Conférence internationale Lancement de l’Eurorégion de la mer Noire

Varna, Bulgarie, 26 septembre 2008

Allocution de Yavuz Mildon, Président du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe

Monsieur le maire,

Monsieur le Président du conseil municipal,

Mesdames et Messieurs les ministres,

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

C’est avec un grand plaisir que je prends la parole devant les participants de cette conférence, qui marque l’aboutissement de deux années de travail consacrées à la réalisation d’un projet du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux – l’Eurorégion de la mer Noire – qui sera lancé aujourd'hui.

J’aimerais remercier les autorités bulgares et plus particulièrement la belle ville de Varna pour avoir accueilli cet événement sur les côtes mêmes de la mer qui se trouve au cœur de notre projet et que les marins de la Grèce antique connaissaient sous le nom de Pontos Euxeinos – « mer hospitalière ». Cette image accueillante et chaleureuse de la mer Noire illustre parfaitement notre ambition et notre souhait d’édifier un espace de coopération entre nos collectivités, entre des villes et des régions riveraines de la mer Noire ou situées dans son vaste bassin.

Ses côtes abritent des traditions ancestrales d’échanges commerciaux et culturels, de la coexistence de différentes civilisations et religions, de la découverte et de l’exploration. Située au croisement entre l’Europe et l’Asie, et donc d’un grand intérêt politique et économique, la région de la mer Noire a été, tout au long de son histoire, un centre de flux migratoires et d’échanges économiques, mais également une région qui a fait l’objet de nombreux enjeux géopolitiques et de conquête territoriale. Elle offre donc un grand potentiel de coopération, mais constitue par ailleurs une source de tension et de conflit. Région riche en ressource énergétiques, elle est aussi au croisement de routes importantes pour l’approvisionnement d’énergie, ce qui est un atout mais peut représenter une source de rivalité potentielle. On peut faire des remarques comparables concernant sa diversité ethnique. Nous ne devons pas oublier que cette région a également vécu quatre conflits « gelés », dont l’un vient de prendre la forme d’hostilités armées ; une région qui a été confrontée à une fragilité écologique, à des problèmes d’environnement, ainsi qu’aux défis des migrations illégales et du crime organisé. 

L’ambition qui nous anime aujourd’hui pour l'Eurorégion de la mer Noire est la même qu’il y a deux ans, lorsque nous avons lancé ce projet ambitieux lors de la conférence de Constanta en Roumanie, en mars 2006. Nous souhaitons bâtir des passerelles entre les régions et les municipalités du bassin, dans les domaines politique, économique, social et culturel. Le Congrès est convaincu que la mise en place d’une coopération intermunicipale et interrégionale peut faire contrepoids et apporter une alternative efficace aux conflits entre ethnies et entre Etats.

Nous tirons notre expérience de notre action en Europe du Sud-Est après les guerres des Balkans, où nos projets qui visaient à restaurer ou à développer la confiance entre les communautés ont porté leurs fruits. Il nous a ainsi été possible de créer le Réseau des associations de pouvoirs locaux d’Europe du Sud-Est (NALAS) et l’Eurorégion adriatique, laquelle a vu le jour l’année même où nous avons lancé le projet de l’Eurorégion de la mer Noire. L’Eurorégion adriatique, administrée par le Conseil adriatique, a permis de rassembler les pouvoirs locaux et régionaux des régions riveraines de la mer Adriatique. Fiers de ce succès, nous souhaitons aujourd’hui mettre notre expérience au profit de la région de la mer Noire.

En fait, le projet d’Eurorégion de la mer Noire ressort de l’initiative lancée par le Congrès il y a quelques années, visant à établir des eurorégions d’une nouvelle génération autour des mers européennes semi-fermées. L’idée était, et reste aujourd’hui, de créer des synergies directes entre les peuples en réunissant les collectivités locales et régionales venant de pays membres et candidats de l’Union Européenne ainsi que de pays hors de l’UE. Le Congrès est particulièrement en mesure de développer des projets de ce type, étant impliqué d’une manière active dans la promotion de la coopération intermunicipale et interrégionale. L’importance de cette coopération a été mise en exergue dans la Convention de Madrid sur la coopération transfrontalière, adoptée en 1980.

Un premier projet de ce type, ceci de l’Eurorégion adriatique que je viens de mentionner, est aujourd’hui pleinement opérationnel. Nous espérons fortement que la nouvelle Eurorégion, qui va être créée aujourd’hui, va contribuer à la ‘Synergie de la mer Noire’. Ce grand espace géographique inclue aussi – ce qui a été toujours notre souhait – les pays sans accès direct à la mer Noire mais qui sont liés étroitement à elle. Je veux parler de l’Arménie, de l’Azerbaïdjan, de la Grèce, de la Moldova et de la Serbie, tous membres de l’Organisation de la coopération économique de la mer Noire, la BSEC. Nous espérons aussi que l’établissement de cette Eurorégion va donner un nouvel élan à la réflexion sur la création d’une Eurorégion de la mer Baltique, une autre mer d’une importance historique considérable pour notre continent.  

En revenant à l’Eurorégion de la mer Noire, j’aimerais souligner que ce projet vise à créer une plate-forme de coopération pragmatique dans les domaines économique et social, à l’échelle locale et régionale. Cette coopération viendra compléter les activités intergouvernementales menées par la BSEC. Le Congrès a déjà tenu des discussions préliminaires avec le Secrétaire général de la BSEC, l’ambassadeur Leonidas Chrysanthopoulos. Nous pensons que l’Eurorégion de la mer Noire et la BSEC devraient parvenir à un accord final établissant les modalités de leur coopération.

Le projet de l'Eurorégion de la mer Noire, dont cette conférence marquera l’aboutissement, a pu avancer ces deux dernières années grâce à trois conférences internationales – la première, à Constanta, que j'ai déjà évoquée et qui accueillera le siège de l'Eurorégion ; la seconde, à Samsun, dans ma Turquie natale, où les municipalités ont largement contribué au succès de notre projet ; et la dernière, à Odessa, en Ukraine, qui soutient le congrès depuis déjà de longues années dans le cadre de la promotion de la coopération interrégionale.

Ces conférences ont permis d’analyser les problèmes rencontrés par les autorités locales et régionales du bassin de la mer Noire, et d'identifier les principaux domaines de coopération, tels que la protection de l'environnement, le développement des échanges interculturels et de la cohésion sociale, la gestion des flux migratoires, les transports, l'énergie, la promotion du tourisme durable et l'échange de bonnes pratiques de gouvernance. 

En nous rassemblant ici, à Varna, pour la signature de l’Acte constitutif de l’Eurorégion de la mer Noire, nous avons marqué la fin de la phase préparatoire de notre projet avant de nous présenter sur la ligne de départ, attendant le signal qui va nous être donné par cette conférence.

Grâce au lancement de l’Eurorégion de la mer Noire, les collectivités territoriales disposeront désormais d’un cadre qui leur permettra de créer des synergies, de coordonner leurs efforts, d’échanger leurs expériences et leurs meilleures pratiques, et de développer les compétences des pouvoirs locaux et régionaux. L’Eurorégion servira également de rampe de lancement à des initiatives et projets multilatéraux, qui pourront s'appuyer sur les mécanismes financiers européens et internationaux déjà en place.

Mesdames et Messieurs,

Vincent van Gogh a dit un jour : « Les marins savent que la mer est dangereuse et que la tempête est terrible, mais ces dangers ne les ont jamais empêchés de prendre la mer. » Il y a deux ans, nous nous sommes embarqués dans cette nouvelle aventure sans craindre les vents adverses. Au contraire, ceux-ci ont renforcé notre détermination à atteindre notre objectif sur le navire que nous venons de construire : l’Eurorégion de la mer Noire. Désormais, ce navire est prêt à prendre le large. Aujourd’hui, allons à bord comme les pays, les villes et les régions qui ne sont plus séparés par la mer, mais comme une Eurorégion unie par elle.