Strasbourg, le 25 novembre 2005                                                       CCJE (2005) OP n° 7

[ccje/2005/docs/ccje(2005) op n°7]

CONSEIL CONSULTATIF DE JUGES EUROPEENS

(CCJE)

AVIS n° 7 (2005)

DU CONSEIL CONSULTATIF DE JUGES EUROPEENS (CCJE)

A L’ATTENTION DU COMITE DES MINISTRES

DU CONSEIL DE L’EUROPE

SUR « JUSTICE ET SOCIETE »

adopté par le CCJE

lors de sa 6e réunion

(Strasbourg, 23-25 novembre 2005)

INTRODUCTION

1.         Pour l’année 2005, le Conseil Consultatif de Juges Européens (CCJE) a été chargé[1] d’adopter un avis sur le thème « Justice et société » à l’attention du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe.

2.         A cet égard, le CCJE s’est penché sur les points suivants qui apparaissent dans le Programme cadre d’action global pour les juges en Europe :

q  les relations avec le public, le rôle éducatif des tribunaux dans une démocratie (voir partie V b du Programme cadre) ;

q  les relations avec les personnes engagées dans une procédure judiciaire (voir partie V c du Programme cadre) ;

q  l’accessibilité, la simplification et la clarté du langage utilisé par les tribunaux dans les jugements et les décisions (voir partie V d du Programme cadre).

3.         Le travail préparatoire a été réalisé en s’appuyant sur :

- la prise en compte des acquis du Conseil de l’Europe, ainsi que des résultats de la 5e  réunion des Présidents des Cours suprêmes européennes sur « La Cour suprême : publicité, visibilité et transparence » (Ljubljana, 6-8 octobre 1999), de la Conférence des Présidents des associations de juges sur « La justice et la société » (Vilnius, 13-14 décembre 1999) et de la Conférence ministérielle européenne sur la politique des communications de masse (Kyiv, Ukraine, 10-11 mars 2005) ;

- les réponses des délégations à un questionnaire (accompagné d’une note explicative) préparé par le vice-président du CCJE et soumis lors de la réunion plénière de ce Conseil Consultatif qui s’est tenue à Strasbourg du 22 au 24 novembre 2004 ;

- un rapport préparé par le spécialiste du CCJE sur ce thème, M. Eric COTTIER (Suisse) ;

- les contributions des participants à la 2e Conférence européenne des Juges sur le thème « Justice et médias », organisée par le Conseil de l’Europe dans le cadre de la présidence polonaise du Comité des Ministres à l’initiative du CCJE, en coopération avec le Conseil National de la Justice de Pologne et avec le soutien du ministère polonais de la Justice (Cracovie, Pologne, 25-26 avril 2005)[2] ;

- un projet d’avis préparé par le Groupe de travail du CCJE (CCJE-GT) en 2005.

4.         Lors de la préparation du présent Avis, le CCJE a aussi pris en considération la « Déclaration de Varsovie » adoptée par le Troisième Sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement du Conseil de l’Europe qui a eu lieu à Varsovie les 16 – 17 mai 2005, dans laquelle le Sommet a réaffirmé son engagement pour « renforcer l’Etat de droit sur l’ensemble du continent » bâti « sur le potentiel normatif du Conseil de l’Europe ». Dans ce cadre, les Chefs d’Etat et de Gouvernement ont souligné « le rôle d’un système judiciaire indépendant et efficace dans les Etats membres ».

5.         Le présent avis traite (A) des relations des tribunaux avec le public avec une référence particulière au rôle qui leur incombe dans une démocratie, (B) des relations des tribunaux avec les personnes engagées dans une procédure judiciaire, (C) des relations des tribunaux avec les médias, et (D) de l’accessibilité, de la simplification et de la clarté du langage utilisé par les tribunaux dans les jugements et les décisions.

A.        LES RELATIONS DES TRIBUNAUX AVEC LE PUBLIC AVEC UNE REFERENCE PARTICULIERE AU ROLE QUI LEUR INCOMBE DANS UNE DEMOCRATIE

6.         Le développement de la démocratie dans les Etats européens implique que les citoyens reçoivent une information appropriée sur l’organisation des pouvoirs publics et les conditions d’élaboration des règles de droit. Il est tout aussi important pour les citoyens de connaître le fonctionnement des institutions judiciaires.

7.         L’activité judiciaire est une composante essentielle des sociétés démocratiques. Elle a, en effet, pour but de trancher des litiges entre les parties, et, par les décisions qu’elle rend, elle remplit un « rôle normatif et éducatif », fournissant aux citoyens des informations pertinentes et des assurances quant à la loi et son application pratique[3].

8.         Les tribunaux sont, et le public les accepte comme tels, l’endroit approprié pour l’affirmation des droits et obligations juridiques et pour le règlement des litiges qui s’y rapportent ; le public, dans sa majorité, respecte les tribunaux et croit en leur capacité à remplir cette fonction[4]. Cependant, la compréhension du rôle de la justice dans les démocraties – en particulier le fait de comprendre que le devoir du juge est d’appliquer la loi de manière juste et égale, sans tenir compte d’éventuelles pressions sociales ou politiques – varie considérablement selon les pays et les modèles socio-économiques en Europe. La confiance qui est accordée à l’activité des tribunaux n’est donc pas uniforme[5]. Une information adéquate sur les fonctions et le rôle de la justice, en toute indépendance par rapport aux autres pouvoirs de l’Etat, peut ainsi contribuer de manière efficace à une meilleure compréhension des tribunaux, en tant qu’ils constituent la pierre angulaire des systèmes constitutionnels démocratiques, ainsi que des limites de leur activité.

9.         L’expérience qu’ont la plupart des citoyens de leur système judiciaire se limite à leur propre participation à un litige en tant que partie, témoin ou juré. Le rôle des médias est essentiel pour fournir au public des informations sur la fonction et les activités des tribunaux (voir section C ci-après) ; toutefois, parallèlement à ce qui est communiqué par l’intermédiaire des médias, les discussions du CCJE ont fait ressortir l’importance d’établir des relations directes entre les tribunaux et l’ensemble du public. L’insertion de la justice dans la société suppose que l’institution judiciaire s’ouvre à l’extérieur et apprenne à se faire connaître. Il ne s’agit pas de promouvoir une justice spectacle mais de contribuer à la transparence de la justice. Certes, cette transparence ne peut être totale en raison notamment de la nécessité de protéger l’efficacité des enquêtes et les intérêts des personnes en cause, mais la compréhension des mécanismes judiciaires a incontestablement une vertu pédagogique et devrait permettre d’affirmer la confiance du public dans le fonctionnement des tribunaux.

10.       Cet effort d’ouverture des institutions judiciaires passe d’abord par des mesures générales d’information du public sur le fonctionnement des tribunaux.

11.       Le CCJE rappelle à cet égard son Avis n° 6 (2004) concernant l’activité pédagogique des tribunaux et leur nécessaire ouverture aux visites susceptibles d’être offertes aux élèves des écoles et aux étudiants ou à tout autre groupe social manifestant de l’intérêt pour les activités judiciaires. Ce contact direct ne doit pas faire oublier qu’il incombe essentiellement à l’Etat de dispenser à l’ensemble de la population, à l’école et dans les universités, une formation civique qui comprenne un volet important sur la justice.

12.       L’efficacité de ce mode de communication sera accrue si les professionnels de la justice y participent directement. Les programmes pertinents d’éducation scolaire et universitaire (qui ne se bornent pas aux facultés de droit) devraient prévoir une description du système judiciaire (incluant des interventions données en classe par des juges), des visites des tribunaux et l’enseignement actif des procédures judiciaires (jeu de rôles, présence aux audiences, etc.)[6]. Ainsi, les juridictions et les associations de juges peuvent travailler en collaboration avec les écoles, les universités et les autres établissements scolaires pour présenter dans les programmes scolaires et dans le débat public le raisonnement spécifique du juge.

13.       Le CCJE a déjà déclaré de façon générale que les tribunaux eux-mêmes devraient participer à la diffusion d’informations concernant l’accès à la justice (rapports périodiques des tribunaux, guides pour les citoyens, sites Internet, bureaux d’information, etc.) ; le CCJE a déjà formulé ses recommandations sur le développement de programmes éducatifs dans le but de présenter des informations spécifiques (telles que le caractère des procédures ; la durée moyenne de la procédure judiciaire dans les différents tribunaux ; les frais de justice ; les moyens alternatifs de règlement des litiges proposés aux parties ; les décisions les plus marquantes prononcées par les tribunaux) (voir paragraphes 12-15 de l’Avis n° 6 (2004) du CCJE).

14.       Les tribunaux devraient participer à des programmes-cadres généraux émanant d’autres institutions d’Etat (ministères de la Justice et de l’Education, universités, etc.). Cependant, de l’avis du CCJE, les tribunaux devraient eux-mêmes prendre des initiatives à cet égard.

15.       Si les relations de la justice avec les individus sont traditionnellement du ressort des tribunaux, quoique de manière peu structurée, ces derniers sont souvent réticents à entretenir des rapports directs avec les membres du public qui ne sont pas eux-mêmes impliqués dans des affaires. La publicité des audiences, au sens de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), est généralement vue comme le seul contact avec le grand public, ce qui fait des médias les interlocuteurs exclusifs des tribunaux. Cet état de fait connaît actuellement une évolution rapide. On considère aujourd’hui que les devoirs d’impartialité et de discrétion qui incombent aux juges ne font pas obstacle à ce que les tribunaux tiennent un rôle actif dans l’information du public, ce rôle étant une véritable garantie de l’indépendance de la justice. Le CCJE est d’avis que les Etats membres devraient encourager un tel rôle, en élargissant et en améliorant la portée de ce « rôle éducatif » tel que décrit dans les paragraphes 9 à 12 ci-dessus. Celui-ci ne se limite plus à rendre des décisions puisque les tribunaux souhaitent agir en tant que « communicateurs » et « facilitateurs ». Le CCJE considère que si ces derniers ont jusqu’à présent accepté de prendre part à des programmes éducatifs auxquels ils ont pu être invités, il est désormais nécessaire qu’ils en deviennent aussi des promoteurs.

16.       Le CCJE a considéré les initiatives que pourraient prendre les tribunaux pour assurer le contact direct avec le public, ne dépendant pas des actions qui seraient de la responsabilité des médias ou d’autres institutions. Les mesures suivantes ont ainsi été étudiées et sont recommandées :

- création dans les tribunaux de services d’accueil et de communication ;

- distribution de documents informatifs, création de sites Internet sous la responsabilité des tribunaux ;

- mise en place par les tribunaux d’un calendrier de forums éducatifs et/ou de réunions périodiques ouvert(e)s notamment aux citoyens, organismes d’intérêt public, décideurs, étudiants (« programmes de vulgarisation »).

17.       Le CCJE a consacré une discussion spécifique à ces « programmes de vulgarisation ». Il a en effet noté avec intérêt que, dans certains pays, des tribunaux organisent – souvent aidés en cela par d’autres acteurs sociaux – des initiatives éducatives qui rassemblent enseignants, étudiants, parents, juristes, dirigeants locaux et médias afin de leur donner l’occasion d’interagir avec les juges et le système judiciaire. De tels programmes font souvent appel à des professionnels rompus à l’exercice et permettent aux enseignants de constituer un réseau pour leur développement professionnel.

18.       Certaines actions sont spécialement prévues pour des individus qui, du fait des conditions socio-économiques et culturelles dans lesquelles ils évoluent, n’ont pas pleinement conscience de leurs droits et obligations, de telle sorte qu’ils n’exercent pas leurs droits ou, plus grave encore, qu’ils se retrouvent impliqués dans des poursuites judiciaires pour ne pas avoir rempli leurs obligations. L’image de la justice au sein des groupes sociaux les plus défavorisés est par conséquent formée au moyen de programmes qui sont étroitement liés à des actions « d’accès à la justice », comme, notamment, l’assistance juridique, services d’information au public, conseil juridique gratuit, accès direct au juge pour des requêtes mineures, etc. (voir la section A de l’Avis n° 6 (2004) du CCJE).

19.       Le CCJE recommande que les pouvoirs judiciaires européens et les Etats apportent un soutien général, au niveau national et international, à des « programmes de vulgarisation » tels que ceux décrits plus haut, qui devraient se généraliser. Il considère que ceux-ci vont au-delà d’une information générale à l’attention du public. Ils visent à donner une idée plus juste du rôle du juge dans la société. Dans ce contexte, le CCJE est d’avis – bien qu’il puisse revenir aux ministères de la Justice et de l’Education de fournir des informations à caractère général sur le fonctionnement de la justice et définir les orientations de l’enseignement scolaire et universitaire – que les tribunaux eux-mêmes, conformément au principe de l’indépendance de la justice, devraient être reconnus comme l’organe approprié pour mettre en place des « programmes de vulgarisation » et mener des initiatives consistant à réaliser des enquêtes, animer des groupes de discussion, faire participer des avocats et des professeurs à des forums publics, etc. En fait, ces programmes se proposent d’améliorer la compréhension et la confiance de la société à l’égard de son système judiciaire et, plus généralement, de renforcer son indépendance.

20.       Pour élaborer les programmes en question, le CCJE considère que les juges devraient avoir la possibilité de suivre des formations spécifiques en matière de relations avec le public. Les tribunaux devraient également pouvoir disposer d’un personnel qui soit spécialement chargé d’assurer la liaison avec les organismes d’éducation (cette tâche pourrait également être confiée aux services d’accueil et de communication, comme mentionné plus haut).

21.       Il semble au CCJE qu’un rôle de coordination des diverses initiatives locales, de même que de promotion de « programmes de vulgarisation » à l’échelle nationale, devrait être attribué à l’organe indépendant mentionné dans les paragraphes 37 et 45 de son Avis n°1 (2001). Ledit organe peut également, en s’adjoignant les services de professionnels rompus à l’exercice, répondre à des besoins d’information plus sophistiqués exprimés par des décideurs, universitaires et autres groupes d’intérêt public.

22.       Le CCJE a déjà déclaré qu’il faudrait accorder aux activités judiciaires un financement adapté, qui ne soit pas sujet à des fluctuations politiques, et qu’en outre les organes de la justice devraient être impliqués dans les décisions concernant l’allocation de budgets par le pouvoir législatif, moyennant par exemple un rôle de coordination de l’organe indépendant mentionné plus haut (voir Avis n° 2 (2001), paragraphes 5, 10 et 11). Il recommande que des fonds suffisants soient aussi alloués, par les tribunaux eux-mêmes, aux activités qui expliquent de manière transparente les mécanismesde la justice dans la société, selon les principes énoncés dans son Avis n° 2 (2001). Il convient par ailleurs que les dépenses liées à des « programmes de vulgarisation » soient couvertes par un poste budgétaire spécifique, de telle sorte qu’elles ne soient pas inscrites au passif du budget de fonctionnement des tribunaux.

23.       Les discussions du CCJE ont mis en lumière le fait que, afin d’assurer la perception correcte de la justice par la société, des principes similaires à ceux établis pour les juges peuvent s’appliquer aux procureurs. Le CCJE garde à l’esprit les acquis du Conseil de l’Europe concernant les procureurs[7]. Pour que l’information du public soit complète, il apparaît important au CCJE que les procureurs, pour la partie de la procédure qui les concerne, puissent contribuer à cette information.

B.        LES RELATIONS DES TRIBUNAUX AVEC LES JUSTICIABLES

24.       Les médias contribuent à façonner l’image que l’opinion publique se fait de la justice. Cependant, les impressions glanées par les citoyens appelés à participer à des procès, en tant que parties, jurés ou témoins, sont aussi un élément déterminant de l’image de la justice dans la société.

25.       De telles impressions seront négatives si le système de justice, par le biais de ses acteurs (juges, procureurs, personnel judiciaire), se montre de quelque façon que ce soit entaché de parti pris ou inefficace. De pareilles perceptions négatives s’épandront sans difficulté.

26.       Le CCJE a déjà soulevé dans ses Avis antérieurs (en particulier dans les Avis n° 1 (2001), n° 3 (2002) et n° 6 (2004)) la stricte nécessité pour les juges de maintenir (en réalité et en apparence) leur impartialité et pour les tribunaux de rendre la justice avec équité dans un délai raisonnable.  Le présent Avis porte sur les moyens d’éviter ou d’atténuer l’ignorance et les idées fausses qui peuvent naître au sujet du système judiciaire et de son fonctionnement.

27.       Le CCJE estime que pour mieux faire comprendre le rôle du pouvoir judiciaire, une action s’impose pour garantir, dans la mesure du possible, que la représentation que les justiciables se font de la justice soit exacte et qu’elle concorde avec les efforts consentis par les juges et le personnel judiciaire pour gagner leur respect et leur confiance en ce qui concerne la capacité des tribunaux à s’acquitter de leur fonction. Cette action devrait aussi démontrer les limites du champ d’action de la justice.

28.       Pour améliorer les relations avec les justiciables, plusieurs systèmes judiciaires ou des tribunaux individuels ont mis au point des programmes qui influent sur: (a) la formation déontologique des magistrats, du personnel judiciaire et des auxiliaires de justice; (b) les infrastructures judiciaires; (c) la procédure judiciaire.

a) la formation déontologique des juges, du personnel judiciaire et des auxiliaires de justice

29.       Certains programmes de formation visent à garantir que les tribunaux soient perçus, sous tous les aspects de leur comportement, comme traitant tous les plaideurs de la même manière, avec impartialité et sans discrimination fondée sur la race, le sexe, la religion, l’origine ethnique ou la position sociale. Les juges et le personnel judiciaire sont formés pour identifier les situations qu’un individu pourrait ressentir comme partiales, ne serait-ce que sur le plan des apparences, et traiter ces situations d’une manière qui renforce la confiance et le respect envers les tribunaux. Les avocats, de leur côté, organisent et reçoivent une formation déontologique spéciale pour qu’ils ne contribuent pas, intentionnellement ou non, aux attitudes de défiance à l’égard du système judiciaire.

            b) les infrastructures judiciaires

30.       Certains programmes s’attaquent aux causes de la défiance pouvant exister à l’encontre des tribunaux tenant à l’organisation infrastructurelle de ces derniers. Par exemple, le fait de déplacer le fauteuil du procureur pour l’éloigner du banc de la cour et le placer au même niveau que celui de la défense est conçu pour renforcer l’image de l’égalité des armes que doit donner un tribunal. De même, la suppression dans l’enceinte du tribunal des allusions visuelles par exemple à une religion déterminée ou à un pouvoir politique peut permettre de réduire la crainte de préjugés illégitimes et d’un manque d’indépendance des magistrats. Le fait que l’accusé, même s’il a été placé en détention provisoire, comparaisse non entravé à l’audience, sauf pour des motifs de sécurité, et le remplacement des enclos dans les salles d’audience par d’autres mesures de sûreté peuvent contribuer à ce que la présomption d’innocence dont bénéficient les prévenus apparaisse effectivement assurée par les tribunaux. Il faut aussi signaler, pour améliorer la transparence des tribunaux, la création de services d’accueil et de communication dans les juridictions, qui peuvent dispenser aux usagers des services judiciaires des informations sur le déroulement des procédures ou l’état d’avancement d’une affaire déterminée, guider les usagers dans leurs démarches et si la configuration des lieux le nécessite, les accompagner jusqu’au bureau ou la salle d’audience recherchés.

            c) la procédure judiciaire

31.       Certaines mesures visent à supprimer, parmi les étapes de la procédure, celles qui peuvent être mal reçues (référence religieuse obligatoire dans le serment, façon de s’adresser aux personnes etc.). D’autres mesures ont pour objet d’instituer des procédures garantissant, par exemple, qu’avant de comparaître, les plaideurs, jurés ou les témoins sont reçus, seuls ou en groupe, par des auxiliaires de justice qui leur présentent des exposés oraux ou audiovisuels, conçus en collaboration avec des experts en sciences sociales, sur la manière dont se déroulera probablement leur expérience judiciaire. Ces exposés ont pour finalité de dissiper toute perception erronée de la réalité de l’activité judiciaire.

32.       Le CCJE ne peut qu’encourager toutes les initiatives exposées aux paragraphes 29, 30 et 31, dès lors qu’elles ont pour but de renforcer l’image d’impartialité des juges et de permettre de rendre une bonne justice.

C.        LES RELATIONS DES TRIBUNAUX AVEC LES MEDIAS

33.       Les médias ont l’accès, en conformité avec les modalités et des limites établies par la législation nationale, à l’information judiciaire et aux audiences (voir par exemple Recommandation Rec(2003)13 sur la diffusion d’informations par les médias en relation avec les procédures pénales). Les professionnels des médias sont entièrement libres du choix des sujets susceptibles d’être portés à la connaissance du public et de la manière de les traiter. Il ne s’agit pas d’empêcher les médias d’émettre des appréciations critiques sur l’organisation ou le fonctionnement de la justice. La justice devrait accepter le rôle des médias qui peuvent  au demeurant, en tant qu’observateurs extérieurs à l’institution, mettre en évidence des dysfonctionnements et contribuer de manière constructive à l’amélioration de la pratique des tribunaux et de la qualité des services offerts aux usagers. 

34.       Les juges s’expriment avant tout par la motivation de leurs décisions et ne devraient pas expliquer eux-mêmes celles-ci dans la presse ou, plus généralement, s’exprimer publiquement dans les médias sur les affaires dont ils ont la charge. Il apparaît néanmoins utile d’améliorer les contacts entre les tribunaux et les médias :

i)          pour renforcer la compréhension de leurs rôles respectifs ;

ii)         pour informer le public sur la nature, l’ampleur, les limites et la complexité de l’activité judiciaire ;

iii)        pour rectifier les erreurs factuelles éventuellement commises dans la relation des affaires judiciaires ;

35.       Les juges devraient avoir un rôle de supervision des porte-parole ou du personnel responsable de la communication avec les médias.

36.       Le CCJE rappelle les conclusions de la 2e Conférence européenne des Juges (voir paragraphe 3 ci-dessus) qui invite le Conseil de l’Europe, d’une part à faciliter la tenue de rencontres régulières entre les représentants de la justice et les médias, d’autre part à envisager l’élaboration d’une Déclaration européenne des relations entre les représentants de la justice et les médias, en complément de la Recommandation Rec(2003)13 sur la diffusion d’informations par les médias en relation avec les procédures pénales.

37.       Il faudrait dans les Etats favoriser, notamment par des tables rondes, les échanges sur les règles et pratiques de chaque profession, pour faire connaître et comprendre les difficultés rencontrées. Le CCJE estime qu’il pourrait être utile que le Conseil de l’Europe organise ou favorise de tels contacts au niveau européen afin de rendre les attitudes en Europe plus cohérentes.

38.       Le développement d’un enseignement sur les institutions judiciaires et le déroulement des procédures devrait également être favorisé dans les écoles de journalisme.

39.       Le CCJE estime souhaitable que chaque profession (juges et journalistes) définisse des guides de bonnes pratiques pour l’organisation de ses rapports avec les représentants de l’autre profession et la relation des affaires judiciaires. Il s’agirait, notamment, comme le montre l’expérience des Etats qui connaissent déjà un tel système, pour le pouvoir judiciaire de définir les conditions dans lesquelles l’information peut être donnée aux médias sur les affaires judiciaires, pour les journalistes de fournir des indications sur la manière d’évoquer les affaires en cours, de communiquer les noms (ou images) des personnes en cause ou de recourir à l’anonymat (parties, victimes, témoins, procureur, juge d’instruction, juge statuant dans l’affaire, etc.), de même que de rendre compte des jugements dans les affaires ayant donné lieu à une grande publicité. En conformité avec son Avis n° 3 (2002), paragraphe 40, le CCJE recommande que les autorités judiciaires nationales fassent des démarches en ce sens.

40.       Le CCJE recommande de mettre en place des mécanismes efficaces, qui pourraient prendre la forme d’un organe indépendant. Ces mécanismes auraient pour objet, en cas de difficulté suscitée par la relation dans les médias d’une affaire judiciaire ou des difficultés rencontrées par les journalistes dans l’accomplissement de leur mission d’information, de proposer des recommandations à portée générale susceptibles de prévenir le renouvellement des problèmes constatés.

41.       Il faut aussi encourager le développement de services d’accueil et de communication dans les juridictions, non seulement, comme cela a déjà été indiqué, pour recevoir le public et guider les usagers des services judiciaires, mais aussi pour contribuer à la meilleure compréhension par les médias de l’activité juridictionnelle.

42.       Ce service, que les juges devraient superviser, pourrait ainsi avoir pour vocation:

-           de communiquer des résumés des décisions aux médias ;

-           de fournir des informations factuelles sur les décisions judiciaires aux médias ;

-           d’être en contact avec les médias par rapport aux audiences qui suscitent une attention particulière du public ;

-           d’apporter des précisions ou des rectifications factuelles sur des affaires ayant donné lieu à une relation dans les médias (voir aussi paragraphe 34, iii ci-dessus). Les services d’accueil ou le porte-parole de la juridiction[8] pourraient à cette occasion préciser à l’attention des médias les enjeux et les difficultés juridiques de l’affaire en cause, préparer l’ordonnancement de l’audience, prévoir les dispositions pratiques à prendre, notamment en vue de la protection des personnes participant à l’audience comme parties, jurés ou témoins. 

43.       Toute information fournie aux médias par les tribunaux devrait être communiquée dans le respect des principes de transparence et d’égalité de traitement des médias.

44.       La question de la présence des caméras dans les prétoires pour des raisons autres que les motifs de procédure a fait l’objet d’un débat important, aussi bien lors de la 2e Conférence européenne des Juges (voir paragraphe 3 ci-dessus) qu’au cours des réunions du CCJE. Certains membres du CCJE se sont montrés trèsréservés sur cette forme nouvelle de publicité donnée aux activités judiciaires.

45.       La publicité de la justice fait partie des garanties procédurales fondamentales dans les sociétés démocratiques. Si le droit international et les réglementations internes prévoient des exceptions au principe de la publicité des débats judiciaires, il importe que ces exceptions soient limitées à celles prévues par l’article 6.1 de la CEDH.

46.       Le principe de la publicité de la justice suppose que les citoyens et professionnels des médias puissent avoir accès aux enceintes judiciaires où se déroulent les procès, mais le développement  des moyens audiovisuels d’information confère aux événements relatés une amplification telle qu’elle transforme radicalement la notion de publicité de la justice. Si elle peut produire un effet bénéfique auprès du public quant à la connaissance du déroulement des procédures judiciaires et à l’image de la justice, on peut craindre en revanche que la présence des caméras de télévision dans les salles d’audience perturbe le bon déroulement des débats et modifie le comportement des acteurs du procès (juges, procureurs, avocats, parties à la procédure, témoins...).

47.       Dans l’hypothèse où la diffusion des audiences est télévisée, des caméras fixes devraient être utilisées et le président d’audience devrait avoir la possibilité tant de décider les conditions du filmage que d’interrompre à tout instant la diffusion. Ces mesures, ainsi que toute autre mesure nécessaire, devraient préserver les droits des personnes et assurer un bon déroulement de l’audience.

48.       L’opinion des personnes présentes à la procédure devrait également être prise en considération, en particulier pour certains types de procès comme par exemple ceux mettant en cause des faits de la vie privée.

49.       Compte tenu de l’impact particulièrement important d’une diffusion télévisée et du risque de dérive vers une curiosité malsaine, le CCJE encourage les médias à développer leur propre code de déontologie visant à assurer une diffusion équilibrée des débats filmés, de manière à garantir un compte-rendu objectif de l’audience.

50.       Il peut y avoir des motifs impérieux justifiant le tournage d’un film des débats judiciaires dans des cas déterminés strictement définis, par exemple à des fins pédagogiques et éducatives, ou pour conserver la mémoire filmée de débats présentant un intérêt historique particulier en vue d’une utilisation future. Si de tels motifs existent, le CCJE souligne la nécessité d’assurer la protection des personnes concernées par le procès, notamment selon des modalités de filmage n’affectant pas la sérénité des débats.

51.       Si les médias jouent un rôle essentiel dans la réalisation du droit du public à l’information et constituent, selon la terminologie de la Cour européenne des droits de l’homme, le “chien de garde de la démocratie”, ils peuvent parfois porter atteinte à la vie privée, à la réputation ou à la présomption d’innocence dont les individus peuvent légitimement demander aux tribunaux d’assurer la réparation. La recherche du sensationnel et la concurrence commerciale existant entre les médias exposent au risque d’abus et d’erreurs. Dans le domaine pénal, les accusés sont parfois présentés publiquement par les médias avant tout jugement comme coupables d’infractions avant que la juridiction compétente ne se soit prononcée sur leur culpabilité. Même si la responsabilité de cette personne est ultérieurement écartée par la juridiction de jugement, cette personne n’aura pas moins souffert du préjudice irrémédiablement causé par la publication déjà effectuée par les médias, qui ne sera pas effacé par le jugement.

52.       Il faut donc que les tribunaux accomplissent leur devoir, en conformité avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, d’assurer un équilibre entre les valeurs qui se confrontent : protection de la dignité humaine, de la vie privée, de la réputation et la présomption d’innocence d’une part, et la liberté d’information d’autre part.

53.       La réponse pénale aux atteintes aux droits de la personnalité (tels que réputation, dignité et vie privée) devrait être limitée à des affaires tout à fait exceptionnelles, comme cela ressort des conclusions de la 2e Conférence européenne des Juges (voir paragraphe 3 ci-dessus)[9]. En revanche, il incombe aux juges d’assurer des réparations civiles prenant en considération non seulement les préjudices subis par la victime, mais aussi la gravité des atteintes qui lui sont portées et l’importance de la publication en cause.

54.       Il faudrait que les tribunaux puissent, dans des cas exceptionnels strictement définis afin d’éviter le reproche de censure, intervenir en urgence pour mettre fin immédiatement par des mesures de saisie des publications ou prévenir par des interdictions de diffusion, les atteintes les plus graves aux droits de la personnalité, tels que réputation, dignité et vie privée.

55.       Lorsqu’un juge ou un tribunal est contesté ou attaqué par les médias (ou par des acteurs politiques ou autres de la société, par l’intermédiaire des médias) pour des raisons ayant trait à l’administration de la justice, le CCJE considère que le devoir de réserve des juges impliqués devrait leur interdire de réagir en utilisant les mêmes canaux. Le CCJE, gardant en mémoire le fait que les tribunaux devraient pouvoir rectifier les informations erronées diffusées par la presse, estime qu’il serait souhaitable que les pouvoirs judiciaires nationaux s’adjoignent les services de personnes ou d’un organe (par exemple le Conseil supérieur de la magistrature ou les associations de juges) qui soi(en)t prêt(s) à réagir de manière rapide et efficace à de telles contestations ou attaques, si nécessaire.

D.        ACCESSIBILITE, SIMPLIFICATION ET CLARTE DU LANGAGE UTILISE PAR LES TRIBUNAUX DANS LES JUGEMENTS ET LES DECISIONS

56.       Le langage utilisé par les tribunaux dans leurs jugements et décisions n’est pas seulement un puissant outil mis à leur service pour remplir leur rôle éducatif (voir paragraphe 6 ci-dessus), mais il constitue aussi, naturellement et plus directement, la « loi en pratique » pour les parties au litige. Il est donc souhaitable qu’il soit à la fois accessible, simple et clair[10].

57.       Le CCJE remarque que, dans certains pays européens, les juges pensent qu’un jugement a d’autant plus d’autorité qu’il est court ; dans d’autres, ils se sentent obligés, ou sont obligés par la loi ou la pratique, d’expliciter en détail et par écrit tous les éléments de leurs décisions.

58.       Sans avoir pour but de traiter en profondeur un sujet qui dépend, dans une large mesure, des styles juridiques nationaux, le CCJE juge qu’un langage simple et clair est bénéfique en ce sens qu’il rend le droit accessible et prévisible pour les citoyens, si nécessaire avec l’aide d’un juriste, comme le suggère la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

59.       Le CCJE considère que le langage de la justice devrait être concis et direct, en évitant – sauf nécessité – le latin et les termes qui sont difficiles à comprendre pour le grand public[11]. Le droit et les notions juridiques peuvent parfaitement être clarifiés en citant la législation ou certains précédents judiciaires.

60.       La clarté et la concision ne devraient toutefois pas constituer une fin en soi ; il est en effet nécessaire que les juges exposent dans leurs décisions une motivation précise et complète. Pour le CCJE, la législation ou la pratique judiciaire concernant la motivation qui préside aux jugements devrait être telle qu’une certaine forme d’argumentaire existe toujours, et que suffisamment de latitude soit laissée au juge pour choisir, quand cela est acceptable, d’opter pour un jugement oral (retranscrit à partir d’un enregistrement sur demande ou en cas de besoin) et/ou un court jugement écrit motivé (par exemple, sous la forme de la décision de type « attendu » utilisée dans certains pays) ou encore un jugement écrit motivé détaillé, chaque fois qu’il est impossible de s’appuyer sur des précédents établis et/ou que la motivation factuelle l’impose. Les formes de motivation simplifiées peuvent s’appliquer aux ordonnances, assignations, décrets et autres décisions qui ont une valeur procédurale et ne concernent pas les droits substantiels des parties.

61.       La mise à disposition du public des décisions de justice constitue un aspect important de l’accessibilité du droit[12]. Le CCJE recommande donc qu’au moins toutes les décisions qui représentent des points de repère, y compris, naturellement, celles qui émanent de la Cour suprême, puissent être consultées gratuitement sur Internet, de même que sous forme imprimée contre le remboursement des seuls frais de reproduction ; il faudrait toutefois que des mesures appropriées soient alors prises pour protéger la vie privée des personnes concernées, en particulier celle des parties et des témoins.

RESUME DES RECOMMANDATIONS ET CONCLUSIONS

A.        Les relations des tribunaux avec le public avec une référence particulière au rôle qui leur incombe dans une démocratie

A.1.     L’Etat devrait dispenser à l’ensemble de la population, à l’école et dans les universités, une formation civique qui comprenne un volet important sur la justice (voir paragraphe 11 ci-dessus).

A.2.     Les programmes pertinents d’éducation devraient prévoir une description du système judiciaire, des visites des tribunaux et l’enseignement actif des procédures judiciaires. Les juridictions et les associations de juges peuvent travailler en collaboration avec les écoles, les universités et les autres établissements scolaires pour présenter dans les programmes scolaires et dans le débat public le raisonnement spécifique du juge (voir paragraphe 12 ci-dessus).

A.3.     Les tribunaux devraient participer à des programmes cadres généraux émanant d’autres institutions d’Etat et tenir un rôle actif dans l’information du public (voir paragraphes 14 et 15 ci-dessus).

A.4.     Les mesures suivantes sont ainsi recommandées (voir paragraphes 16 - 19 ci-dessus) :

-          création dans les tribunaux de services d’accueil et de communication ;

-          distribution de documents informatifs, création de sites Internent sous la responsabilité des tribunaux ;

-          mise en place par les tribunaux d’un calendrier de forums éducatifs et/ou de réunions régulières ouvert(e)s aux citoyens, organismes d’intérêt public, décideurs, étudiants, etc. ;

-          « programmes de vulgarisation » et programmes d’accès à la justice.

A.5.     Les juges devraient avoir la possibilité de suivre des formations spécifiques en matière de relations avec le public et les tribunaux devraient disposer d’un personnel spécialement chargé d’assurer la liaison avec les organismes d’éducation (voir paragraphe 20 ci-dessus).

A.6.     Un rôle de coordination des diverses initiatives locales, de même que de promotion de « programmes de vulgarisation » à l’échelle nationale, devrait être attribué à l’organe indépendant mentionné dans les paragraphes 37 et 45 de l’Avis CCJE n° 1 (2001) (voir paragraphe 21 ci-dessus).

A.7.     Des fonds suffisants, non inscrits au passif du budget de fonctionnement des tribunaux, devraient être alloués aux tribunaux pour les activités qui expliquent de manière transparente les principes et les mécanismes de la justice dans la société et pour les dépenses liées à des « programmes de vulgarisation » (voir paragraphe 22 ci-dessus).

A.8.     Les procureurs devraient, pour la partie de la procédure qui les concerne, contribuer à l’information du public (voir paragraphe 23 ci-dessus).

B.        Les relations des tribunaux avec les justiciables

B.1.     Le CCJE estime que pour mieux faire comprendre le rôle du pouvoir judiciaire, une action s’impose pour garantir, dans la mesure du possible, que la représentation que les justiciables se font de la justice soit exacte et qu’elle concorde avec les efforts consentis par les juges et le personnel judiciaire pour gagner leur respect et leur confiance en ce qui concerne la capacité des tribunaux à s’acquitter de leur fonction. Cette action devrait aussi démontrer les limites du champ d’action de la justice (voir paragraphes 24 - 27 ci-dessus).

B.2.     Le CCJE encourage toutes les initiatives ayant pour but de renforcer l’image d’impartialité des juges et de permettre de rendre une bonne justice (voir paragraphes 28 - 32 ci-dessus).

B.3.     Ces initiatives peuvent prendre la forme (voir paragraphes 28 - 32 ci-dessus) :

-          de programmes de formation à la non-discrimination et le traitement équitable, organisés par les tribunaux pour les juges et le personnel judiciaire (en complément des programmes similaires organisés par les avocats pour les avocats) ;

-          d’une organisation infrastructurelle de tribunaux visant à éviter toute impression de l’inégalité des armes ;

-          de procédures visant, dans leur conception, à éviter de provoquer des vexations involontaires et à faciliter la participation de tous ceux qui sont concernés par le processus judiciaire.

C.        Les relations des tribunaux avec les médias

C.1.     Le CCJE estime qu’il apparaît utile d’améliorer les contacts entre les tribunaux et les médias (voir paragraphe 34 ci-dessus) :

-          pour renforcer la compréhension de leurs rôles respectifs ;

-          pour informer le public sur la nature, l’ampleur, les limites et la complexité de l’activité judiciaire ;

-          pour rectifier les erreurs factuelles éventuellement commises dans la relation des affaires judiciaires.

C.2.     Les juges devraient avoir un rôle de supervision des porte-parole et du personnel  responsable de la communication avec les médias (voir paragraphe 35 ci-dessus).

C.3.     Le CCJE estime qu’il faudrait favoriser, notamment par des tables rondes, les échanges sur les règles et pratiques de chaque profession et qu’il serait utile que le Conseil de l’Europe organise ou favorise de tels contacts au niveau européen afin de rendre les attitudes en Europe plus cohérentes (voir paragraphes 36 et 37 ci-dessus).

C.4.     Le développement d’un enseignement sur les institutions judiciaires et le déroulement des procédures devrait être favorisé dans les écoles de journalisme (voir paragraphe 38 ci-dessus).

C.5.     Le CCJE estime souhaitable que chaque profession (juges et journalistes) définisse des guides de bonnes pratiques pour l’organisation de ses rapports avec les représentants de l’autre profession et la relation des affaires judiciaires (voir paragraphe 39 ci-dessus).

C.6.     Le CCJE recommande de mettre en place des mécanismes efficaces, qui pourraient prendre la forme d’un organe indépendant, ayant pour objet, en cas de difficulté suscitée par la relation dans les médias d’une affaire judiciaire ou de difficultés rencontrées par les journalistes dans l’accomplissement de leur mission d’information, de proposer des recommandations à portée générale susceptibles de prévenir le renouvellement des problèmes constatés (voir paragraphe 40 ci-dessus).

C.7.     Il faudrait encourager le développement de services d’accueil et de communication dans les juridictions supervisés par les juges, pour contribuer à la meilleure compréhension par les médias de l’activité juridictionnelle en (voir paragraphes 41 et 42 ci-dessus) :

-          communiquant aux médias des résumés des décisions ;

-          fournissant des informations factuelles sur les décisions ;

-          étant en contact ave les médias pour les audiences qui suscitent une attention particulière du public ;

-          apportant des précisions ou des rectifications factuelles sur des affaires ayant donné lieu à une relation dans les médias.

C.8.     Le CCJE estime que toute information fournie aux médias par les tribunaux devrait être communiquée dans le respect des principes de transparence et d’égalité de traitement des médias (voir paragraphe 43 ci-dessus).

C.9.     Le CCJE estime que, dans l’hypothèse où la diffusion des audiences est télévisée, des caméras fixes devraient être utilisées et le président d’audience devrait avoir la possibilité   tant de décider les conditions du filmage que d’interrompre à tout instant la diffusion, les mesures prises devant préserver les droits des personnes et assurer un bon déroulement de l’audience. En outre, l’opinion des personnes présentes à la procédure devrait également être prise en considération, en particulier pour certains types de procès comme ceux mettant en cause des faits de la vie privée (voir paragraphes 44 - 48 ci-dessus).

C.10.   Le CCJE encourage les médias à développer leur code de déontologie visant à assurer une diffusion équilibrée des débats filmés, de manière à garantir un compte-rendu objectif de l’audience (voir paragraphe 49 ci-dessus).

C.11.   Le CCJE estime que, s’il existe des motifs impérieux justifiant le tournage d’un film des débats judiciaires dans des cas déterminés strictement définis (par exemple à des fins pédagogiques et éducatives ou pour conserver la mémoire filmée de débats présentant un intérêt historique particulier en vue d’une utilisation future), il est nécessaire d’assurer la protection des personnes concernées par le procès, notamment selon des modalités de filmage n’affectant pas la sérénité des débats (voir paragraphe 50 ci-dessus).

C.12.   Le CCJE estime que la réponse pénale aux atteintes aux droits de la personnalité devrait être limitée à des affaires tout à fait exceptionnelles, que les juges devraient en revanche assurer des réparations civiles prenant en considération non seulement les préjudices subis par la victime, mais aussi la gravité des atteintes qui lui sont portées et l’importance de la publication en cause, que dans des cas exceptionnels les tribunaux devraient pouvoir intervenir en urgence pour mettre fin immédiatement par des mesures de saisie des publications ou pour prévenir par des interdictions de diffusion, les atteintes les plus graves aux droits de la personnalité (voir paragraphes 51 - 54 ci-dessus).

C.13.   Le CCJE estime que lorsqu’un juge ou un tribunal est contesté ou attaqué par les médias, le devoir de réserve des juges impliqués leur interdit de réagir en utilisant les mêmes canaux. En revanche, les tribunaux devant pouvoir rectifier les informations erronées diffusées par la presse, le CCJE estime qu’il serait souhaitable que les pouvoirs judiciaires nationaux s’adjoignent les services de personnes ou d’un organe (par exemple le Conseil supérieure de la magistrature ou les associations de juges) qui soient prêts à réagir de manière rapide et efficace à de telles contestations ou attaques (voir paragraphe 55 ci-dessus).

D.        Accessibilité, simplification et clarté du langage utilisé par les tribunaux dans les jugements et les décisions

D.1.     Le CCJE considère qu’il est souhaitable que le langage judiciaire soit à la fois accessible, simple et clair (voir paragraphes 56 - 58 ci-dessus).

D2.      Le CCJE considère que le langage de la justice devrait être concis et direct, en évitant – sauf nécessité – le latin et les termes qui sont difficiles à comprendre pour le grand public. Le droit et les notions juridiques peuvent parfaitement être clarifiés en citant la législation ou certains précédents judiciaires (voir paragraphe 59 ci-dessus).

D.3.     Le CCJE estime que la motivation des décisions devrait toujours être précise et complète. Cependant, une motivation simplifiée peut être utilisée dans certains cas et suffisamment de latitude devrait être laissée au juge pour choisir, quand cela est acceptable, d’opter plutôt pour un jugement motivé oralement (retranscrit sur demande ou en cas de besoin) que par écrit (voir paragraphe 60 ci-dessus).

D.4.     Le CCJE recommande qu’au moins toutes les décisions qui représentent des points de repère, y compris celles des cours suprêmes, puissent être consultées gratuitement sur Internent, de même que sous forme imprimée contre le remboursement des seuls frais de reproduction, des mesures appropriées devant toutefois être prises pour protéger la vie privée des personnes concernées, en particulier celles des parties et des témoins (voir paragraphe 61 ci-dessus).



[1]Voir : mandat spécifique du CCJE pour 2004-2005 adopté par le Comité des Ministres à la 876e réunion des Délégués des Ministres (17 mars 2004, point 10.1).

[2] Les participants à la Conférence - juges et autres personnes professionnellement concernées par le sujet, notamment les représentants des médias et des organisations internationales, des parlementaires et les experts dans le domaine discuté - ont pris en considération, d’une part les dispositions pertinentes de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, les textes et autres instruments du Conseil de l’Europe sur le droit à l’information du public dont la presse assure l’effectivité, d’autre part les exigences du droit à un procès public et équitable, assuré par un tribunal indépendant et impartial, en vue de protéger la dignité humaine, la vie privée, la réputation d’autrui et la présomption d’innocence, l’objectif étant de rechercher les moyens d’un équilibre entre les droits et libertés en conflit.

[3] Voir Conclusions de la 5e réunion des Présidents des Cours suprêmes européennes, Ljubljana, 6-8 octobre 1999, paragraphe 2.

[4]Voir, par exemple, Cour européenne des droits de l’homme, affaire Sunday Times c. Royaume-Uni, arrêt du 26 avril 1976, série A, N° 30, où il est dit que les notions abordées dans le texte sont incluses dans l’expression « autorité du pouvoir judiciaire » contenue dans l’article 10 de la CEDH.

[5] Voir Conclusions de la réunion des Présidents des Associations des Juges sur « La justice et la société », Vilnius, 13-14 décembre 1999, paragraphe 1.

[6] Voir Conclusions de la réunion des Présidents des Associations des Juges sur « La justice et la société », Vilnius, 13-14 décembre 1999, paragraphe 1.

[7]Voir, à ce propos, la Recommandation Rec(2000)19 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur le rôle du ministère public dans le système judiciaire pénal.

[8] Voir Conclusions de la 5e réunion des Présidents des Cours suprêmes européennes, Ljubljana, 6-8 octobre 1999, paragraphe 4, où il est clairement dit que le porte-parole ne peut pas donner son avis personnel sur un arrêt rendu ou sur une affaire pendante.

[9] Voir paragraphe 28 du Plan d’action adopté par la Conférence ministérielle européenne sur la politique des communications de masse (Kyiv, 10-11 mars 2005), qui affirme la nécessité de réviser la situation dans les Etats membres en ce qui concerne la législation relative à la diffamation.

[10]Voir Conclusions de la 5e réunion des Présidents des Cours suprêmes européennes, Ljubljana, 6-8 octobre 1999, paragraphe 1.

[11]Voir Conclusions de la réunion des Présidents des Associations de Juges sur « La justice et les médias », Vilnius, 13-14 décembre 1999, paragraphe 1.

[12] Voir Conclusions de la 5e réunion des Présidents des Cours suprêmes européennes, Ljubljana, 6-8 octobre 1999, paragraphe 1.