Strasbourg, 9 janvier 2007                                                         CCJE REP(2007)2

                                                                                                   Francais seulement

                                                                                                  

CONSEIL CONSULTATIF DE JUGES EUROPEENS

(CCJE)

PROJET DE QUESTIONNAIRE POUR L’AVIS DU CCJE EN 2007

RELATIF AUX CONSEILS SUPERIEURS DE LA MAGISTRATURE

Réponse de la

délégation du Luxembourg


Le Luxembourg ne disposant pas d’un conseil du genre "Conseil Supérieur de la Magistrature", nous ne devons répondre qu’aux parties I et VIII du questionnaire.

Partie I – Contexte général concernant le système judiciaire

Existe-t-il des interférences possibles du pouvoir législatif à l’égard des juges ? Si oui, veuillez préciser.

 Non, sauf ce qui sera dit ci-dessous sous 2..

Le pouvoir législatif ou le Parlement peut-il ordonner des enquêtes ou mettre en place des commissions :

de manière générale concernant les juges ? Si oui, veuillez préciser.

concernant l’activité judiciaire ?

concernant des faits déjà soumis à un tribunal ?

concernant des actes de procédures (ex. écoutes téléphoniques, garde à vue) ?

L’article 64 de la Constitution dispose ce qui suit:

« La Chambre ( des Députés) a le droit d’enquête. La loi règle l’exercice de ce droit. »

L’article 4 de la loi du 18 avril 1911 sur les enquêtes parlementaires dispose ce qui suit:

« Les pouvoirs attribués à la Chambre ou à la commission d’enquête ( formée en son sein ) ainsi qu’à leur président sont ceux du juge d’instruction en matière criminelle.

Toutefois la Chambre a le droit, chaque fois qu’elle ordonne une enquête, de restreindre ces pouvoirs.

Ces pouvoirs ne peuvent être délégués, sauf le droit de la Chambre ou de la commission de faire, en cas de nécessité, procéder par voie de délégation à des devoirs d’instruction spécialement déterminés.

Cette mission ne peut être confiée qu’à un conseiller de la Cour Supérieure de Justice.

Lorsque l’enquête parlementaire doit comprendre le droit de procéder à des perquisitions ou à des visites domiciliaires, ou à des saisies de documents ou correspondances, il y a lieu à la loi spéciale. »

La Chambre des Députés n’a guère fait usage de son droit d’enquête dans le passé de sorte qu’à notre connaissance il n’existe pas de jurisprudence quant aux différents points soulevés dans cette question.     

Existe-t-il des interférences possibles du pouvoir exécutif à l’égard des juges ?

Oui.

Si oui, est-il possible au pouvoir exécutif d’interférer :

dans la sélection, la formation, la carrière ou les procédures disciplinaires des juges ? (si oui, veuillez préciser quelle autorité exécutive)

dans la désignation des présidents des tribunaux ? (si oui, veuillez préciser quelle autorité exécutive)

dans la gestion administrative des tribunaux ? (si oui, veuillez préciser quelle autorité exécutive)

Lire les réponses données ci-dessous aux questions de la Partie VIII du présent questionnaire.

Le personnel du tribunal travaille-t-il sous l’autorité :

d’un juge ?

du Président du tribunal ?

du ministère de la justice ?

                

L’article 131 de la loi modifiée du 07 mars 1980 sur l’organisation judiciaire dispose ce qui suit:

 « Les greffiers en chef distribuent le service entre les membres du greffe, sous la direction et la surveillance du président de la juridiction. »

Un Président de tribunal est-il compétent :

en matière d’évaluation du travail des juges de son tribunal ?

                

 Non.

concernant la distribution des tâches entre les juges ?

 Oui.

   L’article 2 de la loi modifiée du 07 mars 1980 sur l’organisation judiciaire dispose ce qui suit en ce qui concerne les justices de paix:

« …

Les juges de paix directeurs administrent la justice de paix, répartissent le service entre les juges et assurent le bon fonctionnement du service. »

L’article 25 de la même loi dispose ce qui suit en ce qui concerne les tribunaux d’arrondissement:

« Le tribunal d’arrondissement de Luxembourg comprend dix-sept chambres. La répartition des affaires entre les différentes chambres se fait par le président du tribunal.

Celui-ci fixe également les tâches des juges qui ne sont pas affectés à une chambre. »

L’article 26 de la même loi dispose encore ce qui suit:

« Chacune des chambres pourvoit d’abord à l’expédition des affaires qui lui sont spécialement attribuées. Dans le cas où, par suite de leurs attributions respectives, une des chambres est surchargée par rapport à une autre, le président du tribunal délègue à celle-ci, d’office ou sur la réquisition du procureur d’Etat, partie des affaires attribuées à la chambre surchargée… »

L’article 39 de la même loi dispose en ce qui concerne la Cour d’Appel:

« …

(5) La répartition entre les différentes chambres des affaires civiles, commerciales, correctionnelles ainsi que des affaires de droit du travail, se fait par le Président de la Cour Supérieure de Justice.

(6) Chacune des chambres pourvoit d’abord à l’expédition des affaires qui lui sont spécialement attribuées. Dans le cas où, par suite de leurs attributions respectives, une des chambres est surchargée par rapport à une autre, le Président de la Cour Supérieure de Justice délègue à celle-ci, d’office ou sur la réquisition du procureur d’Etat, partie des affaires attribuées à la chambre surchargée… »

en matière disciplinaire à l’égard des juges ?

                

L’article 157 de la loi modifiée du 07 mars 1980 sur l’organisation judiciaire dispose ce qui suit:

« L’avertissement est donné d’office ou sur la réquisition du ministère public:

1° par le Président de la Cour à l’égard de tous conseillers, juges et suppléants ainsi qu’à l’égard des membres effectifs et suppléants des justices de paix;

2° par les présidents des tribunaux d’arrondissement à l’égard des membres effectifs et suppléants de ces tribunaux.

L’application des autres peines prévues par l’article qui précède est faite par la Cour, en la chambre du conseil, sur la réquisition du Procureur Général d’Etat. »

concernant la progression de carrière des juges ?

                

Non.

autre ? Si oui, veuillez préciser.

Rien d’autre à signaler.

Partie VIII – Pays qui ne disposent pas d’un conseil supérieur de la magistrature.

45. Existe-t-il des mécanismes permettant d’assurer le respect du principe de la séparation des pouvoirs, concernant le judiciaire ?

L’article 91, alinéa 1er, de la Constitution dispose ce qui suit:

« Les juges de paix, les juges des tribunaux d’arrondissement et les Conseillers de la Cour sont inamovibles. – Aucun d’eux ne peut être privé de sa place ni être suspendu que par un jugement. – Le déplacement d’un de ces juges ne peut avoir lieu que par une nomination nouvelle et de son consentement… »

L’article 93 de la Constitution dispose ce qui suit:

« Sauf les cas d’exception prévus par la loi, aucun juge ne peut accepter du Gouvernement des fonctions salariées, à moins qu’il ne les exerce gratuitement, sans préjudice toutefois aux cas d’incompatibilité déterminés par la loi. »

L’article 95 de la Constitution dispose ce qui suit:

« Les cours et tribunaux n’appliquent les arrêtés et règlements généraux et locaux qu’autant qu’ils sont conformes aux lois. – La Cour Supérieure de Justice réglera les conflits d’attribution d’après le mode déterminé par la loi. »

La Cour Supérieurede Justice est la désignation pour la Cour de Cassation et la Cour d’Appel siégeant ensemble en assemblée plénière. Elle n’est composée que de magistrats professionnels, à savoir les conseillers à la Cour de Cassation et les conseillers à la Cour d’Appel.

Enfin l’article 95ter dispose en son premier paragraphe ce qui suit:

« (1) La Cour Constitutionnelle statue, par voie d’arrêt, sur la conformité des lois à la Constitution. »

Comment et par qui les juges sont-ils désignés et comment est assurée leur promotion ?

L’article 90 de la Constitution dispose ce qui suit:

« Les juges de paix et les juges des tribunaux d’arrondissement sont directement nommés par le Grand-Duc. – Les conseillers de la Cour et les présidents et vice-présidents des tribunaux d’arrondissement sont nommés par le Grand-Duc, sur l’avis de la Cour Supérieure de Justice. »

L’article 45 de la Constitution prévoyant que les dispositions du Grand-Duc doivent être contresignées par un membre du Gouvernement responsable, c’est en fait le Ministre de la Justice qui décide des nominations aux diverses fonctions des cours et tribunaux.

Une autorité indépendante[1] du gouvernement ou de l’administration prend-elle part au processus de désignation et de promotion :

si oui, comment est composée cette autorité ? un certain quota de juges est-il fixé ?

comment sont sélectionnés les membres qui la composent ?

quelles sont les tâches exactes concernant la désignation et la promotion des juges ?

Ainsi qu’il vient d’être dit à l’article 90 de la Constitution, reproduit ci-dessus sous la question 46, la Cour Supérieure de Justice est obligatoirement appelé à donner un avis concernant la nomination aux fonctions plus amplement désignées audit article de la Constitution. Quant aux autres fonctions, le pouvoir de nomination du Ministre de la Justice est illimité. Le Comité du Contentieux du Conseil d’Etat a décidé dans un arrêt ( C.E. 30 juillet 1960, HEUERTZ, Recueil des arrêts du C.E. 1960) que l’autorité de nomination n’est nullement tenue de considérer l’ancienneté des candidats.

L’article 43 de la loi modifiée du 07 mars 1980 sur l’organisation judiciaire dispose ce qui suit:

« Lorsqu’une place de Président de la Cour Supérieure de Justice, de conseiller à la Cour de Cassation, de président de chambre à la Cour d’Appel, de premier conseiller à la Cour d’Appel, de conseiller à la Cour d’Appel, de président, de premier vice-président ou de vice-président d’un tribunal d’arrondissement est vacante, il est procédé comme suit à l’émission de l’avis exigé par l’article 90 de la Constitution.

La Cour procède en assemblée générale convoquée sur la réquisition du Procureur Général d’Etat.

Pour chaque place vacante, la Cour présente trois candidats; la présentation de chaque candidat a lieu séparément.

En outre, le Procureur Général émet un avis. »

Il convient de rappeler que l’article 40 de la susdite loi du 07 mars 1980 dispose ce qui suit en ce qui concerne la Cour Supérieure de Justice siégeant en assemblée générale:

« …

Dans tous les cas, les décisions de la Cour ne peuvent être rendues par moins de neuf juges. S’il y a partage des voix, la Cour siégeant en nombre pair, le suffrage du conseiller le plus jeune en rang n’est pas compté. »

La Cour Administrativea décidé dans un arrêt ( C.Adm. 20 décembre 2001, SCHEIFER, arrêt n°13899C et 13905C, Pasicrisie Luxembourgeoise, Bulletin de la Jurisprudence Administrative 2004, sub Procédure Administrative Non Contentieuse, n°22, page 525) notamment ce qui suit:

« …

La procédure prescrite par l’article 90 de la Constitution et organisée par l’article 43 de la loi du 7 mars 1980 est ainsi clairement destinée à garantir l’indépendance de la Justice et n’a pas été créée dans le but de protéger les intérêts privés des magistrats, le législateur ayant pu estimer ces intérêts sauvegardés à suffisance par l’intervention de la Cour Supérieure de Justice dans la procédure.

Le terme "présentation" utilisé par le prédit article 43, loin de faire référence à une description des qualités et mérites des différents candidats, a été choisi pour le seul motif qu’il était supposé limiter plus concrètement le choix de l’autorité de nomination en excluant que le choix ne se fixe sur un candidat non présenté.

… »

 

Comment le financement de l’activité des tribunaux est-il assuré ? Les juges ont-ils leur mot à dire dans les décisions concernant le budget ou la gestion du budget ?

Le financement de l’activité des tribunaux est assuré par le budget du Ministère de la Justice.

Les juges peuvent adresser leurs desiderata au Ministère de la Justice par l’intermédiaire du Procureur Général de l’Etat. Il arrive, mais pas toujours ( et dans l’affirmative souvent avec un retard de plusieurs années), que le Ministère de la Justice en tient compte.

 

La création d’un conseil supérieur de la magistrature est-elle envisagée ? Si oui, quelles seront ses compétences ?

La question est actuellement débattue par un groupe de travail composé d’une douzaine de personnes et dénommé "Statut de la magistrature", fonctionnant au sein du Ministère de la Justice, et auquel participent plusieurs magistrats.

La délégation luxembourgeoise au CCJE

Jean-ClaudeWIWINIUS                                                                        

Jean-Marie HENGEN