un réexamen de la situation concernant la non-exécution des décisions de justice rendues contre l’Etat ou ses entités dans un délai de 12 à 18 mois, incluant notamment l’analyse du possible impact des recommandations de la CEPEJ qui auraient été appliquées.


Annexe I

Programme

de la première réunion du groupe de travail commun sur l’

"Examen de problèmes liés a l’exécution des décisions rendues par les juridictions civiles nationales contre l’Etat et ses entités en Fédération de Russie"

Moscou

28-29 juin 2005

MARDI 28 Juin 2005

10 h 00 – 10 h 30  Réunion avec Mme Larissa BRYCHEVA, aide du président de la Fédération de Russie et directrice des affaires juridiques de l’Etat auprès du Président de la Fédération de Russie

                                     

10 h 30                                  Rencontre des membres du groupe de travail

M. Yury BERESTNEV, directeur adjoint des affaires juridiques de l’Etat auprès du Président de la Fédération de Russie, Membre de la CEPEJ

M. Mikhail VINOGRADOV, spécialiste-expert de la Direction des affaires juridiques de l’Etat auprès du Président de la Fédération de Russie, correspondant national auprès de la CEPEJ

Mme Svetlana BASTANZHIEVA, directrice du Centre international des relations fédérales et de la politique régionale

M. Alexander NOVIKOV, directeur du Centre de recherches économiques, politiques et juridiques

Mme Mireille HEERS, Vice-Présidente de la Cour Administrative d’Appel de Versailles (France)

M. Michael VRONTAKIS, membre de la CEPEJ au titre de la Grèce, Vice-Président du Conseil d’Etat (Grèce)

M. Theo SIMONS, Premier Vice-Président de la Cour administrative d’appel d’Utrecht (Pays-Bas),

M. Hans-Peter SCHMIESZEK, Chef du bureau du droit de la procédure administrative au ministère fédéral de la Justice (Allemagne)

Mr Stéphane LEYENBERGER, Secrétaire de la CEPEJ, Direction générale I Affaires juridiques, Conseil de l’Europe, Strasbourg

Mme Ekaterina KRYUCHKOVA, directrice du Département du représentant de la Fédération de Russie auprès de la Cour européenne des Droits de l’Homme, Direction des affaires juridiques de l’Etat auprès du Président de la Fédération de Russie

M. Valery KULEMIN, consultant du Département de l’économie et des finances du Gouvernement de la Fédération de Russie

M. Dmitry PCHELNIKOV, conseiller de la Direction des affaires juridiques  du Gouvernement de la Fédération de Russie

Mme Nadezhda ZAKHAROVA, chef de la Direction des affaires juridiques du ministère des Finances de la Fédération de Russie

Mme Valentina MARTYNOVA, chef de la Direction des affaires juridiques du Service fédéral des huissiers

Mme Irina FEDOTKINA, experte principale à la Direction de la réglementation juridique, de l’analyse et du contrôle des activités des services fédéraux subordonnés du Ministère de la justice de la Fédération de Russie

Mme Yulia KROKHINA, rectrice adjointe responsable des travaux scientifiques de l’Académie russe de droit du Ministère de la justice de la Fédération de Russie

Mme Galina NILUS, avocate au barreau régional de Moscou, membre du Conseil de la Chambre fédérale des avocats de la Fédération de Russie

10 h 30 – 13 h 00   Séance du groupe de travail à la Direction des affaires juridiques de l’Etat auprès du Président de la Fédération de Russie

13 h 30 – 14 h 00   Réunion avec le représentant de la Fédération de Russie auprès de la Cour européenne des Droits de l’Homme, M. Pavel LAPTEV

14 h 00 – 15 h 30    Déjeuner

16 h 00 – 17 h 30   Réunion à la Chambre fédérale des avocats de la Fédération de Russie

MERCREDI 29 juin 2005

10 h 00- 12 h 30      Séance du groupe de travail au Ministère des finances de la Fédération de Russie

12 h 30- 14 h 00      Déjeuner

14 h 00 -14 h 15      Réunion avec le directeur des affaires juridiques de l’administration gouvernementale, M. Garri MINKH

14 h 15- 16 h 00       Séance du groupe de travail au Gouvernement de la Fédération de Russie

16 h 00                      Départ des participants au groupe de travail

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Annexe II

Réunion de travail

20 – 21 octobre, 2005
Strasbourg, Palais de l’Europe

LISTE DES PARTICIPANTS

Délégation de la Fédération de Russie


Yury BERESTNEV, Chef de service, Direction des affaires juridiques de l’Etat auprès du Président de la Fédération de Russie (GGPU)

Julia KROKHINA, Académie russe de droit du Ministère de la justice de la Fédération de Russie

Alan KASAEV, Ministère de la justice de la Fédération de Russie

Valery KULEMIN, Gouvernement de la Fédération de Russie

Pavel LAPTEV, agent du Gouvernement de la Fédération de Russie auprès de la Cour européenne des Droits de l’Homme, Ministère des affaires étrangères

Valentina MARTYNOVA, Service fédéral des huissiers

Daria MIKHALINA, Consultante à la Direction des affaires juridiques de l’Etat auprès du Président de la Fédération de Russie

Geline NILUS, Chambre du barreau fédéral de la Fédération de Russie

Dmitry PCHELNIKOV, Gouvernement de la Fédération de Russie

Artem SIMONYAN, Ministère des finances de la Fédération de Russie

Mikhail VINOGRADOV, juriste à la Direction des affaires juridiques de l’Etat auprès du Président de la Fédération de Russie (GGPU)

Nadezda ZAKHAROVA, Ministère des finances de la Fédération de Russie

EXPERTS DE LA CEPEJ

Mireille HEERS, Vice-Présidente de la Cour Administrative d’Appel de Versailles (France)

Hans-Peter SCHMIESZEK, Chef du bureau du droit de la procédure administrative au Ministère fédéral de la Justice (Allemagne)

Theo SIMONS, Premier Vice-Président de la Cour administrative d’Appel d’Utrecht (Pays-Bas)

Michael VRONTAKIS, membre de la CEPEJ au titre de la Grèce, Vice-Président du Conseil d’Etat (Grèce)

SECRETARIAT DE LA CEPEJ SECRETARIAT, Télécopie: +33 3 88 41 37 45, adresse électronique: [email protected]

Stéphane LEYENBERGER, Secrétaire de la CEPEJ, Direction générale I – Affaires juridiques,

Tél : +33 3 88 41 28 41, adresse électronique: [email protected]

Marie MORGAN-WELS, assistante auprès de la CEPEJ, Direction générale I – Affaires juridiques

Tél : +33 3 90 21 5059, Télécopie : +33 3 88 41 37 45, adresse électronique: [email protected]


ANNEXE III

Recommandation Rec(2003)16
du Comité des Ministres aux Etats membres
sur l’exécution des décisions administratives et juridictionnelles dans le domaine du droit administratif

(adoptée par le Comité des Ministres le 9 septembre 2003,
lors de la 851e réunion des Délégués des Ministres)

Le Comité des Ministres, conformément à l'article 15.b du Statut du Conseil de l'Europe,

Considérant que le but du Conseil de l'Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses membres;

Considérant qu’il est nécessaire de préserver la confiance des personnes privées dans l’administration et le système juridictionnel, et que, à ce titre, tant les décisions des autorités administratives imposant des obligations aux personnes privées que celles des autorités juridictionnelles statuant dans le domaine du droit administratif leur reconnaissant des droits doivent être exécutées;

Considérant que l’action des autorités administratives suppose que leurs décisions soient exécutées efficacement par les personnes privées;

Considérant que l’exécution des décisions administratives doit tenir compte des droits et intérêts des personnes privées;

Rappelant à cet égard les principes généraux sur la protection de l’individu au regard des actes de l’administration définis dans sa Résolution (77) 31 et les principes relatifs à l’exercice des pouvoirs discrétionnaires de l’administration contenus dans sa Recommandation n° R (80) 2;

Rappelant également sa Recommandation n° R (89) 8 relative à la protection juridictionnelle provisoire en matière administrative, qui appelle l’autorité juridictionnelle compétente, lorsque l’exécution d’une décision administrative est de nature à causer des dommages graves aux personnes privées concernées par cette décision, à décider de mesures de protection provisoire appropriées;

Considérant que l’efficacité de la justice impose que les décisions prises par les autorités juridictionnelles statuant dans le domaine du droit administratif soient exécutées, notamment lorsqu’elles s’imposent aux autorités administratives;

Rappelant à cet égard les droits protégés par la Convention européenne des Droits de l’Homme, dont l’exécution des décisions de justice dans un délai raisonnable fait partie intégrante;

Rappelant également sa Recommandation n° R (84) 15 relative à la responsabilité publique, qui appelle les Etats membres à mettre en place des dispositifs propres à éviter que l’insuffisance de moyens financiers de l’autorité administrative responsable du dommage causé n’empêche l’exécution des obligations qui lui incombent;

Rappelant enfin la Résolution n° 3 de la 24e Conférence des ministres européens de la Justice, qui a eu lieu les 4 et 5 octobre 2001 à Moscou, portant sur une «Approche générale et moyens d’atteindre une mise en œuvre efficace de l’exécution des décisions de justice», qui invite le Conseil de l'Europe à «identifier des normes et des principes communs au plan européen pour l’exécution des décisions de justice»,

Recommande aux gouvernements des Etats membres d’assurer une exécution efficace des décisions administratives et des décisions juridictionnelles dans le domaine du droit administratif en se laissant guider, dans leur législation et leur pratique, par les principes de bonne pratique annexés à la présente recommandation.

Annexe à la Recommandation Rec(2003)16

I. Exécution des décisions administratives à l’égard des personnes privées

Champ d’application: les principes contenus dans cette section s’appliquent à toute mesure ou décision d’ordre individuel prise dans l’exercice de la puissance publique et de nature à produire des effets directs sur les droits, les libertés ou les intérêts des personnes physiques ou morales.

1. Exécution

a. Les Etats membres devraient mettre en place un cadre juridique approprié afin de s’assurer que les personnes privées se conforment aux décisions administratives qui ont été portées à leur connaissance conformément à la loi, sous réserve de la protection par les autorités juridictionnelles de leurs droits et intérêts.

b. Lorsque la loi ne prévoit pas que l’introduction d’un recours contre une décision entraîne la suspension automatique de son exécution, les personnes privées devraient avoir la possibilité de demander à une autorité administrative ou juridictionnelle la suspension de l’exécution de la décision contestée en vue de la protection de leurs droits et intérêts.

c. Cette possibilité devrait être exercée dans un délai raisonnable afin de ne pas bloquer outre mesure l’action des autorités administratives et d’assurer la sécurité juridique.

d. Lors de la décision sur cette demande, l’intérêt public ainsi que les droits et intérêts des tiers devraient aussi être pris en compte par l’autorité administrative et, sous réserve que la loi ne l’exclue, par l’autorité juridictionnelle.

2. Exécution forcée

a. L’emploi de l’exécution forcée par les autorités administratives devrait être assorti des garanties suivantes:

i. l’exécution forcée est prévue de manière expresse par la loi;

ii. les personnes privées qui font l’objet d’une procédure d’exécution forcée ont la possibilité de se conformer à la décision administrative dans un délai raisonnable, sauf en cas d’urgence dûment motivée;

iii. l’emploi de la procédure d’exécution forcée et sa justification sont portées à la connaissance des personnes privées qui font l’objet d’une telle procédure;

iv. les mesures d’exécution forcée à employer, y compris les éventuelles sanctions pécuniaires qui les accompagnent, respectent le principe de proportionnalité.

b. En cas d’urgence, l’étendue de la procédure d’exécution forcée devrait être proportionnelle à l’urgence du cas d’espèce.

c. Les personnes privées devraient avoir la possibilité d’intenter un recours devant une autorité juridictionnelle contre la procédure d’exécution forcée en vue de la protection de leurs droits et intérêts.

d. Si les autorités administratives n’emploient pas une procédure d’exécution forcée, les personnes dont les droits et intérêts sont protégés par la décision inexécutée devraient avoir la possibilité de s’adresser à une autorité juridictionnelle.

II. Exécution des décisions juridictionnelles à l’égard des autorités administratives

1. Dispositions générales

a. Les Etats membres devraient s’assurer que les autorités administratives exécutent dans un délai raisonnable les décisions juridictionnelles. Afin que ces décisions puissent déployer pleinement leurs effets, les autorités administratives devraient en tirer toutes les conséquences qui s’imposent au regard de la loi.

b. En cas d’inexécution par les autorités administratives d’une décision juridictionnelle, une procédure adéquate devrait être prévue afin de permettre d'obtenir l’exécution de cette décision, notamment au moyen d’une injonction ou d’une astreinte.

c. Les Etats membres devraient s’assurer que la responsabilité des autorités administratives est engagée en cas d’inexécution fautive des décisions juridictionnelles. La responsabilité individuelle des agents publics chargés de l’exécution des décisions juridictionnelles pourrait également être engagée disciplinairement, civilement ou pénalement en cas d’inexécution de celles-ci.

2. Exécution des condamnations pécuniaires

a. Les Etats membres devraient s’assurer que, lorsque les autorités administratives sont condamnées à payer une somme d’argent, elles le fassent dans un délai raisonnable.

b. Les intérêts dus par les autorités administratives en cas d’inexécution des condamnations pécuniaires ne sauraient être inférieurs à ceux dus par les personnes privées aux autorités administratives dans une situation similaire.

c. Il conviendrait de s’assurer que les autorités administratives disposent des moyens financiers nécessaires afin d’éviter qu’elles ne se trouvent dans une situation où l’insuffisance de ces moyens les empêcherait de s’acquitter de leur obligation d’exécuter les condamnations pécuniaires.

d. En cas d’inexécution par les autorités administratives des condamnations pécuniaires, les Etats membres devraient également considérer la possibilité de saisir certains biens des autorités administratives dans les limites prévues par la loi.

 



[1] Lettre en date du 22 décembre 2004 adressée à la CEPEJ.

[2] Cette Recommandation figure en annexe III au présent rapport.