Session d’Automne du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe (1-3 décembre 2008)

Strasbourg, 02.12.2008

Déclaration par Marino Keulen, Ministre des Affaires intérieures, de la Politique des Villes, du Logement et de l’Intégration civique du Gouvernement flamand, prononcée par Fons Borginon

Vérification à l’écoute

Messieurs, Mesdames,

Comme vous le savez sans doute, le M. le Ministre Keulen a informé par écrit votre président, M. Micallef, qu'il ne peut pas participer personnellement à cette séance pour des raisons juridiques. Je reviendrai plus tard à ces raisons. Dans sa lettre, Ministre Keulen a proposé de se faire représenter par un conseil juridique.

Ensuite, M. Micallef a fait preuve de compréhension pour la situation du ministre et a proposé que le Ministre se fasse remplacer par un représentant politique élu. (présenter Fons Borginon; élu local, président du conseil de district de Berchem, ancien parlementaire, spécialiste de la législation linguistique et du fédéralisme belge, ...)

D'abord, je voudrai expliquer les raisons juridiques qui empêchent le Ministre Keulen de donner suite, personnellement, à votre invitation en ce moment. Comme votre président a clairement exposé dans sa réponse au Ministre Keulen, cette séance est en effet une assemblée politique. En même temps, les thèmes que vous tenez à cœur et qui figurent à l'ordre du jour de cette séance sont des questions politiques par excellence qui sont étroitement liées à la Charte européenne de l'autonomie locale. Ministre Keulen tient à souligner qu'il porte un intérêt tout particulier au thème de l'autonomie des pouvoirs locaux. En effet, il a déjà à son actif plus de vingt ans de services comme élu local. En tant que Ministre des Affaires intérieures, il a eu l'opportunité ces dernières années de moderniser et de simplifier la législation relative aux pouvoirs locaux, avec comme objectif principal de réduire la tutelle de lu pouvoir central et de donner plus d'autonomie aux communes. Sous sa houlette, l'autorité flamande a commencé à considérer les communes comme des partenaires dans la politique, plutôt que de les qualifier de pouvoirs subordonnés. Le Ministre s'en rend compte que les pouvoirs locaux sont la clé de voûte de la démocratie. Ce sont les responsables politiques qui se trouvent le plus près des citoyens et bénéficient le plus de leur confiance. De concert avec son parti, le Ministre a toujours œuvré pour l'introduction d'un système d'élection directe du bourgmestre par les citoyens. La Charte européenne de l'autonomie locale a toujours représenté un soutien aux partisans d'une telle élection directe. Jusqu'à présent, il n'y a pas de majorité au Parlement flamand pour cette position et le Ministre doit se tenir à la législation applicable en la matière qui exige que le candidat bourgmestre qui est présenté par le conseil communal soit nommé par l'autorité flamande. Aujourd'hui, il existe un système mixte en Flandre, par lequel le bourgmestre est, d'une part, l'émanation de la majorité dans le conseil communal élu, et, d'autre part, un mandataire qui exerce des tâches qui lui sont imposées par l'autorité régionale flamande ou par l'autorité fédérale belge. Cette donnée est essentielle pour l'évaluation des questions qui sont à l'ordre du jour aujourd'hui. Ce double rôle déclare également la réserve émise par la Belgique concernant les dispositions de la Charte qui portent sur l'élection directe du bourgmestre. Plus tard, je traiterai plus à fond ce double rôle et la réserve belge.

Donc, quelle est la raison pour laquelle le Ministre Keulen ne peut pas être présent? Le motif de son absence s'explique par le fait qu'outre la discussion politique intéressante sur la démocratie directe au niveau local et sur les particularités de la construction fédérale belge et la législation linguistique qui en est le résultat, il est également demandé à la réunion de se prononcer sur la non-nomination des trois candidats-bourgmestres. Ce sont trois dossiers juridiques concrets dans lesquels le Ministre a pris la décision de ne pas nommer les trois candidats-bourgmestres ici présents. En tant que ministre compétent, le Ministre Keulen joue un rôle juridique dans ces dossiers, et dès lors il est obligé d'appliquer strictement la législation en vigueur. Comme il se doit dans un Etat de droit démocratique, il existe pour les candidats-bourgmestres refusés différentes possibilités de recours devant un juge indépendant. Il s'agit en l'occurrence du Conseil d'Etat, la juridiction administrative suprême qui soit en Belgique. Comme le Ministre a déjà communiqué à plusieurs reprises à votre délégation d'enquête ainsi qu'à votre président, les candidats-bourgmestres refusés peuvent former un recours contre sa décision, et en contester la légalité ou la proportionnalité. Il a également fait remarquer, qu'il est très bizarre que l'année dernière, après une première décision de non-nomination, les candidats-bourgmestres ne se soient  PAS servis de cette possibilité. Cela mène à la situation étrange qu'une question pareille figure à l'ordre du jour de cette séance, sans que la juridiction compétente n'ait pu se prononcer sur la légitimité des décisions prises. Comme vous savez sans aucun doute, le Ministre a pris, la semaine passée, pour la seconde fois une décision de non-nomination. De la sorte, les candidats-bourgmestres reçoivent une fois de plus la possibilité d'introduire un recours. Cela pourra vous surprendre, mais le Ministre demande avec insistance aux intéressés d'interjeter appel auprès du Conseil d'Etat. En effet, pour l'instant il est discuté dans la presse et même dans votre Assemblée sur la légitimité d'une telle décision, tandis que la question n'est PAS soumise au juge compétent. Puisque le Ministre espère qu'un tel recours soit encore introduit, il ne peut pas être présent aujourd'hui. En effet, il ne peut pas mener une discussion politique sur une affaire juridique dans laquelle lui-même et les candidats-bourgmestres ici présents soient parties intéressées. Dans ce dossier de nomination, il doit s'en tenir à l'exécution de la réglementation belge et flamande, et il estime, vu la procédure juridique en cours de l'affaire, qu'il est impossible de mener un débat sur l'opportunité de la réglementation qu'il est censée appliquer.

C'est pour les mêmes raisons que le Ministre a demandé à votre président de reporter le débat. Dès que l’affaire concrète des non-nominations sera réglée selon le droit belge en vigueur, toutes les parties intéressées pourront discuter ouvertement et en toute franchise des objectifs de la Charte et de la façon dont ceux-ci sont poursuivis en Flandre et en Belgique. Je voudrais réitérer ici cette demande du Ministre et vous soumettre sa question : pourquoi le débat ne peut-il être reporté jusqu'à ce que la procédure juridique des dossiers de nomination soit terminée? Ainsi, un débat ouvert pourrait être menée sans interférence avec la procédure éventuelle devant le Conseil d'Etat. Au cas où la demande de report serait rejetée, je voudrais vous demander en tout cas de reporter le vote final sur la proposition de résolution jusqu'à ce que la procédure de droit belge interne soit achevée. Ainsi, votre Assemblée n'est pas demandée de se prononcer sur la légitimité de la décision ministérielle de droit belge, comme c’est le cas actuellement. Ainsi, votre Assemblée se limiterait à sa raison d'être, notamment, celle d'un organe politique qui contrôle le respect de la Charte européenne de l'autonomie locale. Ainsi, votre Assemblée peut se défendre contre l'impression qu'ont certains que vous êtes de parti pris dans une procédure juridique. Je vous prie explicitement de prendre en considération le report du débat, et en ordre subsidiaire, du vote final.

Le contenu des résolutions proposées à votre Assemblée a des éléments communs avec les lois et décrets qui régissent l'autonomie et le contrôle des pouvoirs locaux, mais également avec l'ensemble de la législation linguistique belge et même avec l'ensemble du fédéralisme belge, dans lequel est prévue la division du pays en trois Régions disposant de compétences larges et est réservé un rôle important aux trois Communautés linguistiques. Lors de sa visite à notre pays, votre délégation a eu l'occasion d'échanger des idées sur ce dossier avec des mandataires politiques et des experts. Sur différentes questions, des rapports circonstanciés et rédigés dans vos langues de travail ont été soumis à la délégation et à votre Assemblée. Il m'est impossible de répéter toutes les réflexions dans le court délai qui m'est imparti. Mais je suppose que vous avez eu assez de temps pour étudier à votre aise cette documentation. Ici, je souhaite me concentrer sur deux thèmes qui demandent une explication selon moi :

  1. le rôle spécifique de bourgmestre en Flandre ; nos bourgmestres sont à la fois les primus inter pares des conseillers communaux élus et les représentants du pouvoir central dans la commune. Ils remplissent une fonction tremplin spéciale entre la démocratie locale et le pouvoir central. C'est pourquoi une nomination par le pouvoir central est nécessaire, outre la proposition par le conseil communal élu.
  2. quelques particularités du fédéralisme belge et le rôle de la législation linguistique en la matière. Je voudrais démontrer que toute la législation à ce sujet forme un ensemble logique. Comme on ne peut pas retirer une carte quelconque d'un château de cartes, on ne peut pas non plus juger le bien-fondé de la législation linguistique à l'aide d'un détail isolé.

Fonction tremplin des bourgmestres

Les communes en Belgique bénéficient d'une grande autonomie. Cette autonomie est ancrée dans la Constitution belge. Cette autonomie communale a trait à tous ce qui est d'intérêt communal et ne peut être limitée que par la loi. L'élection directe des conseillers communaux par les citoyens dans la commune est un acquis constitutionnel. Les bourgmestres sont proposés pour nomination par le conseil communal.  La nécessité d'une nomination par une autorité centrale est expliquée par la situation spéciale que ces bourgmestres occupent au sein de l'organisation des Autorités belges.  Le bourgmestre n'est pas seulement à la tête d'une commune, mais il représente en plus l'autorité centrale dans sa commune.  Dans notre pays, le bourgmestre est entre autres chargé des compétences policières. Il est cependant chargé en général de l'exécution des lois, décrets et des arrêtés d'exécution de tant l'autorité fédérale, que ceux des régions et communautés. C'est pour cette raison que le bourgmestre est nommé par le Gouvernement flamand et non seulement par les conseillers communaux. Cela a toujours été le cas en Belgique et cela n'a pas été modifié par le transfert des compétences en matière de l'organisation des pouvoirs locaux aux Régions.

L'intervention de l'autorité centrale – auparavant l'autorité fédérale, actuellement les Régions – lors de la désignation du bourgmestre cadre historiquement dans le principe institutionnel que l'autorité centrale dispose d'un représentant dans chaque subdivision territoriale.  Cela garantit également la cohésion de l'organisation de l'état dans un système de large autonomie des administrations décentralisées.   

Je voudrais vous demander de retenir ce rôle spécifique du bourgmestre en Flandre et de le comparer au rôle du bourgmestre dans votre propre pays.  En effet, ce rôle n'est pas toujours comparable aux compétences des bourgmestres dans d'autres pays. Nous risquons de comparer l'incomparable. Etant donné que le bourgmestre belge est également un agent de l'autorité centrale, ce qui lui confère de larges compétences, une nomination par cette autorité est donc nécessaire. Vous et moi savons que dans d'autres pays ces compétences sont souvent conférées à d'autres mandataires publiques qu'aux bourgmestres, pensez par exemple aux compétences policières. 

Dans un état démocratique, chaque citoyen est tenu de respecter la loi. Cela vaut évidemment d'avantage pour les autorités publiques telles que les bourgmestres et  les Ministres. Il est par conséquent évident qu'un candidat-bourgmestre qui volontairement ne veut pas respecter la loi, et annonce de ne pas vouloir le faire à l'avenir, ne peut pas être nommé par le pouvoir central.  Le pouvoir central le désignerait comme protecteur de la loi, tandis que le candidat-même déclare ne pas se sentir lié par elle. Dans ce cas, cela n'a aucune importance s'il s'agit d'un règlement spécifique de la loi. Dans ce cas, cela n'a aucune importance s'il s'agit d'un règlement de droit qui est considéré par certains comme étant un détail.  Dans ce cas, cela n'a même pas d'importance s'il s'agit d'un règlement de droit qui est considéré par certains comme étant injuste.  Un candidat-bourgmestre qui refuse d'appliquer une partie de la législation – même après que la validité de cette règle a été confirmée par la juridiction suprême en matière administrative – rend impossible sa propre nomination. 

Tout citoyen et tout mandataire politique a évidemment le droit dans un état de droit démocratique d'aspirer à une autre législation. De cette manière, tout bourgmestre peut plaider en faveur d'un autre régime linguistique pour sa commune. De cette manière, tout bourgmestre peut plaider en faveur d'une adhésion de sa commune à une autre Région. Ils peuvent le faire par tous les moyens politiques qui sont à leur disposition. Ce qui n'est cependant pas possible, c'est qu'un bourgmestre refuse d'appliquer la législation existante. On ne peut pas attendre du Gouvernement flamand qu'il nomme des candidats qui refusent manifestement et explicitement (et prétendent de continuer à le faire) d'appliquer la loi. Garantir que les lois et décrets sont exécutés constitue un élément déterminant de l'état de droit. L'autorité à l'obligation de veiller à ce que la réglementation réalisée de façon démocratique, soit également appliquée.

Je voudrais que vous y réfléchissiez bien.  Si tantôt vous voterez une résolution qui demanderait au Gouvernement flamand de  nommer quand-même les trois candidats-bourgmestres, vous demanderez en fait que des personnes qui refusent d'appliquer une certaine législation soient nommées en tant que protectrices de la loi.  Vous nieriez un très important principe d'un état de droit démocratique. Cela rend la recommandation éventuelle de nommer les bourgmestres d'un tout autre ordre que d'éventuelles recommandations de modifier une certaine législation.  Une recommandation éventuelle de nommer les bourgmestres s'adresse en effet au pouvoir exécutif et implique une demande au pouvoir exécutif de nier la législation existante.  Les recommandations relatives à la législation linguistique belge, aux facilités ou à l'élection directe des bourgmestres par contre, sont des demandes adressées aux Parlements belge et flamand afin de reconsidérer la législation existante.  Mise à part la discussion relative au contenu, une telle demande n'a rien d'indécent.            

La résolution proposée résulte en une critique sur le mode de désignation du bourgmestre, notamment la nomination par le Gouvernement flamand. Votre Assemblée est partisane d'un système d'élection directe du bourgmestre. Comme je vous l'ai déjà dit, Monsieur le Ministre Keulen est également partisan d'une élection directe. Cependant, vu sa fonction, il doit de toute évidence cadrer sa décision dans la réglementation adoptée par le Parlement flamand. Par ailleurs, la Recommandation 131 (2003) relative à la démocratie locale en Belgique stipule que la pratique actuelle est conforme au Manifeste, bien que l'élection directe des bourgmestres constitue une meilleure solution que la pratique actuelle de nomination par l'Autorité régionale, étant donné qu'en pratique, le conseil communal a une voix importante dans la désignation du bourgmestre. 

Je voudrais en outre référer aux réserves faites par la Belgique à l'occasion de la ratification de la Charte européenne de l'autonomie locale.  Ces réserves ont entre autres trait aux dispositions vis-à-vis de l'élection directe du bourgmestre. Je comprends que votre Assemblée encourage la ratification continuée de la Charte. D'autre part, l'on ne peut pas reprocher à un autre état membre de ne pas remplir ses engagements si la possibilité de réserves est prévue et effectivement utilisée lors de la ratification.

Finalement, le rapport de la délégation stipule que le délai raisonnable pour prendre une décision de nomination a été dépassé (n° 12). Cependant, les candidats-bourgmestres ont négligé pendant des mois  de répondre aux demandes d'informations du Gouverneur dans le cadre de son enquête. Par ce fait, ils ont mené le Ministre à l'impossibilité de prendre une décision de nomination, tandis que sans rapport du Gouverneur il n'y avait pas de raison pour procéder à une non-nomination. Le rapport ne mentionne aucunement cette négligence de la part des bourgmestres. Ensuite, les conseils communaux des communes concernées ont, sans aucun nouvel élément dans le dossier, proposé pour la deuxième fois les bourgmestres déjà refusés. Il va de soi qu'ils sont eux-mêmes principalement responsables du fait qu'après deux ans aucun bourgmestre n'ait encore été désigné. Par ailleurs, je voudrais rappeler que le droit administratif oblige le Ministre d'agir dans des délais raisonnables, et que, si les bourgmestres refusés estiment que ces délais ont été dépassés, ils peuvent former un recours devant le Conseil d'Etat. 

Le fédéralisme Belge

Comme dernier point d'attention, je voudrais brièvement traiter du fédéralisme belge atypique et de la complexe législation linguistique y appartenant.   La législation linguistique, telle que réglée en Belgique, est le résultat d'un équilibre précaire entre les communautés linguistiques dans notre pays. 

Elle ressort de l'ordre public et est réalisée par des majorités spéciales dans le Parlement fédéral, dont une majorité de chaque groupe linguistique. La remarque suivante est importante : La législation linguistique à laquelle les candidats-bourgmestres s'opposent et qu'ils considèrent être une atteinte aux droits des francophones, a été réalisée au sein du parlement fédéral, avec consentement d'une majorité des parlementaires francophones.

Au début des années soixante du siècle précédant, un des premiers pas dans les processus qui ont fait de la Belgique un état fédéral, était la définition des zones linguistiques du pays.   Les facilités accordées à un nombre de communes constituaient des exceptions au caractère unilingue de la Région dans laquelle ces communes se situent.  C'est auprès de la Cour constitutionnelle de Belgique et auprès du Conseil d'Etat section jurisprudence que ces exceptions doivent être limitativement interprétées. Il est en tout cas clair que les communes à facilités n'ont pas le même statut que la zone bilingue de Bruxelles-Capitale. Les bourgmestres plaident en faveur d'un transfert de leurs communes à cette zone bilingue. C'est leur plein droit. Cependant, faire comme si les facilités constituent une infraction aux droits des citoyens francophones, c'est réellement tourner le monde à l'envers.   Ces facilités assurent par excellence une protection spéciale aux citoyens francophones qui habitent dans la Région flamande.

La transformation de l'état belge jadis unitaire en un état fédérale à large autonomie pour les Communautés et Régions est un processus continu qui n'est pas fini, même aujourd'hui. Le fait que cette discussion politique est plus actuelle que jamais dans notre pays n'aura échappé à personne d'entre vous.

Il est essentiel que la législation linguistique ait été réalisée au niveau fédéral comme étant le résultat d'un équilibre entre les rapports entre les différentes communautés dans ce pays.

Porter atteinte à ces équilibres est précaire pour l'équilibre du pays.  L'équilibre communautaire est comme un château de cartes. C'est une construction équilibrée dans laquelle la protection d'une minorité à un certain niveau est couplée aux règlements à d'autres niveaux.  Tout simplement en retirer une carte fera écrouler l'ensemble du château de cartes ….  Je vous demande également d'en être conscients. En effet, l'on vous demande aujourd'hui de vous prononcer sur seulement une des pièces du puzzle, notamment l'application de la législation linguistique dans un nombre de communes flamandes à facilités pour les citoyens francophones. Il ne vous est pas demandé de vous pencher sur la position spéciale que la minorité francophone a obtenue au sein des institutions fédérales. Il ne vous est pas demandé de vous prononcer sur les facilités pour les néerlandophones dans la Région wallonne. Il ne vous est pas demandé de vous prononcer sur le bilinguisme légal dans la Région bruxelloise et sur la situation souvent unilingue dans cette région. Cependant, tous ces problèmes sont interconnectés de sorte que s'occuper d'un problème signifie en même temps qu'il faut s'occuper des autres. Je voudrais dès lors vous demander de pratiquer la prudence et la sagesse nécessaires lorsque vous jugez d'une seule petite pièce du puzzle belge compliqué.

Permettez-moi de conclure :

1) Le Gouvernement flamand reconnaît l'intérêt et la nécessité d'un débat permanent sur le renforcement de l'autonomie locale des communes et par conséquent également votre droit en tant que 'Congrès des Autorités locales' d'y veiller avec la critique nécessaire.

Cependant, ce débat politique sensé est actuellement entièrement éclipsé par trois dossiers individuels sur lesquels une procédure juridique est en cours. La définition de ce qui est droit flamand, et par conséquent également belge, en cette matière, ressort à des juges compétents et formés à cet effet.  Dès qu'il ne subsiste plus aucun  doute à ce sujet, nous sommes disposés à continuer le débat avec vous sur le fond de la matière. Cependant, en votant la recommandation obligeant le Ministre Keulen à nommer les trois bourgmestres, vous l'obligerez à agir illégalement. 

2) Vous avez-vous-même stipulé dans le contenu de la recommandation 131 que le système permettant de nommer un bourgmestre par le pouvoir exécutif est conforme au texte de la Charte        dans la mesure qu'il ressort de la pratique que le "conseil communal exerce une influence importante" sur le processus de nomination. Dans plus de 95 % des cas en Flandre, le bourgmestre qui est proposé par la majorité des élus directs, est nommé.  Notre pratique est donc entièrement conforme au sens de la Charte. Si vous tenez en outre compte que la Belgique n'a pas accepté l'article 3, alinéa deux, de la Charte et que nous ne sommes donc pas engagés par les dispositions en matière d'élection directe suivant le droit international, il serait plus que ridicule que vous nous "condamneriez" pour une matière vis-à-vis de laquelle nous avons même pas d'obligation mais que nous appliquons déjà en grande mesure malgré tout.

3) La Belgique est un pays compliqué. Deux communautés qui ont environ la même ampleur, essaient depuis des décennies à coexister avec succès à l'aide de dialogue et de compromis. Tant en 1970, qu'en 1980, qu'en 1988-1993 et qu'en 2001, ce dialogue a mené à des accords adoptés par une majorité 2/3 et par une majorité dans les deux communautés linguistiques.   La législation et son application dans les communes flamande dans la périphérie de Bruxelles ont toujours fait l'objet de ces discussions et compromis.

Ce qui se passe réellement en ce moment, c'est que certains politiciens vous utilisent afin de marquer des points dans ce dossier communautaire extrêmement difficile.   Ne vous laissez pas manœuvrer dans une position que vous considériez vous-mêmes – s'il s'agissait de votre pays et d'une problématique se situant en tête de l'agenda – comme étant une ingérence injuste.

C'est pour cette raison que vous demande avec insistance, de reporter ce vote jusqu'à ce qu'il ait été remédié au problème juridique.  

S'il est néanmoins procédé au vote, je vous demande de ne pas agir suivant les coutumes de cette institution et de ne pas approuver les arrêtés proposés sans plus. Assumez vos responsabilités et osez vous opposer à une présentation inexacte et injuste de la situation. Un vote hostile ne signifie pas que vous nous donneriez raison pour 100 %, mais que vous estimez que plus d'étude et de profondeur sont nécessaire afin de comprendre le problème complexe de la Fédération belge.