Strasbourg, le 23 novembre 2005                                                CCJE (2005) OBS N°1

[ccje/doc2005/ccje(2005)obs n°1f]

CONSEIL CONSULTATIF DE JUGES EUROPEENS (CCJE)

OBSERVATIONS n° 1 (2005)

DU CONSEIL CONSULTATIF DE JUGES EUROPEENS (CCJE)

SUR LE PROJET DE

PLAN D’ACTION POUR LE SUIVI DES AVIS DU CCJE

préparé par la CEPEJ à la demande du CDCJ

adopté par le CCJE

lors de sa 6e réunion (23-25 novembre 2005)

Le Conseil Consultatif de Juges Européens (CCJE), lors de sa 6e réunion tenue à Strasbourg du 23 au 25 novembre 2005, prend acte du projet de « Plan d’action pour le suivi des Avis du CCJE », préparé par la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ)  (document CEPEJ (2005) 11 Prov.).

Le CCJE note que le Comité européen de coopération juridique (CDCJ), lors de sa 80e réunion, a décidé de demander à la CEPEJ d’examiner les Avis du CCJE, afin d’élaborer un tel Plan d’action que le CDCJ examinera dans le cadre de ses éventuelles activités futures en matière de normes judiciaires. Le CCJE se félicite de cette initiative. Il considère que la promotion des Avis du CCJE implique à la fois une diffusion plus large de l’information sur leur existence et leur contenu, et l’association du CCJE aux travaux qui seront entrepris au sein du Conseil de l’Europe sur la question des normes judiciaires.

Le CCJE souhaite présenter les observations suivantes sur le « Plan d’action pour le suivi des Avis du CCJE » :

1.         Le projet de plan d’action porte sur les domaines sur lesquels le CCJE ne s’est pas encore prononcé, comme par exemple les règles en matière de formation des auxiliaires de la justice, les règles relatives à l’exercice de la fonction d’exécution des décisions de justice ou la répartition des compétences entre les juges et les procureurs. Ce dernier thème devrait faire l’objet d’un des prochains avis du CCJE.

2.         La mise à jour de la Recommandation R(94)12 sur l’indépendance, l’efficacité et le rôle des juges, préconisée par le projet de plan d’action, devrait notamment prendre en considération l’importance particulière attachée par le CCJE, non seulement à la proclamation solennelle de l’indépendance des juges comme l’un des fondements des Etats démocratiques, mais aussi à la réalisation concrète de cette indépendance.

3.         Celle-ci suppose notamment qu’une attention toute particulière soit attachée à la mise en place dans chaque Etat de conseils supérieurs de justice, ou organes indépendants équivalents, et à l’octroi, à de tels organes de pouvoirs qui leur permettent de tenir un rôle essentiel, sinon exclusif, en matière de nomination et de promotion des juges.

4.         Le CCJE envisage à cet égard de consacrer l’un de ses prochains avis à la question des conseils supérieurs, de leur composition et de leurs prérogatives.

5.         Sous réserve de l’avis qui sera émis à ce sujet, il semble nécessaire, en vue d’une réalisation concrète de l’indépendance de la justice, de veiller à ce que par leur composition, les conseils supérieurs de justice assurent une représentation équitable de la magistrature et de la société civile, seule cette représentation équilibrée étant de nature à éviter un double écueil: celui de la mainmise du pouvoir politique sur les nominations des juges ; celui du corporatisme.

6.         Il semble tout aussi nécessaire que ces conseils aient un pouvoir effectif en matière de nomination et promotion des juges, des disparités importantes existant actuellement entre les systèmes, certains limitant l’intervention de l’organe indépendant à de simples avis sur tout ou partie des projets de nomination, d’autres lui conférant un pouvoir de proposition, d’autres enfin lui déléguant la mission complète de décision en ce domaine.

7.         Il importe également, selon le CCJE, que les conseils supérieurs de justice aient un rôle éminent dans le domaine de la formation des juges, cette formation étant essentielle à la crédibilité de l’intervention judiciaire, à la confiance que les citoyens doivent avoir envers l’institution judiciaire et en définitive à l’indépendance même des juges. Les conseils doivent dès lors avoir un droit de regard sur la détermination des systèmes de formation et sur leur contenu ainsi, lorsque ces organes de formation existent, sur la nomination des personnes qui en ont la charge.

8.         Pour préciser le point 15 du projet de plan d’action de la CEPEJ, le CCJE rappelle qu’il a également abordé dans ses Avis les questions de déontologie et de responsabilité des juges, en insistant notamment :

i.          sur la nécessité de distinguer la déontologie et la discipline ;

ii.         sur la nécessité de définir des règles déontologiques conçues comme un guide de conduite pour les juges ;

iii.        sur la nécessité pour le corps judiciaire de prendre en charge lui-même l’élaboration de normes déontologiques ;

iv.        sur l’utilité d’organes éthiques distincts de ceux investis de la mission de sanction des fautes disciplinaires ;

v.         sur la nécessité de définir clairement les manquements susceptibles de constituer des fautes disciplinaires ;

vi.        sur le rôle essentiel des organes indépendants en matière de sanction des fautes disciplinaires.

9.         Parmi les autres travaux du CCJE, il convient enfin de rappeler celui relatif au financement des activités juridictionnelles, la question du financement étant intimement liée à celle de l’indépendance.

10.       Dans cette perspective, il apparaît indispensable que l’autorité judiciaire ne soit pas contrainte de passer par l’intermédiaire du pouvoir exécutif pour obtenir le financement de ses activités et qu’il puisse, par exemple par une cour suprême ou l’organe indépendant déjà évoqué, présenter ses demandes directement auprès du parlement ou autre autorité habilitée à déterminer le budget de la justice.

           

11.       De même, pour compléter le point 28 du projet de plan d’action de la CEPEJ, le CCJE rappelle les termes de son Avis n° 6 (2004) (paragraphes 35 et suivants) sur la nécessité d’éviter le chevauchement entre l’évaluation qualitative de la justice et l’appréciation professionnelle des juges et sur la nécessité d’associer le conseil supérieur de justice ou organe indépendant équivalent pour le choix et la collecte des données de qualité de la justice.

12.       L’ensemble de ces questions mériterait un approfondissement des normes actuellement disponibles et des études complémentaires pour lesquelles le CCJE est prêt à apporter son concours sous l’une des formes que le CDCJ voudra bien déterminer. Il apparaît souhaitable que les avis du CCJE fassent l’objet d’un examen approfondi et que le CCJE puisse contribuer activement à l’élaboration des nouvelles normes.

Le CCJE tient à remercier le CDCJ d’avoir pris l’initiative de donner une suite normative aux avis qu’il a émis.