"La signature de la Charte a favorisé le développement des institutions de l'autonomie locale en Russie", selon Svetlana Orlova

Dans le cadre des célébrations pour le 10e anniversaire de la signature de la Charte européenne de l’autonomie locale par la Féderation de Russie, Svetlana Orlova, Vice-Présidente du Conseil de la Fédération de Russie explique le progrès obtenus en Russie dans le domaine de la démocratie locale et régionale et l’avènir des relations entre le Congrès et la Fédération de Russie.

Interview, 11.04.2008

Question :Cela fait dix ans que la Fédération de Russie a ratifié la Charte européenne de l'autonomie locale. Selon vous, qu'est-ce que l'adhésion à la Charte a apporté à la Russie, quels problèmes a-t-elle permis de régler ?

Svetlana Orlova : Elle a permis avant tout de répartir les pouvoirs. En Russie, plus d'une soixantaine de régions fonctionnent déjà selon un système de compétences ainsi réparties. D'ici la fin de 2008, j'espère que la répartition des pouvoirs aura été réalisée dans l'ensemble des régions. Aujourd'hui, beaucoup d'entre elles adoptent des budgets triennaux tout en respectant une répartition des compétences et des sources de financement bien définie.

Il est ainsi capital de conserver le principe de l'élection des maires de ville. Le découpage des arrondissements municipaux et urbains se poursuit. Il est aussi capital que beaucoup d'entités municipales et urbaines soient administrées par des instances élues, c'est-à-dire que ce soient les habitants eux-mêmes qui prennent les décisions. Plus de 122 référendums ont été organisés sur des questions essentielles de politique sociale et économique locale, c'est-à-dire sur des questions qui intéressent plus que tout la population.

On ne saurait exagérer le rôle joué au niveau régional par les projets nationaux et leur réalisation. Permettez-moi, à cet égard, d'attirer l'attention sur les nouvelles méthodes de travail qu'a introduites le président élu Dmitri An. Medvedev. Il a innové en la matière alors qu'il était encore Vice-Premier Ministre et qu'il participait activement à la définition de la politique régionale. Nous nous souvenons tous du discours qu'il a prononcé lors de l'ouverture de l'une des réunions du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux qui s'est tenue en 2006 à Moscou. Les projets nationaux qu'il supervisait et qui étaient financés au titre du budget fédéral ont beaucoup contribué à accélérer le processus de répartition des compétences et à régler de façon plus satisfaisante les problèmes existentiels les plus importants de la population. La santé, l'éducation, le logement, le développement de l'agriculture et des infrastructures, voilà tout ce que recouvraient les "projets nationaux" : nous voyons combien ces projets englobaient véritablement ce qui était vital, ce qui était prioritaire aux yeux des habitants.

Les participants à la conférence ont tous relevé que le rapport de suivi que Dmitri Medvedev avait demandé d'établir au ministère du Développement régional avait suscité un vit intérêt au Congrès. Ces derniers temps, beaucoup de membres de cette assemblée se sont rendus dans des villes et des régions de Russie comme Saratov, Samara, Kemerovo, le Tatarstan etc. Ces deux dernières années, nous avons préparé des présentations de la Yakoutie, de Moscou et de Saint-Petersbourg, qui ont reçu un accueil favorable dans les murs du palais de l'Europe à Strasbourg. L'ensemble des observateurs témoignent que nous allons dans la bonne direction et que nous mettons en œuvre la Charte de l'autonomie locale.

Question :Tout semble donc être positif. Pourtant subsiste-t-il des défauts ? Quels problèmes reste-t-il à régler ?

Svetlana Orlova : Il y a beaucoup de questions à résoudre. Elles sont liées avant tout à l'administration, aux sources de financement et au principe de subsidiarité. Il importe d'améliorer le degré de formation des responsables de municipalités. Nous ne cachons pas que les difficultés sont loin d'avoir été aplanies. Mais l'essentiel, c'est qu'elles puissent l'être et que nous œuvrions dans ce sens. Tous les participants de la conférence ont fait observer que ces dernières années, la Russie a enregistré de réels progrès. Souvenons-nous du rapport précédent sur la Russie, examiné il y a quatre ans. Il nous reprochait vivement alors la lenteur du processus de répartition des pouvoirs. Je dirai certes qu'à cette époque, il y a quatre ans, nous n'étions pas d'accord avec l'ensemble des critiques, nous estimions qu'il ne fallait pas forcer les choses. Mais cela, c'est du passé. Aujourd'hui, même nos détracteurs ont reconnu que la situation évolue dans le bon sens.

Question :Et pourtant bien que vous n'ayez pas été d'accord avec l'ensemble des critiques il y a quatre ans ainsi que vous l'avez souligné, celles-ci ont-elles servi à quelque chose ?

Svetlana Orlova : Bien sûr. Elles ont notamment permis de mieux savoir comment mettre concrètement en œuvre le principe de subsidiarité. Elles ont permis de préciser ce qu'on entend par importance et rôle des collectivités locales. Dans l'intervention, déjà citée, qu'il a faite lors de l'ouverture de la réunion du Congrès à Moscou il y a deux ans, Dmitri Medvedev a fait observer fort justement que le pouvoir  ne se trouve pas seulement au Kremlin, mais aussi au niveau local. Voilà au fond sur quoi nous nous fondons pour mettre en pratique les dispositions de la Charte. Regardez donc comment fonctionnent les assemblées au niveau des villes et des arrondissements !

Question :Mais les Européens ont-ils quelque chose à apprendre chez nous ou est-il trop tôt pour poser ainsi la question ?

Svetlana Orlova : Et pourquoi donc ? Tout récemment, dans le cadre des travaux du Congrès, nous nous sommes intéressés au développement des régions houillères. Prenez la ville de Kemerovo. Le Kemerovo de 1997 et celui de 2007 n'ont rien de comparable. C'est désormais une région qui fait preuve d'un beau dynamisme. Quatre nouvelles centrales électriques vont y être construites en faisant appel à des technologies innovantes qui tiennent compte des exigences du Protocole de Kyoto. De nouveaux logements sont en construction et les problèmes sociaux y sont traités avec efficacité.

Question :Essayons maintenant de prévoir l'avenir : comment les relations entre la Russie et le Congrès vont-elles évoluer ?

Svetlana Orlova : Je suis persuadée qu'elles seront très constructives. Nous avons les mêmes problèmes, il faut les régler de concert. Il importer d'éviter d'avoir deux poids deux mesures…

Question :De quoi voulez-vous parler ?

Svetlana Orlova : Notamment du problème du Kosovo. Certes, cela intéresse en premier lieu l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, mais nous aussi, nous défendrons au Congrès notre position sur cette question. Il y a la résolution 1244, il faut donc l'appliquer.

Question :Si je vous comprends bien, la question du Kosovo va aussi être abordée au niveau du Congrès ?

Svetlana Orlova : Naturellement. Pour moi, c'est indispensable. Le Congrès a seulement commencé à examiner la question du Kosovo à la réunion de Malaga. La délégation russe y a clairement affirmé sa position : les normes doivent être les mêmes pour tous. Des élections ont eu lieu au Kosovo, ce que certains avancent comme argument, mais qu'est-ce que cela veut dire ? C'est la légitimité des élections mêmes qui fait problème.

Question :Vous avez dit que "Nous avons les mêmes problèmes". Quels sont les problèmes que vous distingueriez en premier lieu ?

Svetlana Orlova : Il faut œuvrer de concert pour renforcer le rôle du Congrès. Celui-ci ne doit pas se limiter au rôle d'observateur de processus, mais intervenir et participer plus activement à ces processus. Les problèmes communs les plus importants que nous ne pouvons régler isolément sont le climat, les ressources en eau, le travail de jeunesse et la violence domestique. N'oublions pas que la Russie a proclamé que 2008 serait l'année de la famille. Il faut que nous travaillions activement sur ce thème. Les monuments de la Seconde guerre mondiale et leur conservation constituent un autre problème commun. Ces monuments sont indispensables non seulement pour nous, mais aussi pour nos descendants, quelles que soient les discussions en cours sur la Guerre. Nous pouvons avoir différents points de vue sur tel ou tel événement historique, mais le souvenir de ceux-ci est unique et il faut le préserver par la concertation. Le nihilisme n'a pas d'avenir.

Question :En conclusion, permettez-moi de vous poser une toute petite question. Comment évalueriez-vous sur une échelle de un à dix le niveau actuel des relations entre la Russie et le Congrès ?

Svetlana Orlova : J'estime que l'image de notre délégation au Congrès est très bonne. Nous avons fait des rapports sur toutes les questions d'actualité. Je situerais ce niveau précisément à huit.