Strasbourg, 7 janvier 2008

CCJE/REP(2008)3

Français seulement

Conseil Consultatif de Juges Européens (CCJE)

Questionnaire pour l’Avis du CCJE en 2008 relatif a la qualité des décisions judiciaires : réponse soumise par la délégation de la Fédération européenne des juges administratifs


Part I : Elaboration de la décision judiciaire

Question 1

Existe-t-il un modèle spécifique à suivre pour rédiger les décisions judiciaires ?

Le juge peut-il choisir son propre style de rédaction de ses décisions ?

La juridiction administrative procède, quelque soit le niveau de la juridiction, à une rédaction séparant nettement les écritures des parties (visas) du raisonnement du juge (motifs). Ce raisonnement est lui-même strictement déductif (exposé des textes ou du principe général applicable en la matière, puis conséquences tirées de l’application des textes ou du principe dans le cas particulier. Le juge consacre généralement un § distinct à l’étude de chaque grief (qualifié de « moyen »), en commençant par les moyens de forme ou de procédure, puis: en étudiant les moyens concernant le bien-fondé de la décision ou, d’une manière générale, des prétentions du requérant. Dans les affaires de responsabilité, il se prononce d’abord sur le principe et la nature de la responsabilité avant de statuer sur le préjudice.

D’une manière générale, les décisions du juge administratif sont considérées comme rédigées selon une méthode très rigoureuse par nos interlocuteurs français et au-delà, et présentent une relative brièveté.

Les décisions du juge des référés sont bien évidemment rédigées de manière plus simplifiée.

Question 2

Lorsque le tribunal est composé de plus d’un membre, les décisions judiciaires, pour être effectives et contraignantes, doivent–elles être prises à l’unanimité ou à la majorité ?

Dans un panel de deux juges ou plus, le président ou le juge le plus gradé a-t-il voix prépondérante ?

Sauf hypothèses de juge unique pour les contentieux les plus simples, et hors procédures de référés, les affaires rendues au fond sont prononcées par trois juges, statuant à la majorité, sans voix prépondérante du président de chambre, qui peut donc se trouver en minorité.

Question 3

Les décisions judiciaires doivent-elles traiter de tous les éléments évoqués par les parties ou leurs avocats ou une approche synthétique et concise est-elle considérée comme suffisante?

On distingue traditionnellement les moyens(énoncé argumenté d’une proposition juridique -exemple : La procédure disciplinaire est irrégulière parce que le conseil de discipline n’a pas reçu le dossier à temps) des simples arguments de fait (-exemple :et d’ailleurs l’administration en cause est coutumière du fait ou c’était particulièrement nécessaire d’observer ce délai parce que le dossier était volumineux) ou de droit(par exemple : la législation a fixé ce délai à telle durée pour telle raison). Le juge doit répondre à tous les moyens, qu’il est souvent obligé de requalifier pour les rendre intelligibles ou leur donner une portée utile, mais pas aux arguments

Question 4

De manière générale, comment une décision judiciaire de première instance est-elle rédigée ? (par exemple, la décision énonce-t-elle en premier lieu le contexte factuel, suivi des preuves, leur évaluation et pour finir précise-t-elle l’application les principes juridiques concernant les faits établis ?)

De manière générale, comment une décision judiciaire d’appel ou d’instance supérieure est-elle rédigée ?

Voir point 1 ci-dessus. L’ordre est le suivant : énoncé des principes juridiques-exposé bref des faits-application des principes aux faits.

Contrairement à la justice judiciaire, pour laquelle il existe un modèle particulier de rédaction pour la Cour de Cassation - qui s’inspire du nôtre en encore plus bref- les cours d’appel et le Conseil d’Etat ne rédigent pas de manière substantiellement différente des tribunaux administratifs, sous réserve de l’incidence des différences résultant du rôle différent des juges de chaque niveau, qui permet par exemple aux cours d’appel de ne pas réécrire tout ou partie du jugement si elles sont d’accord avec ce qu’a dit le TA (procédé dit de l’ « adoption des motifs ») et au Conseil d’Etat de ne pas exprimer sa position sur les points pour lesquels l’appréciation des premiers juges est considérée comme souveraine.

Question 5

Existe-t-il une différence dans la manière dont un jugement est rédigé, selon qu’il concerne la matière civile, pénale ou administrative ?

Question 6

Pouvez-vous décrire précisément comment la décision est transmise aux parties ?

Elle leur est notifiée par LR-AR, notification qui fait partir les délais de recours.

La décision judiciaire est-elle contraignante uniquement à l’encontre des parties aux litiges ou affecte-t-elle le public en général ?

Les décisions du juge ne valent en principe qu’entre les parties. Seuls les jugements d’annulation d’un acte administratif ont effet « erga omnes ».

Votre Etat reconnaît-il la différence entre les décisions judiciaires in personam et in rem ?

Vocabulaire inconnu pour le juge administratif.

Question 7

Comment une décision judiciaire est-elle exécutée dans votre Etat ? Votre Etat autorise-t-il une procédure d’atteinte à l’autorité du tribunal à l’encontre d’une partie qui ne respecte pas une décision du tribunal?

La notion de « contempt of court », avec sa connotation de faute, n’est pas reconnue en droit administratif. Les parties privées peuvent, soit dans l’instance en cause, soit postérieurement, après que le juge leur ait donné satisfaction, demander au tribunal, ou à la cour d’appel si l’affaire fait l’objet d’un appel, d’enjoindre l’administration de prendre une nouvelle décision après une nouvelle instruction, voire de prendre une décision dans un sens déterminé si la décision du juge l’implique nécessairement, et ce sous astreinte propre à garantir l’exécution effective de la décision du juge.

Question 8

Les décisions judiciaires sont-elles rendues/annoncées publiquement ? Est-ce toujours le cas ou le public et la presse peuvent-ils être exclus du prononcé – le cas échéant dans quels cas ?

Il faut distinguer audience et décision écrite : L’audience est publique-principe découlant d’ailleurs de la CEDH.Le huis clos pouvait théoriquement être prononcé, au demeurant sans base légale expresse, pour les mêmes raisons que devant les tribunaux judiciaires, mais ne l’était en réalité jamais, divers procédés légaux permettant en pratique d’éviter autant que faire se peut la présence du public dans certaines affaires délicates. Il ne semble toutefois plus que le huis clos soit encore possible dans l’état actuel du droit résultant de l’article L6 du code de justice administrative.

La décision du juge n’est cependant jamais rendue sur le siège (sauf reconduites à la frontière des étrangers en situation irrégulière), mais en général de deux à quatre semaines après. Le sens de ces décisions est lors indiqué par un tableau tenu à l’entrée de la salle d’audience, mais non prononcé publiquement.

Toute décision du juge administratif est par ailleurs accessible à quiconque sur simple demande, sous réserve de l’anonymisation des données personnelles.

Depuis l'affirmation de la portée du principe de publicité des audiences par la CEDH, le huis clos a été expressément et pour la première fois consacré pour la justice administrative par l'article 57 de la loi n°2004-1343 du 9 décembre 2004, codifié à l'article L 731-1 du CJA, lequel l'autorise pour la sauvegarde de l'ordre public, de l'intimité des personnes et des secrets protégés par la loi.

Question 9

Dans quelle mesure les décisions judiciaires tiennent-elles compte, dans votre Etat, de la législation sur la protection des données personnelles (par exemple, publication du nom des parties, autres détails personnels, etc.) ?

Voir point précédent. Le juge fait par ailleurs en sorte de ne citer que les faits rigoureusement indispensables pour son raisonnement, notamment pour éviter une reconnaissance indirecte de la personne dans les affaires donnant lieu à anonymisation.

Question 10

Les décisions judiciaires sont-elles disponibles pour des personnes ou des autorités autres que les parties elles-mêmes ? Le cas échéant, à quelles conditions ?

Voir plus haut. L’accessibilité se pratique par le site Légifrance pour toutes les décisions du Conseil d’Etat et de cour de cassation. Les autres sont accessibles sur simple demande au greffe

Question 11

Les décisions judiciaires sont-elles publiées/disponibles sur internet ? Toutes les décisions ou seulement les décisions d’appel et des cours suprêmes ?

Voir point précédent.

Part II : Evaluation de la qualité de la décision judiciaire

Question 12

Dans votre Etat, existe-t-il un système d’évaluation de la qualité de la justice?

Pas sous forme d’un organisme ou d’une procédure spécifiquement voués à cet objet.

En fait, il s’agit d’une préoccupation constante, mesurée notamment par l’étude des taux d’appel et des taux de cassation, et d’importance déterminante dans le travail quotidien du juge ainsi que dans les méthodes de travail du juge administratif, qui garantissent un double, voire triple examen pour les décisions collégiales. La référence constante à la jurisprudence du Conseil d’Etat lorsqu’elle est fixée concourt également indirectement à la qualité des décisions..

La qualité de la rédaction des jugements est par ailleurs prise en compte dans l’évaluation des performances professionnelles des juges, mais il n’existe pas de liste de critères reconnus de qualité des décisions juridictionnelles.

Question 13

L’évaluation de la qualité des décisions judiciaires est-elle envisagée dans le cadre de cette évaluation?

Question 14

Si votre Etat évalue la qualité des décisions judiciaires grâce à un système spécifique, pouvez-vous le décrire :

·      base juridique:

·      identification des organismes en charge du processus :

·      paramètres évalués:

·      méthodes d’évaluation de chaque paramètre:

Question 15

Quels sont les avantages et les inconvénients, évoqués dans votre Etat, du système d’évaluation de la qualité de la justice?

·      avantages :

·      inconvénients :

Question 16

Selon l’avis des autorités judiciaires de votre Etat, quels sont les facteurs susceptibles d’améliorer la qualité des décisions ?

Question 17

Existe-t-il dans votre Etat un système d’évaluation de la qualité concernant :

·      le fonctionnement de la police?                                                             oui                non

·      le fonctionnement des services du Parquet?                                       oui                non

·      les performance professionnelles des avocats?                                 oui                non

·      l’exécution des jugements?                                                                    oui                non

·      l’efficacité des services du Ministère de la justice en général ?        oui                non

·      la qualité de la législation?                                                                     oui                non