4e Conférence des régions et villes européennes – Salzbourg (Autriche), 24-26 août 2008

« L’importance économique croissante des régions et villes d’Europe »

Allocution de Yavuz Mildon, Président du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe

25 août 2008

Monsieur le Président,

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

« C’est l’économie, imbécile ! ». Ce slogan, formulé de manière assez peu diplomatique, a marqué la campagne qui a permis à Bill Clinton de remporter les élections à la présidence des États-Unis, en 1992. Si la formule est crue, elle renferme toutefois une vérité simple : les efforts visant à construire des sociétés cohésives, pacifiques et viables – qui se composent nécessairement de communautés cohésives, pacifiques et viables – resteront vains oun tout du moins, incomplets, si nous ne parvenons pas à assurer la viabilité économique de nos villes et régions.

C’est pourquoi j’aimerais vous parler aujourd'hui, en tant que président du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, de l’importance économique croissante des villes et régions européennes, du fait qu’elles s'approprient aujourd’hui les questions économiques pour améliorer la qualité de vie de leurs administrés.

L’unification de l’Europe sur la base de la démocratie, de l'État de droit et du respect des droits de l’homme – ces valeurs fondamentales défendues par le Conseil de l’Europe – a ouvert la voie à l’intégration européenne au niveau territorial, qui entraîne un déplacement du pouvoir politique, économique et social des gouvernements nationaux vers les collectivités territoriales.

Cette évolution permet, à son tour, une meilleure application du principe de subsidiarité, c’est-à-dire le transfert des compétences et des ressources financières vers le niveau où les services publics peuvent être assurés le plus efficacement. Les gouvernements centraux reconnaissent aujourd’hui que les communes et les régions sont souvent mieux placées, dans de nombreux domaines, pour répondre aux besoins et aux attentes changeantes de nos citoyens.

Les processus d’intégration et la disparition progressive des frontières politiques et administratives ont stimulé la coopération interrégionale et intercommunale et conduit à la création d’eurorégions et de réseaux de villes dépassant les frontières nationales. Pensons par exemple à des réseaux tels « Des villes pour les enfants »,  le réseau de villes pour une politique d’intégration locale, le réseau Cities for Human Rights ou le Processus de Berlin pour les quartiers défavorisés. Au-delà de sa participation à ces réseaux, le Congrès du Conseil de l’Europe participe aussi activement à la promotion du nouveau phénomène politique que constitue la diplomatie des villes et à la création d’eurorégions sur les rivages des mers européennes, comme l’Eurorégion adriatique, créée en 2006, ou l’Eurorégion mer Noire, qui va être inaugurée tout prochainement.

 

Tous ces éléments illustrent la vigueur et l’importance croissantes des villes et régions, qui deviennent des acteurs majeurs sur la scène nationale, européenne et même internationale. À mesure que croît leur importance politique, l'économie locale et régionale joue un rôle clé dans la création d’emplois et la prestation de services, notamment en encourageant la création d’entreprises – en particulier chez les jeunes, les femmes et les immigrés –, en soutenant les petites et moyennes entreprises et en attirant les investisseurs.

Dans de nombreux pays européens, le dynamisme économique des régions et des grandes villes est aujourd’hui le moteur du développement économique national. Dans certaines régions, les autorités locales et régionales sont le principal employeur et prestataire de services ; elles appliquent souvent des approches novatrices et montrent la voie pour la constitution de collectivités plus cohésives. Pour ne citer qu’un seul exemple, la ville de Stuttgart a modifié ses procédures de recrutement de manière à renforcer la participation des immigrés et à en employer davantage, notamment en permettant l’utilisation de leurs langues maternelles dans la pratique administrative. Il y a évidemment bien d’autres domaines dans lesquels les collectivités locales et régionales présentent un avantage comparatif manifeste en raison de leur proximité avec les populations et les localités, par exemple pour stimuler la création d’entreprises, pour l’urbanisme et l'aménagement du territoire ou encore la promotion du tourisme, la conciliation du patrimoine et de la modernité et la protection des paysages.

Le Congrès s’occupe activement de ces questions. Aujourd’hui, nous considérons qu’il est de notre devoir d’aider les villes et régions à tirer profit de la diversité croissante de l’Europe, à devenir des réservoirs d’idées novatrices et à mettre en place les infrastructures et les pratiques adaptées à une société en voie de globalisation. Comme je l’ai déjà dit, les processus d’intégration ouvrent aussi de nouvelles possibilités d’extension et d’approfondissement de la coopération transfrontalière, de mise en commun des ressources et d’échange de bonnes pratiques entre villes et régions, l’objectif ultime étant de rendre les collectivités territoriales plus compétitives et plus efficaces face à la globalisation.

Mesdames et Messieurs,

La globalisation contraint les États et, par conséquent, les régions et les villes, à adopter des politiques de plus en plus semblables pour assurer la solidité de leurs finances publiques et de leurs politiques économiques. Pour relever les défis de la globalisation, les régions et les villes doivent être capables d’assurer l’interface entre les tendances mondiales et les préoccupations des citoyens. Une démocratie régionale et locale dynamique – fruit de politiques de stimulation économique, de développement durable, de solidarité sociale et de préservation des identités nationales – peut aider à faire face aux effets de la globalisation. Il est clair que la capacité à trouver une alternative à la standardisation économique, à la similitude d’approches est, de plus en plus, un élément décisif de la bonne gouvernance et du développement durable au niveau local et régional.

Dans ce contexte, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, qui représente plus de 200.000 collectivités territoriales de 47 pays, offre une plateforme véritablement paneuropéenne pour la coopération et l’échange de bonnes pratiques entre ces collectivités. Les activités du Congrès ont pour but de mettre en place un cadre normatif pour le développement économique et social durable et de servir de « fabrique d’idées » au moyen de ses rapports, résolutions et recommandations.

Au fil des ans, le Conseil de l'Europe et notre Congrès ont présenté de nombreuses propositions pour l'adoption d'instruments juridiques européens, comme la Charte sur la participation des jeunes, la Convention sur la participation des résidents étrangers, la Charte urbaine européenne ou la Charte de la démocratie régionale. Ces deux dernières ont été adoptées lors de la dernière session plénière du Congrès, en mai, et nous espérons qu'elles seront pleinement reconnues et soutenues par les collectivités territoriales européennes. Un autre exemple récent de notre action est la Stratégie européenne pour l’innovation et la bonne gouvernance au niveau local, adoptée en 2007, qui reconnaît que le développement économique et social durable est indissociable d’une bonne gouvernance au niveau local et régional.

La question de la bonne gouvernance soulève de nouveaux problèmes, sur lesquels nous travaillons actuellement, comme l'utilisation des nouvelles technologiques de communication dans le processus démocratique (ce qu'on appelle la « démocratie électronique ») ou la prestation de services de santé (« santé électronique »), ou encore la nécessité de réduire la fracture numérique dans nos sociétés.

Mesdames et Messieurs,

En conclusion, je tiens à souligner, une fois de plus, que l’avenir de la démocratie européenne passe par la viabilité économique de nos collectivités. C’est bel et bien l’économie qui génère les possibilités d’évolution sociale et la prospérité, elles-mêmes porteuses de paix et gages de développement futur. Dans le même temps, nous ne pouvons pas garantir un développement durable et la prestation de services publics de haut niveau sans fixer un cadre de bonne gouvernance démocratique.

C’est pourquoi le développement économique des villes et régions doit aujourd’hui reposer sur un socle robuste de valeurs et de principes visant à renforcer la participation des citoyens, à éliminer les discriminations et à inclure tous les segments de la société, à protéger les droits des immigrés et des minorités, l’égalité entre les sexes, l’accès aux services et les chances économiques pour tous.

En consolidant ce cadre au niveau local et régional, nous garantirons un avenir meilleur à nos collectivités.

Merci.